La déontologie et l’IA font-elles bon ménage ?

À chaque livraison de la Tribune, nous tenterons de vous rappeler certains principes de déontologie par des exemples pratiques. Il ne s’agira pas de faire le tour du sujet mais de porter à votre attention un point particulier de nos règles.

Aujourd’hui, l’utilisation par l’avocat de l’IA.

Nous avons tous entendu parler de l’intelligence artificielle, et nombre d’entre nous l’ont testée, par le biais notamment de l’accès facilité au public de certaines plateformes.

Avec le déploiement de ces plateformes d’IA comme ChatGPT en 2022 et, plus récemment, de Gemini, l'Union européenne (UE) a souhaité mettre en place un règlement sur l'intelligence artificielle (IA).

Adopté le 13 mars 2024 par les eurodéputés, ce règlement a pour objectif d'encadrer le développement de l'IA. 

En outre, comme toute technologie, l’IA doit être utilisée de manière conforme à nos règles déontologiques.

Le barreau de l’État de Californie, notamment, a publié un relevé des orientations pratiques concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle générative.

La plupart de ces orientations peuvent être appliquées chez nous également et il m’a semblé utile d’en relever quelques-unes.

Ainsi, l'avocat ne doit pas introduire d'informations confidentielles concernant son client dans une solution d'IA générative qui ne dispose pas de protections adéquates en matière de confidentialité et de sécurité. 

L'avocat doit rendre anonymes les informations relatives au client et éviter de saisir des détails pouvant être utilisés pour identifier le client. 

Un avocat ou un cabinet d'avocats doit consulter des professionnels de l'informatique ou des experts en cybersécurité pour s'assurer que tout système d'IA dans lequel un avocat saisirait des informations confidentielles sur ses clients respecte des protocoles rigoureux en matière de sécurité, de confidentialité et de conservation des données.

D’autre part, l’avocat doit veiller à utiliser la technologie de manière compétente, y compris les avantages et les risques qui y sont associés, et faire preuve de diligence et de prudence en ce qui concerne les faits et le droit.

Avant d'utiliser l'IA générative, un avocat doit comprendre dans une mesure raisonnable le fonctionnement de la technologie, ses limites et les conditions d'utilisation applicables ainsi que les autres politiques régissant l'utilisation et l'exploitation des données du client par le produit. 

Une confiance excessive dans les outils d'IA est incompatible avec la pratique active du droit et l'application d'un jugement formé par l'avocat. 

Les résultats générés par l'IA peuvent être utilisés comme point de départ, mais doivent être soigneusement examinés. Ils doivent faire l'objet d'une analyse critique.

Le devoir de compétence ne se limite pas à la simple détection et à l'élimination des résultats erronés générés par l'IA. Le jugement professionnel de l'avocat ne peut être délégué à l'IA générative et demeure à tout moment la responsabilité de l'avocat.

L'avocat doit prendre des mesures pour éviter de trop se fier à l'IA générative au point d'entraver l'analyse critique de l'avocat favorisée par la recherche et la rédaction traditionnelles. Par exemple, un avocat peut compléter toute recherche générée par l'IA par une recherche effectuée par un humain et compléter tout argument généré par l'IA par une analyse critique effectuée par un humain et un examen de la jurisprudence

L'avocat doit évaluer ses obligations de communication tout au long de la représentation en fonction des faits et des circonstances, y compris la nouveauté de la technologie, les risques associés à l'utilisation générative de l'IA, l'étendue de la représentation et le niveau de sophistication du client. L'avocat doit envisager de divulguer à son client son intention d'utiliser l'IA générative dans le cadre de la représentation, y compris la manière dont la technologie sera utilisée, ainsi que les avantages et les risques d'une telle utilisation.

L'avocat doit vérifier l'exactitude de tous les résultats de l'IA générative, y compris, mais sans s'y limiter, l'analyse et les citations d'autorité, avant de les soumettre au tribunal, et corriger toute erreur ou déclaration trompeuse faite au tribunal. 

On le voit donc, le respect du secret professionnel, la compétence, la diligence, sont des éléments mis en exergue.

Vous me direz que ceci n’est que du bon sens, mais n’est-ce pas une des caractéristiques de la déontologie ?


Jean-Noël BASTENIERE
Administrateur

 

A propos de l'auteur

Jean-Noël
Bastenière
Avocat au barreau de Brabant wallon

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