Pour rappel, notre rubrique est consacrée à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Chaque édition aborde un autre thème pour vous informer et vous rappeler que l’assujettissement est plus rapide que beaucoup ne l’imaginent.
Appliquer la loi anti-blanchiment relève parfois de l’exercice du funambule. D’où le titre de notre rubrique…
Celle-ci se veut courte et lisible. Elle se veut également interactive, donc n’hésitez pas à nous soumettre vos questions à l’adresse blanchiment@avocats.be. Nous ferons le maximum pour y apporter une réponse claire.
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Le 15 décembre dernier, la Commission anti-blanchiment d’AVOCATS.BE a tenu une réunion avec la Cellule de Traitement des Informations Financières (la CTIF, prononcez « Cétif »), à savoir la Cellule chargée, en Belgique, de recevoir et de traiter les déclarations de soupçon de blanchiment.
L’occasion pour notre Commission de faire part à la CTIF de toutes les avancées de la profession en la matière : mise en place de cellules au niveau des barreaux locaux et de canaux de communication entre ces cellules locales et la Commission, contrôles, formations (notamment dans le cadre du CAPA et des Universités d’été) et, bien sûr, création de la rubrique que vous lisez en ce moment.
Un rapide état des lieux des futures évolutions de la matière a été fait. La 5e Directive AMLi doit encore être transposée en Belgique et le nouveau Code Pénal est en chantier. Le GAFIii est de son côté en pleine remise en question et évalue actuellement ses propres mesures.
En ce qui concerne les délits sous-jacents au blanchiment, la difficulté à définir la fraude fiscale grave (voir à ce propos l’article de Me Scarnà dans la Tribune n° 208) a été évoquée. L’exemple de la Suisse, qui a déterminé un montant limite pour que la fraude soit qualifiée de grave, a été cité.
Au niveau des typologies de blanchiment, certains enseignements peuvent être tirés du site web de la CITF et de ses rapports annuels, dont la rédaction n’est plus un exercice neutre : l’entrée en vigueur du RGPD impose à présent d’occulter certains éléments.
Il fut également question du risque qu’a l’avocat de se faire instrumentaliser, a fortiori lorsqu’il est encore jeune stagiaire. Chacun s’est en outre accordé à dire que l’avocat belge ne peut se comparer ni à l’avocat anglo-saxon, ni à un établissement de crédit ; et que, peut-être, la législation actuelle ne lui était pas tout à fait adaptée. Le Président de la CTIF reconnaissait à ce titre que les avocats (et les bâtonniers) ne sont, de fait, pas des déclarants comme les autres.
Le nombre de déclarations de soupçon faites par les avocats par l’intermédiaire de leur bâtonnier en 2021 n’est bien sûr pas encore connu, mais on sait déjà que ces déclarations sont en général de qualité. Ceci a pour corollaire que la CTIF ne pose de questions complémentaires aux avocats que très rarement, pour ne pas dire jamais. Si toutefois un avocat devait être interrogé par la CTIF, celle-ci semble acquiescer à l’obligation déontologique de l’avocat de faire passer sa réponse pas le filtre du bâtonnier (voir à ce propos l’article de Me Creplet dans la Tribune n° 207), sauf s’il agit comme mandataire de justice (voir à ce propos l’article de Me Risopoulos dans la Tribune n° 191, mais aussi l’article du bâtonnier Hoc dans la Tribune n°206). La CTIF a d’ailleurs précisé qu’une déclaration de soupçon qui serait faite sans passer par le bâtonnier serait tout à fait inexploitable par ses services. Il a en outre été indiqué qu’un avocat du barreau d’Anvers siège à la CTIF à titre d'expert, et qu’il est régulièrement consulté en cas de doute, tout particulièrement si le déclarant est un avocat.
Enfin, la CTIF a indiqué qu’aucune déclaration récente en provenance d’un établissement de crédit ne concernait un compte de qualité dont un avocat était titulaire.
Sur proposition du président de la commission anti-blanchiment, Maître Tainmont, le président de Koster, s’est dit tout à fait disposé à exposer aux avocats dans le cadre d’une conférence le point de vue de la CTIF. Un nouveau rendez-vous a donc été pris pour discuter de la manière dont celle-ci et l’OBFG pourraient collaborer en ce sens.
Marjorie Dedryvere,
Juriste interne AVOCATS.BE
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i Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE.
ii Le « Groupe d’Action Financière », organe international émettant des recommandations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.