Pour ce millésime 2025, le Jeune Barreau de Tournai nous convie ce samedi 5 avril dans le toujours somptueuse salon de la Reine de l’Hôtel de Ville qui trépigne de ses quelque 280 invités.
Monsieur le Président du Jeune Barreau entame la conférence en présentant l’oratrice, Me Fiona DEBLATON, dont il nous décrit en quelques mots sa jeunesse déjà remplie de dynamisme en alliant le sport, une implication dans les guides et ensuite ses études universitaires menées tambour battant en conjuguant études et folklore estudiantin.
Arrivée voici seulement quelques années au Barreau de Tournai, Me DEBLATON poursuit sur sa lancée au pas de charge et se retrouve déjà associée dans un cabinet tournaisien qui a pignon sur rue.
Notre oratrice entame ensuite son discours au titre sibyllin « confessions d’une milléniale » qui s’avérera relatif au choc des générations.
Elle se demande d’abord si elle n’est pas trop jeune pour être l’oratrice de la rentrée, craignant sans doute un manque d’expérience, voire de pertinence, elle qui est issue de la génération Y aussi appelée les « milléniaux ».
Celle-ci nous dresse alors un portrait caricatural des difficultés de compréhension entre les générations qui crée un véritable fossé entre elles : les jeunes sont souvent considérés comme individualistes, égocentrés, irrévérencieux ou encore fainéants tandis que les baby-boomers, nés entre 1946 et 1964, rentrent dans la catégorie des vieux cons, des conservateurs qui estiment que « c’était mieux avant ».
Elle part du postulat que le procès fait à la jeunesse n’est pas correct et s’emploie à démontrer que celle-ci n’est pas plus paresseuse que ses « glorieux » aînés en rappelant que les baby-boomers ont connu une période plus facile exempte de guerre, de pandémie ou encore de catastrophe économique, alors que les jeunes générations vivent dans une société en déclin depuis plusieurs décades.
Toujours selon elle, les jeunes ne sont pas plus égoïstes ou individualistes que les anciens car ils peuvent se mobiliser pour des causes justes ; en outre, la généralisation des écrans ne les pas rendus indifférents à l’information ou à la culture, eux qui se gavent à présent de podcasts.
De manière sans doute audacieuse, elle prend alors l’exemple de la lutte des jeunes pour le climat afin de convaincre son auditoire du dynamisme et du sens des responsabilités des jeunes générations.
Cela étant, l’objectif déclaré de l’oratrice est de réconcilier les générations en apportant à chacune des clefs de compréhension, en mettant en lumière leurs qualités plutôt que de stigmatiser leurs défauts.
Chaque génération peut apprendre de l’autre.
Elle conclut en espérant que ses propos, que d’aucuns qualifieront d’impertinents, d’audacieux, voire d’idéalistes, permettront de susciter la réflexion et d’avancer dans la réconciliation des générations.
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La réplique est à Monsieur le Bâtonnier.
En guise de contrepied à la jeunesse de l’oratrice et à l’attention de ceux qui se demanderaient s’il n’est pas trop vieux pour être bâtonnier, il lance alors à l’assemblée un énergique : « Papy fait de la résistance ! ».
Très vite, il lui concède que la démonstration de ses opinions n’est pas conditionnée à l’expérience mais encore faut-il que les propos s’appuient sur la connaissance, la raison et la modération dont sont souvent privés les jeunes.
Selon lui, le conflit des générations n’est qu’une fiction : il cite joliment à cet égard Guillaume JEHANNIN : « les générations ne sont plus oppositionnelles, mais elles sont en friction identitaire. ».
Revenant sur le climat évoqué par l’oratrice, le Bâtonnier s’exprime sur sa déception de constater que si les jeunes se mobilisent bien pour la sauvegarde de la planète, leur comportement n’est pas à l’aune de leur engagement, référence au goût prononcé de l’oratrice pour les voyages lointains en avion.
En toute objectivité, il reconnaît que les baby-boomers sont responsables de la création des enfants-Rois, oubliant au passage leur responsabilité éducative qui devrait être empreinte d’autorité.
Reprenant le thème de la valeur du travail, il constate que les aspirations des jeunes ne sont plus celles des anciens ; elles sont à présent faites d’exigences diverses ou encore de remise en question de l’autorité patronale.
O tempora, o mores !
Le Bâtonnier nous questionne alors: était-ce mieux avant ? Sa réponse est négative mais il décrit néanmoins sa douce mélancolie du passé.
En guise de conclusion, il précise que la jeune oratrice veut l’espace tandis que lui, le vieux Bâtonnier, veut le temps !
Reprenant Auguste DETOEUF qu’il cite : « Il faut écouter les vieillards : il y a toujours dans ce qu’ils disent un peu de vérité mais il ne faut pas leur obéir, car ils ont perdu ce qui faisait leur force : la jeunesse. ».
Tout est dit.
Sous le soleil toujours radieux, les agapes peuvent donc commencer pour les invités, sans doute rassurés que le conflit de générations est reporté sine die.
Stéphane Dupont,
Avocat au barreau de Tournai
Secrétaire permanent du Barreau de Tournai