Super-superviseur européen, avec quels pouvoirs ?

Pas de trêve estivale sur le terrain de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : le 20 juillet dernier la Commission européenne rendait public son « Paquet législatif » en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, comportant :

  • une Proposition de règlement établissant une Autorité de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme chargée d’homogénéiser, avec les autorités de supervision nationales, la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sur tout le territoire de l’Union Européenne ;
  • une Proposition de règlement sur la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ;
  • une Proposition de directive sur les mécanismes à mettre en place en vue de la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ; et
  • une Proposition de règlement sur l’information accompagnant les transferts de fonds et les crypto-actifs.

Plusieurs dispositions de ces Propositions suscitent l’inquiétude d’AVOCATS.BE, en ce qu’elles mettent en danger le secret professionnel et le principe d’indépendance de l’avocat.

La principale nouveauté de ces Propositions consiste en la création d’un « super-superviseur » européen, baptisé « AMLA ». Dans l’état actuel des textes, l’AMLA exercerait un contrôle direct sur la plupart des entités assujetties du secteur financier et un contrôle indirect sur les autres entités assujetties, parmi lesquelles les avocats.

En Belgique, le contrôle du respect par les avocats de leurs obligations en la matière relève de l’autorégulation (par le biais des bâtonniers), ce qui reste possible en vertu des nouvelles Propositions. Toutefois, celles-ci prévoient que les Etats Membres qui font usage de cette possibilité doivent s’assurer que les activités des organes d’auto-régulation soient soumises à la surveillance d’une autorité publique.

Les textes prévoient également que les Etats Membres doivent s’assurer que ces autorités publiques chargées de superviser les organes d’auto-régulation informent, en temps opportun, les autorités compétentes pour enquêter et poursuivre les activités criminelles, directement ou via la FIU (en Belgique : la CTIF), de toute infraction sujette à des sanctions pénales détectée dans l’exercice de leurs missions.

L’AMLA pourrait en outre elle-même requérir qu’une enquête soit menée sur les éventuelles violations de leurs obligations par les entités assujetties (les avocats), et que d’éventuelles sanctions ou mesures soient envisagées à cet égard.

Elle serait également chargée d’organiser des « peer reviews » (contrôle par les pairs) des autorités publiques supervisant les organes d’auto-régulation ; ces « reviews » n’ayant de « peer » que le nom, dès lors des membres de l’AMLA seraient amener à siéger dans les « review committees ».

On perçoit mal comment ceci pourrait s’opérer dans le respect de l’indépendance de l’avocat et de son secret professionnel.

AVOCATS.BE a bien sûr réagi à ces Propositions et continuera à le faire durant tout le parcours législatif de ces textes, tout comme de même que le CCBE (Conseil des barreaux européens), dont AVOCATS.BE est membre.

***

Pour rappel, la rubrique « Le fil blanc » est consacrée à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Chaque édition aborde un autre thème pour vous informer et vous rappeler que l’assujettissement est plus rapide que beaucoup ne l’imaginent.

Appliquer la loi anti-blanchiment relève parfois de l’exercice du funambule. D’où le titre de notre rubrique…

Celle-ci se veut courte est lisible. Elle se veut également interactive, donc n’hésitez pas à nous soumettre vos questions à l’adresse blanchiment@avocats.be. Nous ferons le maximum pour y apporter une réponse claire.

A propos de l'auteur

Marjorie
Dedryvere
Responsable de la Commission anti-blanchiment

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