Solus dare – (se) donner seul par Jacques Laffineur

La générosité pour l’individu est une vertu morale, la solidarité pour le groupe, une nécessité économique, sociale, politique. La première, subjectivement, vaut mieux. Mais elle est objectivement à peu près sans effet. La seconde, moralement, ne vaut guère, mais elle est, objectivement, beaucoup plus efficace.

Cette pensée d’André Comte-Sponville est le point de départ de Céline, l’héroïne de Solus dare, le nouveau roman de Jacques Laffineur.

Céline est chercheuse en sciences humaines à Grenoble et elle a entrepris une thèse sur un thème un peu exceptionnel : Génétique et générosité : étude des interactions causales aux confins de l’éthologie, de la sociologie, de la psychologie et de l’anthropologie.

Quel est le ressort de la générosité ? Donne-t-on d’abord pour soi ? Parce que l’on attend un retour (comme dans la chanson de Jean-Jacques Goldman : il y a une question dans « Je t’aime ») ? Ce retour est-il nécessairement matériel ? Ne suffit-il pas parfois d’un simple sentiment de satisfaction intérieur, de pouvoir se dire à soi-même que l’on a bien agi et que, donc, sans même en attendre quoi que ce soit d’autre, on peut avoir une bonne image de soi ? La fierté comme seule rétribution…

Dans ma jeunesse, ces questions aussi m’ont traversé. J’ai longtemps refusé de dire merci, pour ne pas dévaloriser la gratuité du don que je recevais en le rétribuant par ma reconnaissance.

La gratuité est-elle une affaire de proximité ? Nos réactions différenciées aux malheurs des peuples libyen et marocain, ou des réfugiés ukrainiens et éthiopiens donne à réfléchir.

La gratuité est-elle simplement possible ? 

Céline part à sa recherche. Cela l’amènera à scruter des comportements animaux. Des mammifères ont parfois des comportements de générosité qui semblent parfaitement gratuits. On en trouve aussi chez certains oiseaux, voire des insectes. Elle voyagera aussi, notamment en Israël pour y rencontrer une petite fille sauvée par le don du cœur d’un enfant palestinien abattu par l’armée israélienne alors qu’il jouait avec un jouet en forme de revolver…

Trouvera-t-elle une réponse à ses questions ?

Il y a fondamentalement deux sortes de littérature : l’une vous aide à comprendre, l’autre vous aide à oublier (Stephen Vizinczey, cité en exergue du chapitre III).

Jacques Laffineur est avocat à Bruxelles, chercheur à l’UCLouvain en droit de la consommation. Solus dare est son deuxième roman, après Carrefour Léonard en 2005. Son roman se trouve au croisement de ces deux genres littéraires. Car si le thème exploré par Céline est passionnant et, d’ailleurs, édifiant, l’histoire qui nous est contée est très plaisante et agrémentée de quelques beaux effets de surprise.

L’un d’eux est amusant. Notre chercheuse helvético-franco-belge (elle est l’épouse d’un chirurgien suisse qui gère, à Vevey, sur les bords du lac Leman, une clinique de haut luxe où les femmes d’oligarques de toutes origines viennent se faire rafistoler à grands frais ; elle travaille dans une université française ; elle est d’origine belge et a étudié dans un collège jésuite où elle a eu la chance d’avoir un professeur extraordinaire qui a manifestement suscité sa vocation : le père Toussaint, qui m’a fortement fait penser à mon titulaire de rhéto, le père Henri Lambert) y retrouve un autre avocat bruxellois : Henri La Fontaine, prix Nobel de la Paix 1913 (quelle ironie de recevoir ce prix à la veille de la première guerre mondiale !). C’est l’occasion de se poser des questions sur les rapports entre guerre et générosité, entre paix et solidarité.

C’est tout l’organisme social, politique et économique qu’il s’agit d’organiser de manière à mettre un terme aux jalousies, aux inégalités, aux compétitions, aux misères matérielles et morales, aux détournements par quelques-uns des richesses de toute nature, au colonialisme accapareur, aux concurrences déloyales de pays à pays, à l’agiotage financiers et aux dévaluations monétaires, etc.

Ces mots, Henri La Fontaine les écrivait en 1939…

À peu de choses près, il pourrait les réécrire aujourd’hui.

Patrick Henry
Ancien Président

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Henry
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Ancien Président d'AVOCATS.BE

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