Jeter sa gourme

Retrouvez dans cette rubrique l’expression, l’injure, le mot et la curiosité grâce auxquels vous pourrez tenter de paraître intelligent et cultivé en société !

L’expression : Jeter sa gourme

Faire ses premières folies de jeunesse

Gourme, voilà un mot peu courant de nos jours.

Certains l'ont peut-être entendu chez les pédiatres à propos de leur bambin, faisant ce qu'on appelle souvent des « croûtes de lait » sur le cuir chevelu et le visage, mais pour ce type de manifestation, la plupart du temps, le praticien leur aura plutôt parlé d'impétigo.

Et quand on ne sait pas ce qu'est la gourme, on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec gourmette qui, s'il y a bien un lien, n'est pas le petit de la gourme, tout comme la belette n'est pas le petit du castor.

En effet, la gourmette, d'abord appelée gourme au début du XVe siècle, était autrefois une chaînette qui servait à maintenir le mors du cheval ; le nom de cette chaînette s'est ensuite déplacé, à la fin du XIXe siècle, vers celle qu'on reliait à une montre de gousset ou celle qu'on portait au poignet.

Mais revenons à la gourme qui nous concerne.

C'est à partir du milieu du XIVème siècle que le mot désigne une maladie de la bouche ou de la gorge du cheval, affection provoquant, entre autres, la sécrétion d'une morve particulière ayant le même nom (gourme pourrait venir du francique worm, qui signifiait "pus". Il semble que pratiquement tous les poulains soient victimes de cette maladie bénigne, point de passage quasiment obligé. Au XVIème siècle, on disait alors de l'animal qu'il jetait sa gourme, le verbe jeter ayant aussi le sens d' « émettre des sécrétions ».

Parallèlement, mais au figuré cette fois, jeter sa gourme a pris le sens qu'il a toujours aujourd'hui.

La raison de la naissance de cette métaphore est assez simple : si le poulain passe obligatoirement par la maladie, le jeune humain passera tout aussi inévitablement par un moment où il commettra ses premières frasques, passage considéré ici, comme pour le poulain avec sa morve, comme une maladie de jeunesse incontournable (puisqu' « il faut que jeunesse se passe ».)

L’insulte : Gigolette[1]

Jeune fille très délurée[2]

Le mot désignait une jeune fille aux mœurs débridées, qui passait son temps libre à courir les « gigues », les bals publics[3].[4]

Le mot : Gourde, n.f.

Bot. : Plante de la famille des cucurbitacées.

Monn. : Unité monétaire d’Haïti.

La curiosité : La famille Boyau, crazy, écrabouiller et écraser

À l'origine de cette famille se trouve le nom féminin buelle, « entrailles », attesté vers 1100. Ce nom prend ensuite le genre masculin, change de forme et de sens, et devient boiel, « boyau » vers 1160. Sa forme définitive Boyau est attestée vers 1340.

Mais la forme boiel ne disparaît pas totalement, car elle produisit le verbe esboillier, « étriper », attesté au XIIe siècle. Esboillier lui-même eut sa propre descendance : il s'unit avec écraser et donna en 1535 le verbe escarbouiller, « écraser, broyer », qui deviendra escrabouiller en 1578, puis écrabouiller tel que nous le connaissons.

On notera avec intérêt que le verbe écraser est d'origine anglaise, puisqu'il provient du verbe de moyen anglais to crasen, « briser » (vers 1440), lequel eut pour dérivé l'adjectif crazy, attesté en 1576 avec le sens de « maladif », puis en 1617 avec celui de « fou », que lui connaissent tous les anglophones. Crazy est donc frère d’écraser N'est-ce pas un peu fou ?

 

Jean-Joris Schmidt,
Ancien administrateur

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[1] « Mais je fus moins indifférent lorsque, comme consolation du retard d’Albertine, elle me dit : « Je crois que vous pouvez l’attendre à perpète. Elle ne viendra plus. Ah ! nos gigolettes d’aujourd’hui ! », (Marcel ProustSodome et Gomorrhe, 1921.

[2] « Le hasard fit qu'il n'habitât point une maison bondée de roulures ou foisonnant de gigolettes propres à le dégourdir », Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 70 ; «  (…) les danses ardentes et chaloupées du Moulin de la Galette, où fréquentent indistinctement trottins et gigolettes, calicots valseurs, barbillons, rapins et curieux », Francis CarcoJésus-la-Caille, Deuxième partie, ch. IV, Le Mercure de France, Paris, 1914

[3] Il s’agit aussi d’une cuisse de dinde dont le haut est désossé… ou l’épaule et le muscle de l’épaule du lapin. Mon, instant cuisine émotion : https://www.youtube.com/watch?v=iYsX61CxP2w

[4] L’instant musical de 1902…. Ne me remerciez pas… https://www.youtube.com/watch?v=rIJtf2LEet8 et celui de 1930 : https://www.youtube.com/watch?v=QpTa0ZX9RpU et même lui : https://www.youtube.com/watch?v=B7H-ak0Vlgs

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Jean-Joris
Schmidt
Ancien administrateur

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