Autonomie de gestion

Chères Consœurs, 
Chers Confrères, 
 
Dans mon éditorial précédent, je vous avais fait part de la volonté du Ministre de la justice de mettre en œuvre la loi du 18 février 2014 relative à la gestion autonome de l’Ordre judiciaire. 

Pour mémoire, le projet actuel – qui est déjà en cours de finalisation – repose sur ce qui est défini comme les trois piliers de l’Ordre judiciaire : le Collège des cours et tribunaux, le Collège du ministère public et le comité de direction de l’entité cassation. Ces trois piliers sont le centre de gravité du système. Les Collèges sont appelés à exercer une fonction d’interface avec les comités de direction des cours et tribunaux et les chefs de corps. Les Collèges devront répartir les budgets obtenus en fonction des plans de gestion qui seront dressés pour trois ans, faisant notamment état des besoins, selon des indicateurs à définir dans le cadre d’un contrat de gestion comme prévu (mais non explicité) par la loi du 18 février 2014. 

Le projet est vaste et il m’est impossible de le décrire en quelques lignes dans le cadre de cet éditorial. Je me permets donc de renvoyer à cette fin le lecteur à la note de synthèse établie par le Collège des cours et tribunaux datée du 30 mai 2023. Cette note est reprise ici.

Incidemment, il s’agit de la première communication officielle (malgré l’importance du projet) que j’ai reçue en tant que président d’un Ordre communautaire. Le texte du projet de loi ne m’a été rendu disponible que le 14 juin 2023. 

À l’investigation du teamjustice du SPF Justice, a été organisée vendredi dernier, le 23 juin, une journée de réflexion sur le thème « Autonomie de gestion de l’Ordre judiciaire : parlons-en ». 

Cette journée d’étude s’adressait à tous les magistrats et membres du personnel judiciaire mais les membres des Ordres communautaires ont aussi été invités à y participer ainsi que les bâtonniers et le CSJ. 

Cette journée de réflexion s’est tenue au Justicia, la Cour d’assises n’ayant pas d’audience le vendredi. 

Il s’agissait d’un évènement hybride, à la fois en présentiel et en ligne via Teams. 

Il m’a été indiqué qu’environ 80 personnes étaient présentes dans la salle et 300 inscrits en ligne. 

Le barreau ne comptait que trois participants dans la salle : le bâtonnier Emmanuel Plasschaert, son chef de cabinet Me Geoffroy Cruysmans et moi-même. 

Après un exposé du Ministre de la justice sur écran, le projet a été présenté conjointement par des membres du cabinet du Ministre et du Collège des cours et tribunaux. 

Les discussions et débats qui ont suivi ont été intéressants et animés mais ont aussi démontré que le projet tel qu’élaboré était loin de faire l’unanimité au sein de l’Ordre judiciaire. 

Sans en personnaliser les auteurs, je retiendrai les griefs et regrets suivants : 

  • Le déficit de représentativité du Collège des cours et tribunaux (par exemple les juridictions bruxelloises n’y ont aucune place alors que la présidente du TPI de Bruxelles est la cheffe de corps d’environ 150 magistrats) ;
  • Les pouvoirs donnés au Collège des cours et tribunaux, sans aucun véritable contre-pouvoir au garde-fou ;
  • L’extension du pouvoir d’ingérence des Collège et la perte d’indépendance des chefs de corps et comités de direction (alors que pour le Collège du ministère public maintient une structure hiérarchique dirigée par les cinq procureurs généraux) ; 
  • La possibilité pour le Collège d’émettre des directives contraignantes, même à l’égard des chefs de corps ;
  • La constitution d’un bureau commun entre les trois piliers pour la gestion du personnel est-elle compatible avec l’indépendance des cours et tribunaux à l’égard du ministère public ? ;
  • Un manque d’écoute à l’égard de nombreux protagonistes lors de l’élaboration du projet en discussion ; 
  • Le regret, malgré les difficultés techniques que cela pose, que le financement de la justice ne fasse pas l’objet d’une dotation spécifique votée par le Parlement.

Pour ma part, je suis intervenu pour souligner que, dans les travaux relatifs à la mise en œuvre de la loi de 2014, un quatrième pilier avait été oublié, à savoir le barreau. 

J’ai rappelé que le barreau était un partenaire essentiel de l’Ordre judiciaire et qu’il n’y avait pas de bonne justice sans avocat. J’ai insisté sur l’importance d’accorder au barreau à tout le moins une fonction consultative. 

Le bâtonnier Plasschaert a souligné l’importance des contacts entre bâtonniers et chefs de corps pour la gestion quotidienne. Il faut donc éviter de tout faire remonter. 

Les membres du Collège des cours et tribunaux du cabinet du Ministre ont indiqué qu’ils vont poursuivre l’élaboration du projet (qui me parait largement finalisé) et j’ignore bien entendu dans quelle mesure les remarques et objections formulées seront prises en compte. Il y a en tout cas une volonté affirmée de faire aboutir ce projet avant la fin de la législature. 

**
*

Enfin, je ne voudrais pas déposer ma plume éditoriale sans vous souhaiter d’excellentes vacances judiciaires. J’espère que vous pourrez tous en profiter pour vous reposer, passer du temps en famille et avec vos amis, prendre du champ à l’égard de notre quotidien et vous ressourcer. 

J’espère vous revoir bientôt et, pourquoi pas, à la faveur de nos Universités d’été qui se tiendront comme chaque année les 22 et 23 août 2023 au Château de Courrière.  

Votre bien dévoué,

Pierre Sculier, 
Président

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Pierre
Sculier
Président

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