Que l’avocat parfait me jette la première pierre !
Georges Pompidou eut en 1966, paraît-il, un cri du cœur qui pourrait (devrait) servir d’introduction à un cours de philosophie politique : “Mais arrêtez donc d'emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! On en crève ! Laissez-les vivre un peu et vous verrez que tout ira mieux ! Foutez-leur la paix !".
Pour rester dans le vocabulaire ‘biblique’ de mon titre, je crois pouvoir affirmer que le bon Georges a, malheureusement, prêché dans le désert.
Les choses en elles-mêmes ne se sont pas compliquées toutes seules depuis lors, mais les législateurs réglementaristes et autres ronds-de-cuir bureaucrates ont pullulé, qui ont corrompu des usages spontanés en tracasseries vétilleuses (le pléonasme n’est pas superflu), assorties autant que faire se peut de formalités et de sanctions pinailleuses.
Les emmerdements volent toujours en escadrille et leurs contrevenants ‘doivent’ être tourmentés.
Libertaire et démocrate par nature, j’avais conçu comme un “mal avantageux”, voici bientôt 40 ans, de me plier aux exigences d’un ordre professionnel qui me paraissait, somme toute, pouvoir constituer une sorte de rempart au caporalisme ambiant. Ce n’est pas tant qu’on pourrait faire notre popote interne à l’abri des regards, dans un corporatisme de mauvais aloi, mais à tout le moins pourrions-nous bénéficier d’une forme de ligue de professionnels viscéralement indépendants pour faire valoir le point de vue original, indocile, de notre ‘guilde’ dans la société.
La toge serait pour moi un gage d’égalité et non l’uniforme d’un planton ; la déontologie, un recueil de règles morales qui ne seraient requises que pour atteindre une certaine fin : mériter cette indépendance qui permet de défendre tout le monde contre n’importe qui.
Tout pouvoir a hélas, quasi par essence, ses dérives, et la “légiférite” l’épargne rarement.
Les avocats sont prompts à s’insurger contre la prolifération réglementaire et ils ne cessent pourtant de produire des normes autoritaires et entortillées à l’adresse de leurs propres membres. Je n’en ferai pas ici l’inventaire, par manque de place.
Je vais néanmoins m’attarder sur un sujet récurrent qui alimente les conversations (grognements) en aparté et qui me semble être parti en vrille depuis un temps déjà : la formation.
Définition : “Fait de développer les qualités, les facultés d'une personne, sur le plan physique, moral, intellectuel ou de lui faire acquérir un savoir dans un domaine particulier” (cnrtl.fr).
Au sortir de nos études de droit, n’avions-nous pas un bagage suffisant pour tenir un raisonnement juridique ? Quoi qu’il en soit, il ne (me) paraissait pas outrecuidant que l’ordre veuille nous initier aux particularités de la profession et que notre patron de stage nous fasse profiter de son expérience ; dans le même temps, l’examen des dossiers ferait progresser notre savoir et nos facultés.
“Quelqu’un” a néanmoins décrété que ce n’était plus suffisant (Décréter : “Affirmer quelque chose avec autorité et force, généralement de son propre chef”). Sur quelle base ?
De quelques cours de “trucs et ficelles” (bien utiles), on est passés à une école du stage : de (bons) avocats pourraient ainsi juger des aptitudes réelles de ces jeunes ignorants (diplômés, tout de même) et distinguer le bon grain de l’ivraie, comme lors du tri des âmes au jugement dernier.
La question de la compétence réelle était-elle sincèrement au centre des préoccupations ? Allons donc, ma bonne dame : l’objectif essentiel (et un peu sournois) était d’éviter que le barreau devienne ‘l’échappatoire au chômage’ pour de frais émoulus diplômés qui viendraient encombrer les rangs de l’avocature et manger le bon pain de ses membres. “La clientèle n’est pas extensible et notre problème est le surnombre !”. L’agenda (à peine) caché était … économique.
La mise au point d’obligations contraignantes et, in fine, d’un examen draconien permettrait, était-il espéré, un effet dissuasif en amont et un effet sélectif (pour les moflés) en aval.
Las ! personne ne fut jamais vraiment busé (je ne donnerai pas de noms, mais certains devinrent quasiment “stagiaires de carrière” sans qu’on se sente autorisé à les rayer) et l’attrait de la profession fut peut-être même amplifié par le possible label de qualité que pourrait conférer à son détenteur d’avoir décroché un CAPA, nouveau sésame dans la recherche d’un (autre) emploi !
L’effet dissuasif avorta donc, lui aussi.
Qu’à cela ne tienne, comme tout bon législateur, le barreau n’a pas revu sa copie et a même renflé sa noble institution, avec sa cohorte de règles, sa pléthore d’obligations, sa profusion de professeurs …
L’école du stage se muait en “degré postuniversitaire”.
Les contraintes se sont étendues aux patrons de stage, priés d’allouer à leurs ouailles un congé, puis un congé payé, pour cause de blocus : a-t-on envisagé l’hypothèse qu’ainsi délesté de la formation pratique (spectaculairement prise en charge par autrui), le patron de stage se soit autorisé à se dispenser de prodiguer la sienne ? Je l’ignore.
À ce brevet d’excellence, on n’a pas tardé à ajouter un concept très en vogue : la formation permanente.
Nos aînés étaient-ils donc tous de gros incultes ? L’exercice quotidien de leur métier n’avait-il aucune vertu formative ? Leur plongée journalière dans des ouvrages de renom qui pourraient leur procurer une solution favorable à leurs clients était-elle vaine ?
On prit le parti d’exiger d’eux une preuve ‘objective’ de maîtrise juridique.
Telle l’AFSCA qui envoie dans la cuisine d’un restaurateur de 40 ans de métier un post-adolescent incapable de faire cuire un œuf mais qui détient un formulaire de cases à cocher contraignant le cuistot à placer sa roquette dans un frigo (où elle va brunir en 2 heures), notre confrérie a élaboré une nomenclature chiffrée – les nombres, ça fait toujours plus objectif – dont l’effet majeur fut … une prolifération insensée d’entreprises commerciales de formation.
Pour 450 € (hors TVA, comme de juste), vous pourrez ainsi bénéficier d’un lunch dans l’arrière-boutique d’un clinquant hôtel du BééWéé qui vous vaudra 3 ou 6 points de formation, quel que soit le sujet et quelle que puisse être l’attention que vous y aurez portée.
Serez-vous formé ? Sans doute pas, mais au moins aurez-vous acheté les “points de formation qu’il vous appartient de justifier”. Payez, vous serez en règle.
Est-il absurde d’émettre l’hypothèse que ce système est une pure illusion ?
Peut-on réellement développer les qualités professionnelles de quiconque en l’envoyant à une “séance” qui consiste la plupart du temps à écouter – d’une oreille distraite, puisque contrainte – des orateurs (de qualité variable – certains se révélant d’authentiques lecteurs de slides insipides et infantilisants) pendant largement plus de 2 heures (sans compter les déplacements, épouvantables et polluants) ?
M’étant interrogé voici 25 ans, à l’occasion de mon discours de rentrée, sur la capacité d’écoute d’un auditoire, j’avais appris qu’elle était de 16 minutes au maximum et qu’il fallait donc prévoir tous les quarts d’heure, au moins, un éclat, une formule choc ou en tout cas quelque chose qui ranime les nombreux endormis. Il faut un talent exceptionnel pour retenir l’attention pendant 3 heures, même en alternant les orateurs et en prévoyant une pause à la mi-temps !
Certes, si vous décidez (1°) d’aller suivre une conférence, sur un sujet qui vous passionne (2°) exposé par un orateur que vous savez captivant (3°), sans doute allez-vous en retenir quelque chose, mais si, loin de ces critères, vous subissez, par obligation, l’interminable laïus d’un déclamateur, a fortiori sur un sujet qui vous en touche une sans faire bouger l’autre, vous vous assoupirez au milieu de vos semblables, physiquement présents mais visiblement occupés à autre chose, qui sur son Smartphone, qui carrément sur son PC portable, qui dans une agaçante conversation permanente …
J’ajoute que, lors de nos études, si nous avions pu passer les examens en ayant seulement écouté nos profs débiter leur matière, ça se saurait. Quand on n’a pas étudié et étudié encore un cours sérieux, on reste ignorant de son contenu. “Bref”, je persiste à croire qu’un avocat se forme lui-même tout au long de sa carrière : 3 heures de roupillon tous les mois, fût-ce à l’université, n’y changeront RIEN.
À rebours, l’avocat qui ne fait déjà pas correctement son boulot ne suit pas correctement non plus les cours destinés à sa formation (pendant lesquels il répond à ses mails ou taille une bavette). Et l’ordre n’a pas les moyens de vérifier qu’il s’est vraiment formé.
J’ajoute, sans délation, que lorsque la vérification de la présence effective n’avait pas encore été mise au point, j’ai vu des stagiaires de gros cabinets venir chercher 8 ou 9 tomes au Sart-Tilman et… repartir illico distribuer à leurs chefs les ouvrages qui attestaient de leur (excellente) formation.
Ce sont peut-être les mêmes qui peuvent s’inscrire à des formations horriblement coûteuses, entrée/plat/dessert inclus, ou qui profitent d’une conférence à laquelle ils se sont fait inviter pour intervenir une dizaine de minutes, points de formation plein pot à la clé. Je ne les envie pas, j’illustre seulement la relativité des points brandis en regard des objectifs putatifs de formation.
Je me souviens d’un confrère à qui la simple idée de devoir rédiger des conclusions donnait des pustules (sic). Il s’était spécialisé dans la récupération de créances, renvoyait vers plus compétent que lui dans toute autre matière et était apprécié de ses clients (et même des juges, à qui il remettait des pièces – avec un inventaire, ce qui ne se faisait pas toujours à l’époque…).
Je me rappelle également avoir pesté sur d’autres, qui plaidaient tout et (surtout) n’importe quoi mais dont les salles d’attente étaient incompréhensiblement pleines : ils avaient le tour …
On a tous croisé des confrères réputés compétents au plan juridique qui intentent pourtant des procédures “perdues d’avance”. Questionnés insidieusement sur cette bizarrerie après un 3e verre de cocktail, certains répondent même, sans gêne, qu’on est “devenus des entreprises commerciales” et que “la règle, à présent, c’est de se soucier d’abord de son propre chiffre d’affaires” ...
On connaît également de piètres juristes mais excellents gestionnaires de cabinet, qui s’entourent de plus académiques qu’eux et font tourner de solides bureaux.
Devrait-on attribuer des points non juridiques (autre cocasserie) à ceux qui parviennent à creuser leur trou grâce à une carte politique, leurs relations, leurs fraternités diverses, qualités qui semblent parfois leur mérite prépondérant ?
Dans un autre ordre d’idées, qui me tient à cœur, ne devrait-on pas s’inquiéter de la médiocrité de la maîtrise du langage ? Quand on se flatte de porter la voix d’un autre, le minimum paraît de pouvoir s’exprimer dans un langage (au moins) convenable. Si on distribuait les cartes rouges à ceux qui font plus de deux fautes d’orthographe/de grammaire/de syntaxe par page, un certain nombre de matchs devraient être interrompus faute de combattants. Ne me provoquez pas : j’ai des noms. À profusion.
Somme toute, est-il seulement possible de vérifier le degré de compétence de tout le monde et dans tous les domaines ? Dans un métier aux spécialités aussi diverses, qui aurait la prétention de déterminer la jauge ? Et si des omniscients y parvenaient, que ferait-on des “déclarés inaptes” ? Les rayer ? Impossible. Leur demander d’accumuler des points ? Chimérique.
Les assureurs RC auto accordent leur garantie à ceux qui ont un permis ; ils ne leur demandent pas en sus un brevet de formule 1. Ils ont élaboré un système de bonus-malus, qui n’agit certes qu’après coup mais qui permet à terme d’écarter les plus malhabiles. Le procédé est donc imparfait mais il a quand même des effets tangibles (lui).
Ce secteur ne s’est pas fondé sur la production de preuves que les automobilistes avaient regardé au moins 3 courses par an à la TV, avaient une patente de mécanique ou une carte de membre de VIAS. Il a fait en quelque sorte confiance à l’expérience de la conduite, et ce n’est que si celle-ci ne se révèle pas concluante que des mesures sont prises. On peut d’ailleurs facilement se convaincre qu’un expert du dérapage contrôlé, capable de balancer sa bagnole dans des tête-à-queue maîtrisés, sera finalement plus dangereux sur la route qu’un conducteur lambda, prudent et attentif.
Il en va de notre secteur comme du reste : le bardé de diplômes manquera peut-être du pragmatisme qui permet de juger un refus de priorité ; il ne sera pas consulté par la même clientèle que le généraliste frappé au coin du bon sens, mais chacun d’eux suivra son chemin. Conformer tout le monde à un modèle unique est une tentation fréquente, et croissante. C’est aux sorties de route qu’il faut remédier (je n’ai pas dit “qu’il faut réprimer”, autre déviance qui se banalise).
Il en va ainsi par exemple en matière d’honoraires (et on entend dire que “ce sont toujours les mêmes qui défilent”…). Leur fixation était totalement libre, elle a fait l’objet d’un règlement obligatoire (et alambiqué), retoqué pour cause de libre concurrence et finalement devenu une ‘recommandation’ qui sert tout juste d’indicatif pour éviter les contestations.
On ne doit pas (pas encore… ?) obtenir le visa préalable du conseil de l’ordre pour envoyer une facture. Le contrôle se fait là aussi en aval. Il en va d’ailleurs de même du respect de la déontologie.
À l’heure où le justiciable peut s’exprimer (et le fait volontiers), un recueil organisé et un examen de ses doléances permettraient peut-être une évaluation concrète des qualités de son conseil.
Je ne doute pas que d’éminents confrères bien plus qualifiés que moi ont abondamment planché sur ces questions mais, je le demande, lequel d’entre eux a pu estimer que fournir la preuve qu’on avait payé une inscription à la sieste du vendredi après-midi serait un gage d’érudition ?
Et me répondre que “ce n’est pas parfait, mais c’est déjà ça” relève de la phraséologie : on mobilise une énergie, un temps et beaucoup d’argent dans ce qu’on sait être un simulacre, dont la sourde finalité pourrait bien être de montrer qu’on ‘fait quelque chose’.
La crainte exprimée semble être en effet que « si nous ne nous occupons pas nous-mêmes de cette question de formation, quelqu’un d’autre le fera pour nous et on rira tout de suite moins ». Et l’abri de fortune consiste à dire que d’autres professions sont encore plus exigeantes.
L’argument de l’épouvantail ne me convainc pas (non plus). Je n’ai pas la place d’en discourir ici…
On aurait pu penser que, de façon plus concrète, nos autorités ordinales mettraient elles-mêmes sur pied des formations peu coûteuses. C’est dans une certaine mesure ce que la CLJB tente de faire avec ses conférences de midi et ce que faisait jusqu’il y a peu, il faut le reconnaître, la CUP – Commission Université-Palais (je préfère éluder ici les propositions de formation d’avocats.be, pesamment axées sur les Legal machins choses et autres médiations fort en vogue – un prochain article ?).
On pourrait suggérer une réorientation de l’école du stage… Quoi qu’il en soit, la CUP semblait pouvoir nous sauver des commerçants du droit, à prix scandaleux et décors inondés de sponsors.
Hélas, son programme semble ne plus devoir couvrir les 30 points annuels salvateurs ! Ses séances d’assoupissement se sont considérablement réduites. C’est l’université ou le palais qui a pris cette décision décevante ?
Il nous est aussi beaucoup vanté que la plupart des formations sont « disponibles en streaming » et que, ‘donc’, « nous n’avons plus d’excuses ! ».
Pour ma part, cette supposée solution à distance m’a toujours paru extravagante : calé sur un siège d’étudiant face à un orateur, je suis bien obligé de l’écouter (tant qu’à faire d’avoir fait le déplacement) mais, dans mon bureau, avec le téléphone, les courriels, etc., je n’ai aucune illusion sur l’apport didactique de l’exercice … On nage dans le leurre total.
Comme si ça ne suffisait pas, il faut, en plus, s’appuyer un laborieux téléchargement sur … LGOBOX ! Je m’autorise à renvoyer à un précédent libelle que j’ai commis dans ces colonnes sur JuriStart et Regsol : il n’y en a pas un pour racheter l’autre.
Dans ma pratique personnelle, je m’étais dûment inscrit à la CUP en 2018, 2019 et 2020. J’étais présent à la séance du 7 février 2020. Dois-je rappeler ce qui s’est ensuite produit ?
Certes, j’ai bien noté qu’on nous avait généreusement accordé une année de rabiot en fixant un exercice « exceptionnel » de 4 ans au lieu de 3, mais je ne résiste pas à cette question de djeun’s : vous êtes sérieux ? J’ai revu l’agenda et je crois pouvoir affirmer que, non, la pandémie de covid n’a PAS duré un an …
Le 17 mars 2020, la CUP a joué à bureaux fermés. Le 3 avril et le 15 mai, idem. Le 18 septembre, on annonçait pouvoir recevoir « 200 personnes au maximum ». Le 9 octobre et le 4 décembre, c’était (de nouveau) zéro.
Ayant claqué 250 € début 2020 pour une séance en février, je n’ai pas été autrement tenté de me réinscrire début 2021, « quoiqu’il en coûte » (je ne suis pas président d’une république, et moi, c’est mes sous – au secours, Poujade). Au demeurant, je ne me suis pas précipité dans tous les rassemblements possibles après mars 2020. La santé de mes proches m’a paru une préoccupation plus louable que d’essuyer des bancs d’école.
J’ajoute qu’à partir du moment où une reprise fut possible, les candidats à la formation permanente furent priés d’exhiber l’Ausweis de rigueur (lire : un Covid Safe Ticket, scandaleux instrument qu’on a laissé s’installer chez nous sans sourciller – voire, en le promouvant).
Dans l’Info ordre 2021-66 du barreau de Liège, Cocktail du 17 septembre 2021, il était martialement précisé : Les personnes qui ne se sont pas inscrites et qui ne pourront pas démontrer la détention du « Covid Safe Ticket » ne pourront pas accéder à l’événement, sans aucune dérogation possible.
Pour le Job Day de l’université de Liège, le 23 novembre 2021, l’Info ordre 2021-76 annonçait : Merci de noter que le CST sera obligatoire, ainsi que le port du masque …
Dans l’info ordre 2021-77, Communication urgente - Rentrée solennelle - Mesures Covid : CST et masque obligatoire à tous les étages. Il en allait, était-il précisé, “de la sécurité et de la santé de toutes et de tous”.
La Lettre du Bâtonnier - 2022 - N°1, du 27 janvier 2022, rappelait à bon escient (c’est moi qui souligne) : 2022 commence telle qu’elle s’est terminée en 2021 : dans les incertitudes et les contraintes. Celles liées aux conséquences d’une crise pandémique qui n’en finit pas (…) nous sommes saoulés par les décisions successives des CODECO, des autorités politiques et administratives qui touchent à nos libertés !
‘Saoulés’ ? On ne l’aurait pas juré, jusque-là. Je relève cependant cet aveu : Nous y avons aussi succombé, plus par pragmatisme que par adhésion, en imposant le CST et le test antigénique lors des manifestations de notre barreau (…) [lequel] fut en 2021 le seul dans la partie francophone du pays à pouvoir renouer avec la convivialité des festivités lors d’une rentrée solennelle.
Bon, contrôle préalable de CST, masque obligatoire et autotest réalisé sur place, c’est tout de même une conception assez étriquée de la convivialité.
Dans sa Tribune du 24 mars 2022, le président d’avocats.be disait, quasiment guilleret : « Ce week-end a eu lieu la première rentrée post-covid après celle de Liège-Huy du 19 novembre dernier ».
Et voilà qu’il fut estimé, par la suite ET par les mêmes, que la pandémie de covid aurait duré UN an ? On avait fait montre d’une tout autre circonspection pendant … 2 ans. Nos autorités ordinales auraient-elles loupé la formation sur l’adage Patere legem quam ipse fecisti … ?
Pourquoi donc n’a-t-on pas pris en compte une période plus réaliste, et minimale, de 2 ans “pour la pandémie covid” ? Il n’a pas été répondu à ma question de mars 2023 adressée à la commission formation de mon ordre à ce sujet.
Le 12 avril 2023, dans l’Info ordre 2023-24 - Formation permanente, il était “décrété” (v. plus haut) : Dans le cadre des modalités de contrôle qu’il est amené à arrêter (…), le conseil de l’Ordre, en sa séance du 21 mars, a décidé que lesdits avocats devront réaliser la totalité des points de formation manquants, à hauteur d’un tiers au minimum par année au cours du triennat qui vient de s’ouvrir.
Je fus estomaqué d’avoir été écarté de toute manifestation par des règles autoritaires et un procédé aussi peu digne d’estime que le covid Safe ticket pendant une durée nettement plus longue que celle qu’on attribuait a posteriori à l’influence néfaste du virus sur … la formation.
La question n’aurait-elle pas mérité un débat ? Argumenté…
Quant à la sanction, la question qui se pose le plus souvent dans les conversations de couloir n’est pas tant celle des points à rattraper mais celle des conséquences en cas de « non-rattrapage ».
On imagine aisément les mots choisis qui peuvent être prononcés, sous le coup de l’irritation, en pareil cas : « Quoi ? Ils vont me faire un 2e trou de… ? ». Coller une suspension de palais d’une semaine, par exemple, ça ne va pas faire progresser beaucoup la formation du contrevenant …
Je crois sincèrement que l’ordre aurait gagné beaucoup à faire preuve de souplesse (et même à remettre en question l’entier système, vous l’aurez compris).
Je ne serais pas mécontent de connaître l’avis de mes coreligionnaires ; on n’est pas sur Facebook : on ne “met pas des like” … Chaque ‘contrevenant’ est ici isolé et reçoit des courriels individuels, pavoisés de majuscules, de points d’exclamation – et même, à présent, de rouge et de gras !
Une sédition pacifique devrait pouvoir se manifester : ce n’est pas parce qu’on ‘appartient’ à un ordre qu’on doit perdre tout sens critique.
Je lirai même ceux qui m’asséneront que “je n’ai qu’à trouver un meilleur système, si je suis si malin” – j’ai bien lu ceux qui me suggéraient d’aller vivre en Corée du Nord quand j’avais osé me plaindre de mesures portant atteinte aux libertés fondamentales … Technique de l’épouvantail (v. Plus haut).
Je termine par une ultime vantardise ; si on en croit mes derniers points de formation, je ne suis ni professionnel ni compétent, mais je me targue “quand même” :
- D’avoir donné quelques conseils avisés (je n’ai pas les chiffres…) ET documentés ;
- De n’avoir pas accumulé les plaintes de clients (n’étant pas un perdreau de l’année, je peux toutefois être devenu oublieux et je concède d’ailleurs me souvenir d’UNE contestation d’honoraires, rejetée par la commission ad hoc – qui m’a même ‘reproché’, en aparté, d’être trop bon marché…) ;
- De n’avoir jamais été déshonoré d’une condamnation pour procédure téméraire d’un mien client (la compétence étant définie comme la Connaissance approfondie d'une matière conférant la capacité d'en bien juger).
Mérité-je néanmoins la lapidation (retour à ma première ligne) ?
Je fus trop long, et sans doute agaçant pour certains, ma seule ambition ayant été d’en avoir fait sourire au moins quelques-uns parmi vous ; ce serait déjà ça : une journée sans gaieté n’est qu’un méprisable pas de plus vers la mort (oouuh, le sentencieux !).
Bien confraternellement,
Jari Lambert,
Avocat au barreau de Liège
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