Faut-il identifier l’origine des fonds de la contrepartie ?

Le Fil blanc : le Classique

Pour rappel, la version classique du Fil blanc aborde chaque mois (en principe une Tribune sur deux), par le biais d’un article qui se veut court et lisible, un thème spécifique relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, pour vous informer et vous rappeler que l’assujettissement est plus rapide que beaucoup ne l’imaginent. 

Sa Spin-off examine chaque mois (l’autre Tribune sur deux) une branche spécifique du droit à la loupe, afin de déterminer où sa pratique pourrait donner lieu à un assujettissement et quels y seraient les indices d’un éventuel blanchiment.

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Faut-il identifier l’origine des fonds de la contrepartie ?

Pour rappel, deux grands principes de la loi anti-blanchiment1 sont de :

  1. permettre de « suivre l’argent », de sorte que les entités assujetties doivent identifier de manière très large : clients, mandataires, bénéficiaires effectifs ; de même personnes physiques, sociétés, trusts… mais encore caractéristiques du client et nature de la relation d’affaires ou de l’opération ;
  2. permettre de détecter les « anomalies » financières, entrainant l’obligation d’identifier les risques, de monitorer les opérations, ou encore de maintenir une vigilance constante voire accrue, …

En ce qui le concerne le client, il est en principe aisé, ou à tout le moins possible, de lui poser les questions d’usage sur l’origine des fonds qui lui appartiennent.

Mais qu’en est-il de l’origine des fonds provenant de la partie adverse ?

Imaginons être le conseil d’un client que l’on assiste dans une opération financière (à laquelle, par hypothèse, la loi trouve à s’appliquer), au cours de laquelle il devra recevoir une importante somme d’argent. Supposons que toutes les démarches anti-blanchiment aient été faites à l’égard du client. Les devoirs de l’avocat s’étendent-ils jusqu’à s’assurer de la licéité de ces fonds, reçus de la contrepartie ?

Nous sommes en matière de blanchiment, la réponse est malheureusement rarement simple… 

L’article 35 de la loi dispose :
« § 1er. Les entités assujetties exercent, à l'égard de toute opération effectuée par leurs clients (…), à titre occasionnel ou au cours d'une relation d'affaires, une vigilance proportionnée au niveau de risque identifié (…), ce qui implique notamment :
  1° un examen attentif des opérations occasionnelles et un examen continu des opérations effectuées au cours de la relation d'affaires, ainsi que, si nécessaire, de l'origine des fonds, afin de vérifier que ces opérations sont cohérentes par rapport aux caractéristiques du client, au niveau de risque qui lui est associé et, le cas échéant, à l'objet et à la nature de la relation d'affaires, et de détecter les opérations atypiques devant être soumises à une analyse approfondie conformément à l’article 45 ;
  2° dans le cas d'une relation d'affaires, la tenue à jour des données détenues conformément (…). »
(nous soulignons)

En ce qui concerne l’analyse approfondie, l’article 45 dispose :
« § 1er. Les entités assujetties soumettent à une analyse spécifique, (…), les opérations atypiques identifiées par application de l'article 35, § 1er, 1°, afin de déterminer si ces opérations peuvent être suspectées d'être liées au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme. Elles examinent notamment, dans la mesure de ce qui est raisonnablement possible, le contexte et la finalité de toute opération qui remplit au moins une des conditions suivantes :
   1° l'opération en cause est complexe;
   2° le montant de l'opération concernée est anormalement élevé;
   3° l'opération est opérée selon un schéma inhabituel;
   4° l'opération n'a pas d'objet économique ou licite apparent.
   A cette fin, elles mettent en œuvre toutes les mesures complémentaires à celles visées aux articles 19 à 41 qui sont nécessaires et renforcent notamment le degré et la nature de la vigilance opérée à l'égard de la relation d'affaires afin d'apprécier si ces opérations semblent suspectes.
§ 2. Les entités assujetties rédigent un rapport écrit sur l'analyse réalisée en application du paragraphe 1er. »
(nous soulignons)

La détection des opérations atypiques se fait grâce à « une vigilance proportionnée au niveau de risque identifié ». C’est bien l’opération dans son ensemble qu’il faut analyser, « dans la mesure de ce qui est raisonnablement possible », comme le précise la loi, et non pas uniquement les éléments liés à son propre client.

Tout dépendra dès lors des conclusions de l’analyse individuelle des risques. 

A cet égard, nous vous renvoyons bien sûr au modèle d’analyse de risques et au modèle de formulaire d’identification des caractéristiques du client et de la relation d’affaires que notre Commission a établi et qui se trouvent sur l’extranet d’AVOCATS.BE

Citons toutefois, à titre d’exemples, quelques éléments pouvant amener l’avocat à décider d’augmenter le niveau de risque : 

  • le fait que l’opération soit transfrontalière et, si elle l’est, le fait qu’un des pays impliqué ne soit pas européen ou ne dispose pas, à tout le moins, d’une législation anti-blanchiment concrète ;
  • le fait que le secteur d’activité en lui-même soit réputé à risques ;
  • le fait que le client soit politiquement exposé, voire que la contrepartie le soit : si la loi n’impose pas d’identification formelle de cette dernière, le fait qu’elle exerce notoirement une activité qui pourrait faire d’elle l’auteur d’une corruption passive peut être pris en considération.

Enfin, citons l’hypothèse selon laquelle d’autres entités assujetties sont impliquées (banques, notaires, …). Il est toujours intéressant d’examiner quelle est leur attitude.

A fortiori, si la contrepartie est elle-même assistée par un confrère, celui-ci ayant dû nécessairement procéder aux démarches anti-blanchiment que la loi (qui s’applique par hypothèse) impose, il doit être à même de donner des éclaircissements sur son client et sur la nature de l’opération. Rappelons que, dans cette hypothèse, le secret professionnel est partagé et ne fait pas obstacle à un échange d’informations entre confrères.

Le cas échéant, il conviendra de mettre fin à l’opération voire de procéder à une déclaration de soupçons.

La Commission anti-blanchiment d’AVOCATS.BE

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1 Loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l'utilisation des espèces.

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Vous pouvez toujours adresser vos questions à blanchiment@avocats.be. Nous ferons le maximum pour y apporter une réponse claire dans les meilleurs délais.
Rappelons que tous les documents proposés par la Commission anti-blanchiment pour vous faciliter la lutte anti-blanchiment se trouvent sur l’extranet d’AVOCATS.BE

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