Du danger de l’acquiescement sans mandat …

A chaque livraison de la Tribune, nous tenterons de vous rappeler certains principes de déontologie par des exemples pratiques. Il ne s’agira pas de faire le tour du sujet mais de porter à votre attention un point particulier de nos règles.

Aujourd’hui, un courrier d’un avocat suffit-il pour acquiescer à une décision de justice ?


La Cour de cassation de Belgique a rendu ce 1er décembre 2023 un arrêt (C.23.0072.F/1) dont la portée vaut la peine d’être répercutée.

Nous nous trouvons ici à la limite de la déontologie et du droit judiciaire.

La Cour précise de manière très claire :

« Aux termes de l’article 1045, alinéa 2, du Code judiciaire, l’acquiescement exprès est fait par un simple acte signé de la partie ou de son mandataire nanti d’un pouvoir spécial. 

La défenderesse produit un courriel du 16 novembre 2021 du conseil de la demanderesse par lequel celui-ci « a confirm[é] que notre cliente acquiesce à l’arrêt » attaqué du 19 octobre 2021. 

Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la demanderesse elle-même ait signé un acte d’acquiescement ou que son mandataire ait été investi d’un pouvoir spécial pour acquiescer en son nom. 

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie. »

Cette décision confirme un arrêt de la même Cour daté du 07 avril 2016 (F.14.0070N/3).

Celui-ci était un peu plus long en ses explications, mais n’en demeurait pas moins très clair également :

« Aux termes de l’article 440, alinéa 2, du Code judiciaire, l'avocat comparaît comme fondé de pouvoirs sans avoir à justifier d'aucune procuration, sauf lorsque la loi exige un mandat spécial.

Aux termes de l’article 1044, alinéa 1er, du Code judiciaire, l'acquiescement à une décision est la renonciation par une partie à l'exercice des voies de recours dont elle pourrait user ou qu'elle a déjà formées contre toutes ou certaines des dispositions de cette décision.

Aux termes de l’article 1045, alinéa 2, du Code judiciaire, l'acquiescement exprès est fait par un simple acte signé de la partie ou de son mandataire nanti d'un pouvoir spécial. 

Il ressort de ces dispositions que l'acquiescement d'une partie à une décision judiciaire ne peut se déduire de la correspondance de l'avocat de la partie lorsque celle-ci n'a pas donné un mandat spécial à son conseil pour acquiescer à cette décision. 

Le juge d’appel a constaté que le conseil du demandeur a écrit dans une lettre que « l’administration m’informe qu’elle a décidé d’acquiescer au jugement intervenu. Puis-je vous demander de me communiquer le numéro de compte sur lequel l’indemnité de procédure de 1.100 euros peut être versée ? » et a considéré ensuite que cet acquiescement est clair et n’est pas susceptible d’être contesté et qu’il ne peut donc pas être question d’une erreur dans le chef du conseil du demandeur.

Il a aussi considéré que dans la lettre du conseil du demandeur il est expressément fait référence à une décision d’acquiescement de l’administration, qu’en d’autres termes c’est le demandeur lui-même et pas son conseil qui a pris la décision d’acquiescer et qu’il n’est, dès lors, pas question de présenter un mandat spécial au profit du conseil du demandeur.

Le juge d’appel qui a déduit de la lettre de l’avocat l’acquiescement au jugement attaqué sans examiner si l’avocat dispose d’un mandat spécial, n’a pas légalement justifié sa décision. »

Il nous a paru donc utile, à Michel GHISLAIN et à moi-même, d’attirer votre attention sur le fait qu’il serait prudent de solliciter du confrère qui acquiesce au nom du client qu’il produise le mandat pour ce faire.

Document utile :

Jean-Noël Bastenière, 
Administrateur

A propos de l'auteur

Jean-Noël
Bastenière
Avocat au barreau de Brabant wallon

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