« Violences intrafamiliales et autorité parentale »
Président : Me Guy HIERNAUX, avocat au barreau de Bruxelles
Intervenants : Mme Florence REUSENS, substitut du procureur du Roi à Namur et Me Catherine LECHANTEUR, avocat au barreau de Liège-Huy
Rapporteur : Me Géraldine BALTAZAR avocate au barreau de Bruxelles
Maître Guy HIERNAUX a tout d’abord expliqué le cheminement l’ayant mené à se pencher sur le problème des violences intrafamiliales, qui, très souvent, sont banalisées alors que ce n’est jamais bénin ! En effet, les enfants sont très souvent témoins de ces violences, même s’ils n’en sont pas toujours les victimes directes, ce qui laisse des traces indélébiles dans leur affect. Le principe est que, si l’on souhaite protéger les enfants, il est indispensable de commencer à protéger leurs mères.
Madame Florence REUSENS commença son exposé en reprenant les principes guidant le sort des dossiers dans lesquels les violences sont exercées, et tout particulièrement en exposant le difficile équilibre entre d’une part maintenir le lien à tout prix entre les enfants et l’auteur, et d’autre part, la nécessité de couper les liens entre l’auteur et sa victime. Elle poursuivit ensuite son exposé en nous indiquant les applications concrètes où les violences sont également des enjeux juridiques, comme dans le cas de l’autorité parentale dont l’exercice peut être suspendu -voire supprimé-, ou encore modalisé, en fonction du cas d’espèce. De même, les modalités d’hébergement peuvent être décidées en prenant en compte la violence, afin d’exclure par exemple la mise en place d’une garde alternée ou même des contacts directs. Madame REUSENS se penchera ensuite sur les différents intervenants qui peuvent aider des familles en difficulté, comme les espaces-rencontres. Par la suite, Madame REUSENS examinera plus en détail le rôle du Ministère public, tout particulièrement dans les avis qui sont rendus ou dans le suivi des dossiers qui est effectué tout au long d’une procédure.
Enfin, elle terminera son exposé en détaillant les différentes pistes permettant de clarifier une situation de haut conflit, et notamment tous les outils mis à la disposition des juges de la famille, comme : l’enquête de police, l’étude sociale, les expertises psychologiques, les expertises collaboratives, thérapeutiques, psychiatriques, bilan développemental de l’enfant et guidance parentale…
Après une courte pause, Maître Catherine LECHANTEUR nous a fait part de son expérience en tant qu’avocate pratiquant le droit familial.
Débutant sur une note positive, elle nous parle de l’évolution quant à la définition des violences intrafamiliales dans le corps même de la circulaire des procureurs généraux, puisqu’elles recouvrent non seulement les violences physiques mais aussi les violences psychiques, sexuelle ou économique entre membres d’une même famille.
Par conséquent, les violences peuvent désormais être prises en considération et les juges rencontrant des difficultés de cet ordre peuvent faire appel à des bilans ou des mesures d’expertises complémentaires pour protéger au mieux les enfants et les auteurs victimes de violences conjugales.
Cette évolution de la définition aboutit à ce que les violences indirectes sur les enfants sont désormais reconnues et que par ailleurs, les hommes osent parler également des violences qu’ils subissent alors que ce sujet était tabou jusqu’il y a peu et même si la grande majorité des violences sont infligées aux femmes et non par les femmes.
On a en tous cas dépassé l’époque où lorsqu’on plaidait l’aspect hébergement des enfants dans un dossier concernant un conjoint violent, les juges avaient souvent le réflexe de considérer que mari violent ne signifiait pas père violent…
Elle revient ensuite sur la question posée au début de l’exposé de Madame REUSENS par celle-ci, à savoir s’il faut maintenir ou couper le lien entre un auteur et ses descendants, victimes ou pas.
A cet égard, elle relève qu’en Belgique, le travail va généralement dans le maintien, parfois à tout prix du lien, alors qu’en France, c’est moins le cas.
Elle confirme également que les juges sont parfois réticents à déroger au principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, alors qu’une modalisation de cet exercice, au moins temporaire, pourrait permettre de lever la pression et d’apaiser le conflit.
Elle insiste sur les liens étroits entre le droit de la jeunesse et le droit de la famille, dans le cas de dossiers avec des violences intrafamiliales. En effet, il peut être intéressant de se tourner vers l’ouverture d’un dossier protectionnel, où le juge peut prendre des mesures plus directives et plus larges, pour aménager la situation. D’ailleurs, souvent, le juge civil invite le SAJ à se saisir d’un dossier pour pallier aux incomplétudes des mesures civiles.
Enfin, elle rebondit sur la fin de l’intervention de Madame REUSENS qui évoquait les pistes possibles offertes au juge chargé de statuer telles les enquêtes de police, études sociales et expertise, évoque l’intérêt de l’expertise collaborative lorsqu’elle est possible mais aussi celui de la guidance ou du coaching parental. Il est également évoqué des décisions où un bilan psychiatrique des parents est ordonné, certains des participants se demandant sur quelle base légale cette décision peut être prononcée…
Les participantes furent très actives durant l’atelier et leurs expériences personnelles ont enrichi les exposés. Nous les en remercions !
Géraldine BALTAZAR
Avocate au barreau de Bruxelles