Observation de procès d’avocats en Turquie

Mobilisons-nous pour l’indépendance des avocats, en Turquie, en Europe, en Belgique

Depuis 2018, nous sommes plusieurs consœurs et confrères belges et européen(ne)s à observer les audiences de procès contre des avocat(e)s en Turquie et à participer à des « fact-finding mission » (ou enquête d’établissement des faits), où nous rencontrons nos consœurs et confrères en détention dans les prisons de haute sécurité. Quelle importance et pourquoi ? 

Depuis la tentative de coup d’Etat en Turquie, environ 4.000 magistrat(e)s ont été démis(e)s de leurs fonctions et approximativement 1.600 avocat(e)s ont été poursuivi(e)s, dont 615 sont en détention préventive et 450 sont condamné(e)s à des peines totalisant 2.786 années de prison, du chef d’appartenance à une organisation terroriste.  

Dans les très grandes lignes, ces avocat(e)s sont assimilé(e)s à leurs client(e)s, des « ennemi(e)s d’Etat », et poursuivi(e)s pour leur appartenance supposée au PKK (s’ils/elles défendent des kurdes) ou au DHKP-C (s’ils/elles défendent les droits humains) ou à Fetullah Gülen (s’ils/elles ont eu des liens même ténus avec le mouvement). 

En représentant l’UIA-IROL, le CCBE, AVOCATS.BE, les Barreaux de Bruxelles et de Liège-Huy, ces 15 et 20 septembre 2021, nous étions plusieurs consœurs et confrères à poursuivre l’observation des procès dirigés contre les avocat(e)s membres de l’Association des juristes progressistes (ÇHD) (une association équivalente au SAD en Belgique) et du cabinet des droits du peuple (HHB), défendant ouvertement les droits humains : les grévistes en droit du travail, les victimes d’accidents miniers, les personnes accusées de terrorisme ou victimes de torture, les victimes des violences policières,… 

Ainsi que nous le relevions déjà dans un précédent rapport, ces procès politiques sont manifestement inéquitables, tant en raison des preuves sur lesquels ils reposent (instrumentalisation de témoins en vulnérabilité psychiatrique, preuves non authentifiées et vraisemblablement fabriquées, …), que des motifs de l’accusation (conseiller à un client de garder le silence, participer à une manifestation anti-torture, …), qu’en raison des entorses à la procédure (requêtes systématiquement rejetées, changement de juges en cours de procès, absence de publicité de certaines audiences …). 

Si certes cela nous indigne et que notre présence symbolise l’expression de notre solidarité et procure un soutien concret (via nos rapports et nos communiqués de presse produits devant les juridictions suprêmes etc.), ces missions ont aussi pour fonction de réaffirmer internationalement le caractère fondamental de l’indépendance de la profession – en Turquie, en Europe et en Belgique. 

En s’attaquant aux défenseuses et aux défenseurs des droits humains, ce sont en effet aussi les Principes de base relatifs au rôle du barreau qui sont remis en cause, notamment le droit de ne pas être assimilé à son client (article 18), le droit de prendre part à des discussions publique portant sur le droit, l’administration de la justice ou la promotion et la protection des droits humains (article 23), ou encore le droit de poursuivre sa mission de défense sans faire l’objet d’harcèlement ou d’intimidation (article 16). 

A l’heure où les pressions contre le secret professionnel et les perquisitions dans les cabinets d’avocat(e)s sont plus que jamais d’actualité en Europe, en ce compris en Belgique, il est de notre responsabilité à toutes et à tous et à tous de veiller à notre indépendance, contre toute immixtion dans le libre exercice de notre ministère ou toute tentative de limiter l’expression critique des avocat(e)s sur le système judiciaire et le respect des droits fondamentaux. 

Ainsi, donnons-nous rendez-vous, pour la défense de la défense et pour l’indépendance de la profession !

  • Le 27 octobre 2021 à la journée européenne des avocat(e)s ayant pour thème « pas de justice sans avocats indépendants »
  • Le 16 novembre 2021, devant le Consulat de Turquie à Bruxelles (Rue Montoyer, 4 à 1000 Bruxelles), manifestation en robe, organisée par le Syndicat des Avocats pour la Démocratie, à l’appel de la Fédération des Barreaux d’Europe,
  • Le 17 novembre 2021, à Istanbul, pour le procès dit « CHD I », à l’encontre des avocats Selçuk Kozağaçlı, Taylan Tanay, Barkın Timtik, Naciye Demir, Şükriye Erden, Günay Dağ, Nazan Betül Vangölü Kozağaçlı, Avni Güçlü Sevimli, Güray Dağ, Gülvin Aydın, Efkan Bolaç, Serhan Arıkanoğlu, Zeki Rüzgar, Mümin Özgür Gider, Metin Narin, Sevgi Sönmez Özer, Alper Tunga Saral, Rahim Yılmaz, Selda Yılmaz Kaya, Oya Aslan and Özgür Yılmaz (une séance d’information peut être organisée sur demande : s.gioe@avocat.be / aurorelebeau@gmail.com)
  • Le 13 décembre 2021, à Istanbul, pour le procès dit « CHD II – bis » dirigé à l’encontre de l’avocate Oya Aslan (une séance d’information peut être organisée sur demande : s.gioe@avocat.be / aurorelebeau@gmail.com)

Sibylle Gioe,
Avocate au barreau de Liège-Huy

 

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