Journal d’assises de Janine Bonaggiunta, adaptation de Nathalie Mongin, aux Bien Veilleuses (Théâtre Le Public), du 6 au 17 février 2024

Mettre des mots sur les maux.

Je vous ai déjà parlé de Janine Bonaggiunta qui, avec sa consœur Nathalie Tomasini, avait publié, en 2020, un premier ouvrage, Une défense légitime.

Celle qui fut l’avocate de Jacqueline Sauvage, poursuivie pour avoir tué son bourreau de mari, nous confiait alors son engagement pour la défense des femmes victimes de violences conjugales, à laquelle elle s’est quasi-exclusivement consacrée.

Janine Bonaggiunta a souvent plaidé aux assises. Malheureusement trop rarement à la défense. Peu sont celles qui, comme Jacqueline Sauvage, se retrouvent dans le box des accusés. Généralement, les femmes sont à la table des parties civiles, quand elles sont toujours en vie…

Mais tel est parfois le cas. Avec ce Journal d’assises, c’est l’un de ces procès que nous raconte notre confrère. Et Nathalie Mongin a adapté l’ouvrage pour en faire une œuvre théâtrale, mise en scène par Michel Kacenelenbogen et interprétée par Aylin Yay.

Ce spectacle est actuellement à l’affiche du cycle Les Bien Veilleuses, présenté par le Théâtre Le Public du 6 février au 23 mars 2024, parmi une série d’autres spectacles (il y a du théâtre, bien sûr, mais aussi de la danse, du slam, des concerts, des conférences, des lectures, des expositions, des ateliers… voyez le programme complet et l’article qui y est consacré dans La Libre Belgique : Avec les BienVeilleuses, Le Théâtre Le Public met un coup de projecteur sur les violences conjugales - La Libre)

Malheureusement, Journal d’assises n’est joué que jusqu’au 17 février. Dépêchez-vous donc.

Dans le rôle de Janine Bonaggiunta, qui nous fait suivre le parcours d’une avocate, appelée à défendre devant la cour d’assises de Chalon-sur-Saône, une mère de deux enfants poursuivie pour avoir abattu, de deux chevrotines, le mari qui la terrorisait, la harcelait, la battait, la blessait, la ravalait au rang d’animal, depuis des années, Aylin Yay est impressionnante. Sans emphase, précise, nette, convaincante, elle nous fait suivre, jour après jour, le parcours d’un procès d’assises, du tirage au sort des jurés jusqu’à l’arrêt final. Pas d’effet de manche. De la sobriété. Presque du didactisme, pour faire comprendre à un public pas nécessairement averti comment se passe pareil procès, quels sont les enjeux, quels sont les rôles, comment un mauvais mot, un sourire inadéquat, un vêtement inapproprié, … peut tout faire basculer, ou pas…

La mise en scène et les décors sont extrêmement sobres. Aylin Yay est seule en scène. Seule face à la cour, seule face au jury, seule face au public. Elle voyage d’une petite table et d’un miroir, qui figurent sa chambre d’hôtel, à une autre petite table devant une chaise, d’où elle assumera la défense. Entre les deux, la barre. Toute simple, devant laquelle elle passera et repassera, sans jamais s’y arrêter. C’est la place des témoins, des experts, pas celle des avocats.

Le choix de l’adaptatrice a été de dépouiller le propos. Le procès est dépersonnalisé, universalisé. La lecture de l’ouvrage nous apprend que la femme qui est jugée s’appelle Valérie Bacot, qu’elle a été violée une première fois par son futur mari lorsqu’elle avait douze ans, qu’il la battait, la prostituait, et qu’elle a tout enduré, en silence. Jusqu’au soir où il a menacé de s’en prendre à leur fille, âgée de quatorze ans…

C’est un plaidoyer. Il y a bien sûr la plaidoirie finale. Mais pas que… Ce n’est pas seulement l’histoire d’une femme. C’est l’histoire de toutes les femmes battues. De toutes les femmes que nous abandonnons à leur bourreau. En ne regardant pas. En n’écoutant pas. En ignorant ce que nous avons cru percevoir. En ne prenant pas à bras-le-corps les plaintes qui sont déposées. En renvoyant à leur bourreau celles qui ont cru trouver un secours en nous. En méprisant leur parole. En ne les comprenant pas. En fermant les yeux. En les enfermant.

Parce que c’est normal ? Parce qu’il en a toujours été ainsi ? Parce que les femmes appartiennent aux hommes ? Parce qu’un dieu – ou plutôt ceux qui lui donne leur parole – l’aurait dit ?

Comment dire l’indicible ? 

Comme Aylin Yay le fait. Avec les mots de Janine Bonaggiunta. Avec pudeur mais sans rien occulter.

À voir, à lire, à digérer, à intégrer.

Pour que cesse le silence.

Patrick Henry, 
Ancien Président

A propos de l'auteur

Henry
Patrick
Ancien Président d'AVOCATS.BE

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