« Interactions entre les mesures civiles et protectionnelles à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 19 mars 2017 ayant modifié l’article 7 de la loi du 8 avril 1965 »
Président : Me Nicolas PHILIPPART de FOY, avocat au barreau de Liège-Huy
Intervenants :
1) Mme Anne VANDENBERGH, conseiller à la cour d’appel de Liège-Huy
2) Me Manon COUNE, avocat au barreau de Liège et assistante à l'ULg
3) Me Anne-Sophie CALANDE, avocat au barreau de Liège et assistante à l'ULg
Rapporteur : Me Michaël DINEUR, avocat au barreau de Liège-Huy
Il a été analysé dans cet atelier l’analyse de l’article 7 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse modifié par l’article 20 de la loi du 19 mars 2017 modifiant la législation en vue de l’instauration d’un statut pour des accueillants familiaux qui modifie cet article 7 de la manière suivante : « le tribunal de la jeunesse peut statuer sur toutes les mesures en matière d’autorité parentale visées au Livre 1er, titre IX, du Code civil, pourvu qu’il y ait une connexité entre celles-ci et les mesures de protection de la jeunesse qui ont été ordonnées ».
La problématique est complexe et la jurisprudence évolutive.
Les buts de ces modifications sont, d’une part, L’économie de procédure et, d’autre part, la célérité de celle-ci.
Le champ d’application de cette disposition est double.
D’une part, il concerne l’autorité parentale et, d’autre part, l’accueil familial.
Le champ d’application de cet article sur l’autorité parental est le suivant :
- Exercice conjoint de l’autorité parentale et modalités d’hébergement de l’enfant (articles 373, 374 et 387ter),
- Exercice exclusif de l’autorité parentale et fixation d’un droit aux relations personnelles (articles 374 et 375bis (controversé)),
- L’administration et la jouissance des biens de l’enfant (articles 376 et suivants du Code civil),
- Demande des père et/ou mère ou du Procureur du Roi d’ordonner ou de modifier toute disposition relative à l’autorité parentale (article 387bis).
Le champ d’application lorsqu’il est question d’accueil familial est le suivant :
- Homologation de la convention entre les accueillants familiaux et les parents ou le tuteur concernant un exercice du droit aux relations personnelles de ces derniers (article 387sexies du Code civil),
- Homologation de la convention entre les parents ou le tuteur et les accueillants familiaux instituant une délégation à ces derniers de la compétence de prendre complètement ou partiellement des décisions importantes, non urgentes, concernant la santé, l’éducation, la formation, les loisirs, l’orientation religieuse ou philosophique et l’administration des biens de l’enfant (article 387septies du Code civil),
- La demande des accueillants familiaux de se voir déléguer la compétence de prendre des décisions importantes concernant la vie et les biens de l’enfant (article 387octies du Code civil),
- La demande des père et/ou mère, du tuteur, des accueillants familiaux ou du Procureur du Roi, d’ordonner, de modifier ou de mettre fin à toute décision relative à l’autorité parentale (article 387duodéquies du Code civil).
Il exclut les mesures entre parents (résidence séparée ou aliment).
Il y a deux conditions d’application à cet article 7 :
- Il faut une ou plusieurs mesures ordonnée(s) par le Tribunal de la jeunesse saisi d’une action publique,
- Il faut une connexité :
- Entre les mesures civiles relatives à l’autorité parentale et les mesures protectionnelles ordonnées par le Tribunal de la jeunesse, article 30 du Code judiciaire (acceptation large ce qui est controversé),
- Libre appréciation du Tribunal de la jeunesse sans motivation spéciale.
Concernant les modalités d’application, il est tout d’abord à noter que le Tribunal de la famille peut statuer sur des modalités civiles même s’il y a une procédure protectionnelle en cours mais les mesures civiles pourront alors être suspendues si elles sont compatibles avec les mesures protectionnelles.
Il est également important de noter que l’action publique protectionnelle ne suspend pas le cours de la procédure civile.
Concernant les modalités d’application, il s’agit de compétences facultatives concurrentes dans le sens où s’il s’agit d’une faculté offerte au Tribunal de la jeunesse et que le Tribunal de la famille est toujours compétent en matière d’autorité parentale (articles 572bis du Code civil, 1253ter/8, alinéa 2 du Code judiciaire et 387bis du Code civil).
Les mesures d’autorité parentale traitées par le Tribunal de la jeunesse continuent à s’appliquer après la fin de la mesure de protection sauf s’il existe des mesures prises par le Tribunal de la famille qui reprennent alors vigueur ou sauf si le Tribunal de la jeunesse a ordonné une durée limitée à ces mesures.
La procédure est prévue à l’article 45, §1er de la loi de 1965 qui édicte « le tribunal de la jeunesse est saisi d’office, à la demande du Ministère Public, des parents, ou le cas échéant, les accueillants familiaux s’il s’agit d’une matière visée à l’article 7 ».
Le Code judiciaire reste également l’application est le Tribunal de la jeunesse suit alors la procédure protectionnelle et applique certaines règles de la procédure civile qui sont compatibles (voy. Cass. 22 mai 2019).
Mais quand cette procédure peut-elle être mise en œuvre ?
Le Tribunal de la jeunesse est saisi :
- Pour un mineur en danger (article 51 ou 43),
- Pour le placement en urgence d’un mineur en danger (article 37),
- Dans le cadre d’un recours en contestation (article 54),
- Pour un mineur délinquant (article 56),
- Et durant l’année de la mise en œuvre de la mesure ordonnée (article 43).
Comment mettre en œuvre la procédure ?
- Par citation du Ministère Public (viser expressément l’article 7),
- Les accueillants familiaux, les accueillants, le Ministère Public, peuvent le demander oralement ou en rédigeant des conclusions à cette fin en parallèle à la procédure civile,
- L’avocat du mineur peut le suggérer au Tribunal de la jeunesse qui saisit d’office,
- Le délégué de la protection judiciaire ou un intervenant peut informer le Tribunal de la jeunesse d’une difficulté afin qu’il statue de suite sur la demande,
- Attention, il faut toujours respecter le principe du contradictoire.
La Cour constitutionnelle a rendu un arrêt dans cette matière et pour l’application de l’article 7 soit : l’arrêt 68/2021 du 29 avril 2021.
Cet arrêt rappelle les principes applicables et porte quelques enseignements.
Dans cet arrêt, après avoir rappelé l’article 7, la Cour justifie la disposition lorsqu’il s’agit d’une matière à ce point liée avec la mesure de protection de la jeunesse et rappelle qu’il faut garantir la cohérence du dispositif protectionnel mis en place pour le mineur.
Il rappelle également que le délégué de la protection judiciaire est une autorité administrative et qu’il exerce ses compétences en toute indépendance.
Il y a une articulation des compétences à mettre en place entre le Tribunal de la jeunesse et le directeur en application des articles 51 et 53.
Cela amène donc à affirmer que le seul pouvoir judiciaire est compétent pour décider d’un hébergement hors milieu de vie tandis que le directeur de la protection judiciaire est investi de l’exécution de cette mesure.
Il est rappelé également par la Cour que la détermination de contact entre l’enfant et ses parents lors de l’hébergement hors milieu de vie relève du pouvoir d’exécution du directeur de la protection judiciaire.
Il existe un contrôle possible sur base de l’article 54 du décret de 2018.
Ce qui reste relavant c’est que l’article 7 de la loi de 1965 est susceptible d’être appliqué par toutes les juridictions du pays y compris celles qui sont amenées à appliquer le décret de 2018 et que le directeur du SPJ ne dispose donc pas de la compétence exclusive pour fixer les modalités de contact entre les parents et l’enfant durant la mesure judiciaire de protection.
L’on vise ici, par exemple, l’absence de décision civile, des décisions civiles incompatibles, des parents cohabitants qui n’exercent pas l’autorité parentale dans l’intérêt de l’enfant, des changements de modalités d’hébergement pour éviter l’hébergement hors milieu de vie, …
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L’atelier a donné lieu à de nombreuses discussions entre professionnels que cela soit tant du Parquet que du siège et ce à tous les niveaux mais également avec les divers avocats présents.
Un échange constructif et une confrontation des idées a eu lieu.
Il ressort ainsi que la vision quant à l’application de cet article 7 est différente selon les arrondissements et également que ce soit en instance ou en appel.
Il est également noté que certains Parquets d’instance ou Parquets généraux font directement un réquisitoire devant le Tribunal de la jeunesse ou devant la Cour d’appel-section jeunesse.
L’application de l’article 7 peut également permettre d’éviter des délais de fixation beaucoup trop importants au niveau civil.
Il est également rappelé que le mineur et l’avocat du mineur n’ont pas la parole sur les débats relatifs à cet l’article.
Il a été discuté de deux arrêts récents de la Cour d’appel de Liège quant au dépôt du dossier protectionnel lors des débats civils.
Il est en effet compliqué pour un Juge civil de statuer s’il n’a pas une vue sur l’entièreté de la situation en ce compris la situation protectionnelle.
Concernant les recours abusifs, il est important d’informer les justiciables quant à une condamnation éventuelle à une indemnité de procédure, à des dommages et intérêts pour rappel ou une procédure téméraire et vexatoire et à des amendes civiles.
S’il est bien utilisé et appliqué, cet article 7 peut permettre de préserver l’intérêt de l’enfant mais l’important est une analyse au cas par cas de chaque situation.
Michaël DINEUR
Avocat au Barreau de Liège-Huy