Rentrée solennelle du Jeune Barreau de Charleroi

« Ça passe toujours mieux avec un sourire »

Le monde grouillait l’autre vendredi dans la salle des fêtes de l’hôtel de ville de Charleroi…

On s’y pressait pour y écouter l’annuel discours de rentrée du Jeune Barreau dont le crachoir était tenu, à deux mains bien fermes, par le sémillant Julien Dallons.

L’exercice est de taille, s’agissant d’intéresser un public varié, gens de robe bien sûr, officiers des diverses arcanes judiciaires, mais également acteurs des vies politiques et civiles, amis et journalistes. J’en passe. Sur un sujet librement choisi par l’orateur mais, traditionnellement, mêlant l’avocature à la vie dans sa plus large acception : historique, culturelle, artistique ou philosophique. Depuis plus d’un siècle maintenant, les robins du pays noir prouvèrent l’absence de limites à leur imagination.

Le titre choisi par l’orateur laissait tout entrevoir à cet égard… Quel fer allait-il battre ?

Surtout de la part d’un avocat qui mélange l’austérité froide du droit fiscal, son pain et son vin quotidiens aux griseries de la pédale wah wah qui font la joie de ce rocker jadis chevelu comme un gaulois.

Soit !

« Ça passe toujours mieux avec un sourire » nous promettait-il !

Malgré ses précautions oratoires et le rappel qui lui fut fait de rester dans un discours de circonstance, il ne put s’empêcher de nous parler de son ‘petit chien’, d’un paréo qui fit les gorges (à tout le moins) chaudes d’une journée ‘jeunebarrelienne’, ou de comparaison capillaire entre la glabreté de son chef et la profusion colorée de celui de la présidente. Avouez qu’on se serait passé de ces mystérieuses élucubrations !

L’orateur ensuite, sur un ton enjoué et décontracté, de nous rappeler les classiques sur la justice et ses diverses acceptions (aristotéliciennes, talmudiques, scolastiques, exégétiques et contemporaines). De la difficile, et éternelle, difficulté de la rencontre entre la lettre et le fait, entre la loi, générale et abstraite et son application, particulière et concrète. On en vint à craindre qu’il nous rappelât que la pluie mouille et que la mort est dangereuse. Mais que nenni ! On en vint à la nécessaire implication de ses acteurs pour que la justice, auprès de tous, prenne sens…

Le premier, ‘primus inter pares’, est bien sûr l’avocat. Intermédiaire entre l’institution et ceux qui y sont confrontés, entre le marteau et l’enclume semble susurrer l’orateur. Traducteur aussi d’un langage particulier et, surtout, connaisseur et praticien de la chose judiciaire. L’indépendance, envers tous et chacun, est fon-da-men-tale nous dit-il avec force et conviction. Tout en étant, ce qui peut paraître paradoxal, dévoué tant à son client qu’à l’administration de la justice.

L’oxymore étant avalé, Monsieur l’orateur conclut, bonhomme, que « ce n’est pas si mal que ça, non ? » avant de nous partager sa réflexion sur la procédure, cet animal bicéphale, arme et bouclier, sur la transformation de l’avocature en ‘entreprise’ et l’obligé entre-soi qu’il explique avec habileté.

Indépendance, encore et toujours de l’avocat, nécessaire à l’état de droit et garante des libertés.

Cette piqûre de rappel fut administrée avec aisance par un orateur habité par son propos.

Il eut l’audace de nous dire qu’il n’y aurait pas de conclusion.

Ce fut la sienne et, joignant le geste à la parole, son discours passa tellement bien avec son sourire !

Madame la présidente du Jeune Barreau se devait de répliquer.

La contre-attaque n’est pas toujours aisée, surtout lorsque le champ de bataille est si vaste !

Après un rappel de la féminisation du barreau, l’orateur étant le premier mâle depuis dix ans, et un coup de Jarnac sur leurs animaux domestique et caractéristiques capillaires, elle rappelait son discours sur la liberté et, encore une fois, sur la nécessaire indépendance de l’avocat, absolue et quasiment sacrée. Et de se battre contre tout ce qui l’entrave : des budgets resserrés, un pouvoir politique marmoréen, l’asphyxie par tous les moyens des trublions de la liberté et surtout de ceux qui sont entraînés dans le ‘jeu’ judiciaire sans y comprendre rien.

Et y sont broyés. Comme ce jeune homme, dont elle nous conte le procès, condamné à une peine plus longue que le temps qu’il avait passé sur cette terre…

Le sourire du juge ne fit pas ‘passer mieux’ le coup de massue nous dit-elle, ne pas se satisfaire d’une justice ‘pas si mal’ comme disait l’orateur, nous dit-elle aussi.

L’indépendance de l’avocat sera le poil à gratter infernal et éternel de ceux qui veulent une justice expéditive, low cost et soumise.

Selon le principe hegelien, il appartenait à Madame le Bâtonnier de nous faire synthèse de tout cela.

Elle rappela le décor, dont on hérite souvent et qu’on ne mérite pas toujours.

Puis les problèmes inhérents à la défense du particulier dans l’institution générale, encore une fois ce paradoxe, qui n’est pas infranchissable, pour atteindre le but ultime de notre métier : la défense. Qui signifie aussi expliquer, soutenir, aider.

Et l’indépendance en est la clef de voûte.

Exemple d’aujourd’hui, note-t-elle, le cri de détresse de nos confrères turcs harcelés, menacés par le parquet, bras armé du politique, qui ne supporte pas que les avocats fassent leur métier en dénonçant, encore et toujours, les atteintes à l’état de droit.

L’indépendance, comme la liberté, est totale ou n’est pas.

La clôture de la rentrée solennelle fut prononcée, les choses moins sérieuses allaient pouvoir commencer !

La mise en train fut le traditionnel pince-fesses dans le somptueux décor de l’hôtel de ville de Charleroi.

Les troupes, après s’être rafraîchies de quelques bulles et remises en pli, se rejoignirent au Palais des beaux-arts où allaient se dérouler le dîner de gala, la revue et la soirée.

On connaît la formule … ce qui se passe … reste …

Mais bon, même si ces mondanités, toutes carolo, mêlant élégance et vraie convivialité, semblent se répéter, l’on peut se féliciter d’un engouement exceptionnel cette année, où les records d’affluence furent battus. Envie de se rassembler dans la vie réelle, joie de l’entre-soi (pourtant égratigné dans le discours !) ou souvenirs d’une revue qui, d’année en année, mérite son excellente réputation.

Celle-ci pleurait malgré tout son éternel et emblématique pianiste-arrangeur Michel Vanerck qui nous avait tant fait croire qu’il était éternel, comme sa mémoire et son talent.

Le dîner fut de grande qualité même si le traiteur souffrit sans doute du succès de l’entreprise dans la gestion de l’espace-temps !

Soit ! Le meilleur était à venir !

La revue recueillit tous les suffrages, mêlant sketchs et chansons, compos musicales hors-normes (le regretté Freddie Mercury fit, paraît-il, des saltos arrière dans sa tombe !), pastiches de publicités et d’émissions télé, impertinences diverses et variées…Grande réussite assurément ! Chapeaux les artistes !

Une soirée dansante s’ensuivit mais, retenu par d’autres devoirs, nous n’y assistâmes pas et ne pouvons témoigner. Il se murmure néanmoins que tout se passa très très bien, on peut donc laisser l’imagination divaguer.

Merci à l’Ordre et à son Bâtonnier, Emmanuelle Attout, au Jeune Barreau et à sa Présidente, Isabelle « Izzy » Vander Eyden, à l’orateur et à l’équipe de la revue pour cette belle et riche journée qui demeurera assurément !

Ph. Bllx
Avocat au barreau de Charleroi

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