Voici d’autres vilains mots (ouuuh) qu’on retrouve trop fréquemment (à mon goût) dans le langage verbal pour la plupart. Je mettrais un billet sur le fait que certains sont déjà sortis de votre bouche… comme de la mienne.
À très vite pour à très bientôt.
La préposition à introduit une indication temporelle, un point sur la ligne du temps : à demain, à jeudi, à plus tard, à dans deux mois ou à bientôt.
Or, "vite" n'est pas une indication de temps mais de manière. Le barbarisme reste présent même si, dans la formule, on intercale un “très” (pour anesthésier notre instinct grammatical ?).
Qui dirait "à volontiers" (revoyons-nous avec plaisir), ou "à peut-être" (revoyons-nous si le hasard en décide) ?
Dans À bientôt, bientôt signifie dans peu de temps. Est-ce le fait qu’il peut aussi signifier (emploi rare) en un court espace de temps (comme dans La chose fut bientôt faite – au sens de aussitôt faite) qui a encouragé les adeptes de cette expression (conversion), sans doute plus branchée à leurs yeux ?
Il faudrait supposer qu’ils connaissent l’autre signification de bientôt …
Suite à est une formulation qualifiée de langage commercial de mauvais usage par l’Académie française. Elle peut certes se retrouver dans Comme suite à ou Pour faire suite à, mais à la condition qu’il soit fait référence à un de ses propres écrits. ‘Je vous ai écrit ça et j’ajoute ou précise que …’.
Si on fait allusion à un événement ou à une conversation, on dira À la suite de ou Après.
Après, justement, est (lui aussi) abusivement utilisé pour cela dit, cela étant, dès lors, voire néanmoins. La préposition polysémique après marque la postérité dans le temps ou dans l’espace, dans une hiérarchie ou un ordre. Il n’a pas le sens de concession ou de conclusion qu’on entend lui donner dans Je lui ai dit ça. Après, il en fera ce qu’il voudra. Ce Après – “d’opposition” ou de supposée nuance – sert vraiment trop d’entame à ceux qui cherchent leurs mots, comme le voilà semble faire office de ponctuation aux footballeurs (notamment) au même titre que l’irritant du coup, généralement dépouillé de son vrai sens de cause brusque (et maladivement répétitif chez d’aucuns).
Certes, il existe Après quoi, Après tout, Après coup, mais Après, seul et en guise d’introduction, ça devrait être ressenti comme aussi baroque que le mot Autour dans l’expression (très familière – j’ai fréquenté des vestiaires de foot) : “Je veux bien qu’on joue avec, mais pas qu’on se pende autour”…
NB : On ne se fâche pas non plus après quelqu’un et, non, le chien n’aboie pas après le facteur.
Re-NB : Si on utilise la locution après que, on emploie l’indicatif (ou, rarement, le conditionnel) et non le subjonctif. Le juge tranchera la question après que nous aurons plaidé. Donc, on dit Après qu’il est parti et non Après qu’il soit parti : il est parti, ce n’est pas une éventualité mais une réalité (qui requiert donc l’indicatif). Ainsi, on emploie le passé antérieur et non le plus-que-parfait du subjonctif dans Après qu’il eut terminé (et non qu’ileût).
Ce Après dévoyé est parfois remplacé par plus extravagant que lui encore, l’équivoque Derrière. Pitié ! Qu’on l’emploie comme préposition ou comme adverbe, ce terme introduit une précision quant au lieu, jamais une indication d’ordre chronologique.
Au final.
Dans cette construction grammaticalement fautive et, hélas, très répandue (comme tous les tics de langage), on fait de l’adjectif Final un substantif. Nous disposons pourtant de finalement, pour finir, à la fin, voire en dernier lieu ou au bout du compte. Le seul au final qui siée est celui qui fait référence au nom masculin final (ou finale, toujours masculin… – de l’italien “finale”) qui évoque la dernière partie d’une œuvre musicale. Ce qu’est rarement, hélas, une plaidoirie …
Je vous épargne le moins fréquent mais déjà entendu en finalité. Pff.
J’ai hâte.
L’expression J’ai hâte n’est pas fautive en soi ; la locution Avoir hâte est généralement suivie d’un infinitif (ou parfois, du subjonctif – J’ai hâte d’en finir ou qu’on en finisse) et on pourrait prétendre à une ellipse : j’ai hâte (d’y être). Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’il s’agit là d’être extrêmement pressé de faire quelque chose, pas nécessairement désireux. Ainsi, À la hâte signifie Avec une rapidité très grande ou excessive, avec précipitation.
Enfin, d’une part la transformation de l’expression en tic verbal est irritante ; d’autre part, dans sa forme (trop) elliptique j’ai hâte, elle ressemble vraiment à j’ai dur.
Je reviens vers vous.
L’Académie française nous apprend que “L’expression Je reviens vers vous, employée en lieu et place de « Je reprends contact avec vous », « Je reprends nos affaires, notre sujet, etc. … », est incorrecte. Il s’agit d’un anglicisme, traduction hasardeuse de I’ll get back tou you, devenu tic de langage, qu’il convient d’éviter. On pourra dire, outre les formes vues plus haut : Je me tourne à nouveau vers vous, revenons à nos affaires, etc.”.
Après cette condamnation de la tournure, la vieille dame du quai Conti y… revient : “Cette expression est maintenant parfois remplacée par une autre, pire encore : je vous reviens. Faut-il rappeler que la locution familière, qui s’emploie essentiellement à la forme négative, revenir à quelqu’un signifie « lui plaire, lui inspirer confiance, sympathie » (sa tête ne me revient vraiment pas)”.
Prêche-t-elle dans le désert ? On voit en tout cas fleurir l’une ou l’autre de ces expressions dans pratiquement tous les courriels ! Qui se terminent d’ailleurs souvent (systématiquement ?) par un bon gros lourd “J’attends votre retour” … Personnellement, je ne compte généralement pas retourner chez mes correspondants.
Cela dit, on peut quand même, avec d’autres sens du même mot, ne pas en revenir (quand on est étonné), être revenu de tout (quand, à l’inverse, on n’est plus étonné de rien), revenir sur le tapis (pour une affaire qu’on espérait enterrée), revenir sur sa parole (se dédire) ou à de meilleurs sentiments, revenir à soi (après un évanouissement) ou sur ses pas, voire revenir à Dieu quand on retrouve la foi (retourner à Dieu, pourtant synonyme, fait davantage penser à … mourir).
Bref, revenir à quelqu’un n’a rien à faire dans un courriel. Et s’y trouve pourtant systématiquement … Eh oui, ma bonne dame, comme souvent avec ces mots qui se sont immiscés puis imposés dans notre langage courant, quand on cherche une formule de remplacement, on peine, il faut bien l’admettre. D’autant que Revenir peut avoir le sens figuré de considérer, évoquer de nouveau, quand on revient sur un problème ou… sur une affaire !
Ne dit-on pas d’ailleurs, en annonçant un futur développement, j’y reviendrai ou il y sera revenu ?
Le mot est tellement polysémique, et la nuance tellement subtile, que tout porte à croire que ce tic de langage pourrait un jour s’imposer vraiment. Vraiment, pas En vrai. J’y reviendrai (oups).
Jari LAMBERT