Où il est question de la fameuse mise en demeure…

A chaque livraison de la Tribune, nous tenterons de vous rappeler certains principes de déontologie par des exemples pratiques.

Il ne s’agira pas de faire le tour du sujet mais de porter à votre attention un point particulier de nos règles.

Aujourd’hui, l’avocat et la mise en demeure.

 

Il nous arrive parfois d’être dépourvu face à une mise en demeure.

Comment l’adresser ? A qui l’adresser ? Quel est son statut ? Qu’y écrire ?

Pour répondre à la question il faut distinguer deux hypothèses :

1. La lettre de mise en demeure à l'adversaire qui a un conseil

Dans le cours d'un dossier, lorsque les deux parties sont assistées d'un conseil, la question se pose parfois de savoir si un des avocats peut ou non adresser directement une mise en demeure au client de son confrère adverse. 

Il existe un principe qui est consacré par le Code de déontologie des avocats européens (Conseil Consultatif des Barreaux Européens) qui, même s'il n'est contraignant que sur le plan européen, stipule clairement en son article 5.5 : 

« L'avocat ne peut pas se mettre en rapport dans une affaire particulière directement avec une personne dont il sait qu'elle est représentée ou assistée par un autre avocat, à moins que ce confrère ne lui ait donné son accord (et à charge pour lui de le tenir informé) ». 

Ce principe a été repris par notre déontologie qui, en l’article 7.19 du CODEON précise que les communications entre un avocat et une partie assistée par un conseil dans une affaire particulière sont en principe interdites, sauf accord exprès de ce conseil. 

Par exception, l’avocat est autorisé à adresser à cette partie une communication écrite qualifiée explicitement de « mise en demeure » dont c’est le seul objet et dont le but est de produire un ou des effets juridiques utiles, effets que n’aurait pas un courrier officiel échangé entre les conseils des parties. 

Il est à noter que cette communication doit stipuler en termes exprès que son destinataire est invité à se mettre sans délai en rapport avec son propre conseil et elle indique aussi que celui-ci reçoit concomitamment une copie de cette correspondance qualifiée de mise en demeure.

2. La première lettre adressée par un avocat à son confrère

Il arrive souvent qu'un avocat soit consulté au départ par un client qui lui remet la lettre qu'il a reçue du conseil de la partie adverse.

Cette lettre adressée par avocat à un justiciable est bien entendu officielle et le plus souvent, cette lettre contiendra un exposé partial des faits et, bien souvent, une mise en demeure. 

Lorsque l’avocat consulté répondra, il faudra bien considérer qu’en vertu de nos règles cette réponse est confidentielle. 

Pour contourner cette difficulté, certains avocats rédigent pour son client une réponse circonstanciée en demandant au client de l’adresser à l'avocat adverse ou même directement à son adversaire. 

Ce procédé est quelque peu hypocrite à tel point que l’on voit souvent des Bâtonniers admettre le caractère officiel de cette première réponse.

Pour pallier à cette construction « ordinale » et pas nécessairement constante au sein de tous les barreaux, il existe en discussion un projet de texte visant à ce que perde son caractère confidentiel toute communication constituant la réponse à une mise en demeure adressée par le destinataire au client de l’expéditeur.

Le futur nous apprendra si cette option de bon sens est finalement admise dans notre Code.

Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que lorsque l’avocat rédige une mise en demeure, il doit faire preuve de modération dans le langage et ne pas utiliser de formules grossières ou adresser des menaces.

Un peu de tenue, que diable !


Jean-Noël BASTENIERE
Avocat au barreau du Brabant Wallon
Membre de la commission déontologie

Crédit photo : Image par Sergei Tokmakov, Esq. httpsTerms.Law de Pixabay

A propos de l'auteur

Jean-Noël
Bastenière
Avocat au barreau de Brabant wallon

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