A chaque livraison de la Tribune, nous tentons de vous rappeler certains principes de déontologie par des exemples pratiques.
Dans le cas présent, il s’agira d’évoquer de nouvelles pistes concernant le calcul des honoraires.
Ce vendredi 15 novembre 2024, le barreau de Liège-Huy organisait un excellent colloque intitulé »L’avocat, le client et l’argent : évolution ou révolution ? » et ce dans le cadre de la rentrée solennelle de la conférence libre du jeune Barreau de Liège.
A cette occasion différents intervenants ont insisté sur le fait que la tarification d’honoraires au time-sheet n’était plus nécessairement la panacée.
Ils ont donc évoqué la piste du forfait mais également et de manière plus prospective, le calcul d’honoraires suivant la valeur que le projet emporte dans l’esprit du client.
Il s’agirait, lors d’entretiens préalables, de déterminer quels sont les objectifs précis du client et d’estimer la valeur qu’il est prêt à attribuer à notre intervention dans le dossier.
L’on imagine aisément que cela puisse constituer une petite révolution dans notre manière de calculer les honoraires, tous les intervenants étant cependant assez d’accord pour considérer que ce processus était principalement envisageable dans les relations en « b to b ».
Mais face à ces nouvelles manières d’envisager le calcul de nos honoraires, la déontologie actuelle est-elle adaptée ?
Avec Me Damien DESSARD qui présentait un sujet sur la « Juste modération et la fixation anticipée des honoraires », il nous apparait que nous disposons déjà de nombreuses règles qui pourraient s’adapter à ces concepts.
Ainsi, les articles 5.18 à 5.35 du code de déontologie précisent notamment que l’avocat attire l’attention du client sur les éléments qui peuvent avoir une influence sur la hauteur des honoraires. Ces éléments peuvent être par exemple l’urgence, la complexité, l’importance financière et morale de la cause, la nature et l’ampleur du travail accompli, le résultat obtenu, la notoriété de l’avocat, la capacité financière du client, les chances de récupération des montants demandés ou encore l’argumentation et le dossier de la partie adverse.
Ces concepts, ainsi que des règles locales adoptées par chaque barreau, peuvent dès lors intervenir comme critères dans la discussion préalable avec le client en vue de la fixation d’un forfait ou une taxation « à la valeur ».
Il ne faut cependant pas oublier qu’avant toute chose, l’article 446 ter du code judiciaire précise que « les avocats taxent leurs honoraires avec la discrétion qu'on doit attendre d'eux dans l'exercice de leur fonction. Tout pacte sur les honoraires exclusivement lié au résultat de la contestation leur est interdit.
Dans le cas où la fixation excède les bornes d'une juste modération, le conseil de l'Ordre la réduit, en ayant égard notamment à l'importance de la cause et à la nature du travail, sous réserve des restitutions qu'il ordonne, s'il y a lieu, le tout sans préjudice du droit de la partie de se pourvoir en justice si la cause n'est pas soumise à arbitrage. »
La question ici posée est donc bien celle du contrôle de ce type de calcul d’honoraires.
L’article 5.34 du code de déontologie précise qu’en cas de litige sur les honoraires, l’avis du conseil de l’Ordre est limité à l’examen de la conformité des honoraires au critère de la juste modération. Il poursuit en précisant que « pour l’application du critère de la juste modération visé à l’article 446ter du code judiciaire, le conseil de l’Ordre a égard, notamment, à l’importance financière et morale de la cause, à la nature et à l’ampleur du travail accompli, au résultat obtenu, à la notoriété de l’avocat, à la capacité financière du client. »
Il conviendra donc d’être particulièrement prudent lorsqu’on utilise ces nouvelles méthodes de calcul. Quand bien même y aurait-il un accord sur la méthode de calcul, il faudra, tout au long de la relation avec le client maintenir cette relation de confiance qui prévient souvent tout risque de contentieux.
Certes, il n’existe pas beaucoup de décisions concernant des litiges portant sur le forfait mais si cela devait se présenter, il faut garder à l’esprit que les critères de contrôle restent, dans l’état actuel des choses, ceux liés à ce fameux principe de juste modération.
Jean-Noël BASTENIERE
Administrateur