Dans les coulisses du parlement belge - septembre 2023

Après plusieurs mois de négociations avec les Ordres communautaires et en inter-cabinets, le texte de l’avant-projet de loi portant modernisation de la profession d’avocat a été adopté en Conseil des ministres le 15 septembre 2023. D’autres textes importants pour le barreau (aide juridique, digitalisation, snelrecht) sont en préparation. AVOCATS.BE a eu l’occasion de donner son avis. 


I. Modernisation de la profession d’avocat

a. Textes

  • Avant-projet de loi portant modernisation de la profession d’avocat 

b. Développements

Après plusieurs mois de négociations avec les Ordres communautaires et en inter-cabinets, le texte de l’avant-projet de loi portant modernisation de la profession d’avocat a été adopté en Conseil des ministres le 15 septembre 2023.

Le texte de l’avant-projet de loi est à présent envoyé pour avis au Conseil d’Etat, aux Ordres communautaires et aux Communautés. Après une deuxième lecture en Conseil des ministres, il sera déposé à la Chambre des représentants.

Les principales nouveautés apportées par l’avant-projet de loi sont les suivantes : 

  • L’avant-projet prévoit que la profession d’avocat pourra être exercée sous le statut d’employé. Cela ne change toutefois rien du côté d’AVOCATS.BE où cela n’est pas interdit (contrairement à l’O.V.B. qui doit modifier son code de déontologie sur ce point).
     
  • L’avant-projet modifie sensiblement le déroulement du stage. Il prévoit en effet que le futur stagiaire devra suivre, avant le début de son stage, une formation professionnelle dont les modalités et la durée doivent encore être précisées dans un arrêté royal auquel seront associés les Ordres communautaires.

    La durée du stage reste de 3 ans sous déduction de la période de formation professionnelle. L’idée est que la formation ait une durée de six mois mais rien n’est encore décidé.

    La rémunération des stagiaires, et plus précisément celle des stagiaires de dernière année, fera également l’objet d’une attention particulière.

    Les dispositions relatives au stage n’entreront en vigueur que le 30 juin 2028, le temps d’organiser concrètement la formation.
     
  • Droit d’injonction et règlement amiable : le droit d'injonction du bâtonnier actuellement visé à l'article 453 du Code judiciaire ne porte aujourd'hui que sur des mesures conservatoires. Cependant, il est admis et telle est la pratique actuelle, que le bâtonnier donne certains « ordres » qui sont définitifs comme notamment l'ordre de se retirer d'une affaire en raison d'un conflit d'intérêts. Le projet vise à préciser la procédure à ce niveau et combler ainsi cette lacune. Par ailleurs il est explicitement précisé que le bâtonnier doit favoriser le règlement amiable des différends, ce qui est déjà le cas en pratique.
     
  • L’essentiel des dispositions contenues dans l’avant-projet concerne la modernisation de la procédure disciplinaire. Cette réforme était souhaitée par les Ordres communautaires 

Quoi de neuf dans la procédure disciplinaire (en bref) ? 

  • Liste d’enquêteurs : Ce n’est plus le bâtonnier qui mène l’enquête mais bien un enquêteur qui sera désigné sur la base d’une liste établie par ressort de conseil de discipline.
  • Opposition et force majeure : l’opposition n’est plus possible qu’en cas de force majeure justifiant le défaut.
  • Mesures conservatoires : il est désormais prévu que le bâtonnier puisse prendre des mesures conservatoires à l’égard d’un avocat « lorsqu’en raison des faits imputés à un avocat, il est à craindre que l'exercice ultérieur de son activité professionnelle ne soit de nature à causer des préjudices à des tiers ou à l'honneur de l'Ordre, ou lorsque l'avocat n'est manifestement plus en mesure d'exercer sa profession conformément aux règles applicables et que cette situation cause ou menace de causer, temporairement ou définitivement, un préjudice à des tiers ou à l'honneur de l'Ordre ».
  • Amende payable au Trésor : il s’agit d’une nouvelle sanction prévue à côté des sanctions « classiques » (réprimande, suspension et radiation).
  • Information du plaignant : Il est désormais prévu que le plaignant soit informé de la sentence. Toutefois, les parties de la décision qui ne se rapportent pas à la plainte, aux faits qui la sous-tendent ou dont le plaignant n'est pas l'objet ne sont pas communiquées au plaignant.

Il est prévu que la future loi entre en vigueur le 1er juin 2024 (sous réserve des dispositions relatives au stage – cf. supra). La loi ne s’appliquera qu’aux enquêtes ouvertes après l’entrée en vigueur de la loi.

Pour rappel, le texte n’est pas définitif et fait l’objet de consultations complémentaires. Nous vous tiendrons évidemment informés de l’évolution de ce texte que les Ordres communautaires suivent attentivement !

AVOCATS.BE insistera particulièrement pour qu’une disposition de l’avant-projet qui a disparu dans la dernière version du texte soit rétablie. Il s’agit de la procédure d’homologation de l’accord de droit collaboratif. Cette disparition est incompréhensible alors que tous les acteurs de la justice entendent promouvoir le développement des modes alternatifs de résolution des litiges qui peuvent contribuer à résorber l’arriéré judiciaire. La Belgique vient à nouveau de se faire condamner par le C.E.D.H pour le dépassement de délai raisonnable dans une procédure. Pourquoi tergiverser encore ? 

 

II. Dispositions diverses en matière civile et judiciaire 

a. Textes

  • Projet de loi portant dispositions en matière civile et judiciaire (DOC 55 3552)

b. Développements

Sur proposition du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne, le Conseil des ministres a approuvé le 8 septembre 2023 en deuxième lecture un avant-projet de loi portant diverses dispositions en matières civiles et judiciaires.

Plusieurs aspects de cet avant-projet de loi intéressent le barreau. C’est le cas notamment de :

  • L’extension de l’effet positif de la chose jugée
  • la création de chambres de règlement à l’amiable au sein des tribunaux traitant des matières civiles et commerciales
  • l’optimisation du fonctionnement du contrôle interne de qualité effectué sur les prestations des avocats et la modification de la règle de calcul des coûts liés à l'organisation des bureaux d’aide juridique sur la base des besoins réels (frais de fonctionnement fixés à 7%).
  • l'optimisation de la procédure de règlement collectif des dettes

AVOCATS.BE a eu l’occasion de donner son avis sur ces textes.

Le projet a été déposé à la Chambre des représentants et devrait être disponible dans les prochains jours.

 

III. Digitalisation

a. Textes

  • Avant-projet de loi relatif à la digitalisation de la Justice

b. Développements

Sur proposition du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne, le Conseil des ministres a approuvé le 20 juillet 2023 un avant-projet de loi relatif à la digitalisation de la Justice. 

L’avant-projet apporte des modifications aux diverses lois qui relèvent du département de la Justice afin de les adapter à la digitalisation de la Justice. Dans ce contexte, il s’agit notamment de dispositions, de références et de redéfinitions mais aussi par exemple d’un cadre juridique pour la conservation des dossiers pénaux dans un registre central, le délai de conservation des données de vote électronique, les obligations de publicité des personnes morales et l’enregistrement d’empreintes digitales dans le système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS). 

L'avant-projet a été transmis pour avis au Conseil d'Etat, à l'Autorité de protection de données, au Comité permanent R, aux communautés, au Comité de coordination de la police intégrée, au Collège des Procureurs généraux, au Collège des cours et tribunaux et aux Ordres communautaires. 

L’avis d’AVOCATS.BE, préparé par Jean-François Henrotte, avocat au barreau de Liège-Huy et membre de la commission informatique d’AVOCATS.BE, a été transmis au cabinet à la mi-septembre.

AVOCATS.BE s’inquiète particulièrement de la disparition annoncée de la J-Box et de son remplacement par l’E-Box entreprise, avec les difficultés que cela représente, provenant notamment de ce que ce système ne tient pas compte de la réalité de la notion de cabinet.
A noter qu’un avis relatif aux dispositions concernant le registre de l’aide juridique avait déjà été transmis au début de l’été. Une grande partie de ces remarques ont été prises en considération.

 

IV. Règlement collectif de dettes et procédure de redressement des dettes du consommateur

a. Textes

  • Avant-projet de loi relatif à la procédure de redressement des dettes du consommateur et de règlement collectif de dettes

b. Développements

Le ministre de l’Economie et le ministre de la Justice ont demandé l’avis des Ordres communautaires au sujet d’un avant-projet de loi introduisant une « procédure de redressement », sorte de procédure en redressement judiciaire (PRJ) pour les non-entrepreneurs, dans le livre XIX du CDE et réformant le règlement collectif des dettes. 

Cet avis a été préparé par le groupe de travail composé de Stéphane Gothot, Isabelle Tasset, Jean-Jo Schmidt, Jean-Luc Denis et Antoine de le Court.

Dans son avis, AVOCATS.BE recommande d'attendre l'intégration des modifications annoncées pour le registre JustRestart, avant d'apporter des modifications au règlement collectif de dettes et de mettre en œuvre les nouvelles procédures envisagées dans l'avant-projet de loi, afin de permettre une meilleure compréhension des implications de la réforme dans son ensemble, y compris l'aspect financier.

AVOCATS.BE rappelle également que dans un objectif de transparence et de clarté, il serait préférable de rapprocher davantage la procédure de redressement de celle de règlement collectif de dettes, notamment en prévoyant la possibilité d’une demande subsidiaire de règlement collectif de dettes dans la requête en redressement, et en insérant les deux procédures dans un même Code, étant donné qu’elles sont interdépendantes (le redressement faisant référence au règlement collectif de dettes).

 

V. Réforme du Code pénal – auditions et avis écrit 

a. Textes

b. Développements

Pour rappel, une commission avait été constituée sous la précédente législature afin de revoir en profondeur l’ensemble des dispositions du Code pénal. Cette réforme n’avait cependant pas abouti avant la fin de la législature. Le projet a été repris et remanié par l’actuel ministre de la Justice. 

Le projet de livre Ier du Code pénal a fait l’objet d’auditions au long du mois de juin 2023. Dimitri de Beco, avocat au barreau de Bruxelles et membre de la commission de droit pénal a représenté AVOCATS.BE à ces auditions. A noter que le projet de loi déposé à la Chambre tenait compte de certaines observations d’AVOCATS.BE formulées au stade de l’avant-projet de loi. 

Le projet de livre II du Code pénal devrait être débattu en commission de la justice dès la rentrée parlementaire. La commission de droit pénal prépare un avis.

L’objectif est que le nouveau Code pénal (Livres I et II) soit adopté avant le 31 décembre 2023.

 

VI. Snelrecht – avis écrit 

a. Texte

  • Avant-projet de loi visant le rétablissement d’une procédure de justice accélérée 

b. Développements

Sur proposition du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne, le Conseil des ministres a approuvé le 20 juillet 2020 un avant-projet de loi visant à restaurer la procédure de comparution immédiate instaurée en 2000, qui avait été partiellement annulée en 2002. 

Laurent Kennes, avocat au barreau de Bruxelles et membre de la commission de droit pénal, a préparé un avis très critique. La nouvelle procédure qui entend apporter une réponse aux violences urbaines implique une détention provisoire. Cela risque d’augmenter encore le recours aux détentions préventives alors que les faits ne sont pas nécessairement d’une gravité qui la justifie. Par ailleurs, la victime est oubliée dans cette procédure trop rapide pour qu’elle puisse y trouver sa place.

Cet avis a été transmis au cabinet du ministre de la Justice début septembre.

 

VII. Steve Bakelmans – Lettre ouverte des proches de Julie Van Espen – auditions et avis écrit  

a. Textes

b. Développements

Il y a un an, AVOCATS.BE était entendu en commission de la Justice de la Chambre dans le cadre de l’examen du rapport de suivi de l'enquête particulière sur le dossier Steve Bakelmans réalisé par le C.S.J. 

Fin avril, la famille de Julie Van Espen a adressé au monde politique une lettre ouverte dressant le bilan des mesures prises en vue de lutter contre les violences sexuelles, de promouvoir une justice plus efficace et de mieux prendre en compte des victimes.

La commission de la Justice de la Chambre des représentants a à nouveau organisé des auditions sur le sujet le 4 juillet 2023.

Pierre Monville, avocat au barreau de Bruxelles et membre de la commission de droit pénal d’AVOCATS.BE a représenté AVOCATS.BE à cette audition et abordé la question de la formation des avocats en matière de violences sexuelles en vue d’un meilleur accueil et d’une meilleure prise en compte des victimes

VIII. MSS IV

a. Textes

b. Développements

Certaines dispositions de la loi, adoptée à la veille des vacances parlementaires, méritent un bref commentaire :

  • Contrôle de la détention préventive

Initialement, le projet prévoyait un retour au contrôle mensuel (une des revendications d’AVOCATS.BE dans son mémorandum 2019), mais suite aux avis négatifs du Collège des procureurs généraux et de l’Association des juges d’instruction estimant que cela poserait trop de problèmes opérationnels (voir p. 41 du projet), il a finalement été opté pour un contrôle mensuel supplémentaire avant de passer à un contrôle bimestriel (voir article 10 du projet).

A noter également qu’il avait été question de préciser dans le texte que la détention préventive ne peut être requise que si les alternatives (libération sous conditions ou sous caution) ne peuvent suffire à rencontrer les objectifs visés. Cet ajout visait à souligner le caractère subsidiaire de la détention préventive. Il a été abandonné à la suite des avis reçus.

L’exposé des motifs souligne que les avocats ont la responsabilité d’argumenter dans chaque cas pourquoi une alternative à la détention préventive peut suffire et ainsi fournir une incitation à s’engager dans les alternatives au mandat d’arrêt (voir p.39).

  • Ordre de paiement (voir article 5 du projet et de la loi + amendement n° 1 et amendement n° 23)

Pour rappel, AVOCATS.BE avait été consulté au sujet du nouvel article 216bis/1 du Code d’instruction criminelle, qui permet l'application d’un ordre de paiement pour des transactions pénales pour des petites infractions correctionnelles. L’avis d’AVOCATS.BE était négatif. L’article a toutefois été maintenu moyennant quelques modifications mineures. L’exposé des motifs réagit à certaines observations d’AVOCATS.BE (voir p. 12, 14 et 16).

L’avis d’AVOCATS.BE a été renvoyé à la commission de la justice.

A noter que les partis de la majorité ont déposé un amendement (voir amendement n°1) visant à prolonger le délai de recours à 45 jours « afin de répondre à AVOCATS.BE qui estime que le délai de recours de 30 jours est trop court ». Cet amendement a été adopté (voir article 5 de la loi).

Le PTB avait quant à lui déposé un amendement (voir amendement n° 23) visant à supprimer purement et simplement l’article 5 du projet en se basant sur l’avis d’AVOCATS.BE mais aussi sur celui de l’Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains (IFDH).  

  • Règlement collectif de dettes – JustRestart (voir amendements n° 6 à 13 et article 7 de la loi)

La disposition relative au financement des frais de mise en place du registre des règlements collectfs de dettes par le SPF Justice a été déposée sous forme d’amendement au projet de loi MSS IV.
 

Laurence Evrard, 
Responsable des actualités législatives

Crédit photo : Oakenchips, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

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Laurence
Evrard
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