Rentrée judiciaire de Namur… comme une résurrection
Jusqu’à l’envoi des invitations sous format informatique (une première), les mesures de lutte contre la pandémie avaient compromis la traditionnelle rentrée solennelle du Jeune Barreau de Namur de ce 25 mars 2022.
C’est dès lors un souriant et sémillant Président de la C.J.B., Maître Olivier ROSSILLON, qui ne boude pas son plaisir pour un mot d’accueil qui satisfait aux traditions et respecte l’étiquette protocolaire.
La présentation de l’orateur, Maître Patrick LARBIERE, est aussi faite avec authenticité.
Maître LARBIERE, c’était le choix du précédent Président.
Maître ROSSILLON le fait sien en soulignant, non sans humour, la spontanéité, le franc parler, la fibre sociale et le côté sportif qui caractérise l’orateur qui endosse aussi le rôle de directeur de l’école C.A.P.A. et de véritable « homme-orchestre » de la Revue.
Le discours a pris le titre énigmatique de MT18-20.
La progression de l’exposé est ponctuée par des stations telles celles d’un chemin de croix.
Avec un texte rythmé, où les bons mots permettent à Maître LARBIERE de séduire son public, l’introduction fait la part belle à l’auto-dérision.
Son discours : c’est un rêve de 20 ans (souvent déçu), même si l’orateur, par coquetterie, fait mine de douter qu’il soit finalement le bon choix.
Son discours serait, dit-il, prêt depuis octobre 2000.
Lorsque, … Alléluia : son heure est enfin arrivé !
C’était sans compter sur la COVID-19 et le confinement qui en auront décidé autrement.
Il en résulte un texte dont la préparation n’aura jamais été aussi longue, à moins que le cheminement de la réflexion et de rédaction de l’orateur, telle qu’il nous l’expose, ne soit qu’une boutade parmi d’autres.
C’est de la Parousie que l’orateur, s’étant replongé dans les textes bibliques, a décidé d’entretenir son auditoire.
Avec une certaine légèreté, c’est ni plus ni moins du retour de Jésus Christ sur Terre et précisément en région namuroise dont il est question.
Il en résulte dès lors une « confrontation » au monde judiciaire d’une série de dogmes religieux et autres actes du Christ.
L’annonciation faite à Marie et l’Immaculée Conception pose la question très terre à terre de la présomption de paternité où l’examen pas moins pragmatique de l’analyse des fonctions cognitives, au regard du récit.
Les miracles se heurtent à l’exercice illégal de l’art de guérir ou conduisent le Christ au-devant d’une action en cessation face à la multiplication des pains.
En filigrane, c’est l’exercice des libertés, dont la liberté de parole, qui est mesurée au premier siècle et aujourd’hui.
Sous forme de conclusion, l’orateur refuse les dogmes et veut croire avant tout en la liberté dont le système judiciaire ne doit pas être la bride.
En avocat et homme de principe, Maître Patrick LARBIERE affirme qu’il se confronterait sans hésitation à l’ordre en place pour permettre à ce curieux petit prophète (ayant tout de même mis en place « une multinationale spirituelle » avec près de 2,4 milliards de Chrétiens dans le monde) d’exposer librement son propos.
Outre la sauvegarde des libertés, l’orateur semble un peu se réconcilier avec, à tout le moins un seul message de Jésus Christ : « Aimons-nous les uns les autres ».
En guise de dernier mot, Monsieur le Bâtonnier Jean SINE satisfait aux usages donnant une réplique toute en nuance, émotion et savoir.
Le ton iconoclaste de l’orateur apparaît pour Monsieur le Bâtonnier affecté d’une certaine auto-dérision, mais aussi de scepticisme et une certaine insolence aussi.
Citant l’un ou l’autre bon mot de Verlaine, Montaigne et Wilde, l’injonction de plus de nuance et de modestie est donnée par le Bâtonnier.
Presqu’en aparté, ce sont trois années de stagiaires qui reçoivent de sincères vœux d’épanouissement personnel et de courage pour une noble et belle profession que l’on aime exercer avec passion.
Maître Jean SINE se montre, lui, plus confiant dans l’exercice des libertés. La liberté de ton des Juges constitue un rempart contre les entraves à la liberté de penser ou d’exprimer sa pensée.
Le propos est illustré par le Juge insoumis polonais Igor TULEYA mais aussi le prêtre catholique polonais et son combat : Jerzy POPIELUSZKO.
Comme Stéphane HESSEL, Monsieur le Bâtonnier enjoint à chacun : « Indignez-vous ».
Gardez foi en la justice, demeurez lucide et les yeux ouverts.
Il faut partir à l’aventure en doutant de soi mais en n’oubliant pas de s’amuser.
La conclusion d’une réplique, pleine de sens, est empruntée au Cercle des Poètes Disparus : « Carpe Diem ». Prenez la mesure de chaque petit bonheur du jour en mesurant la fragilité de ce qui fait notre quotidien.
Suivant le programme habituel, la Revue dont le maître d’œuvre n’est autre que l’orateur Maître Patrick LARBIERE, aura fait sourire et rire par ses chorégraphies, chants et sketches, sorte de petits instantanés d’une époque marquée par la pandémie.
Enfin, la soirée avait comme toujours la saveur et l’évanescence des bulles de champagne dans un lieu neuf : l’une des salles de l’établissement « Le Félicien » qui accueillait pas moins de 330 convives, chacun souhaitant sans doute se réjouir très vite d’un certain retour à la normale.
Karl STEINIER,
Avocat au barreau de Namur
