Compte-rendu de la rentree judiciaire du barreau de Namur « souvenons-nous, osons l’avenir »

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Cette année, la Conférence du Jeune Barreau de NAMUR, emmenée par sa sémillante Présidente Maître Christine REMIENCE, avait fixé date au 29.03.2019 pour la traditionnelle rentrée judiciaire en cité mosane.

Le magnifique bristol d’invitation, au style très féminin, était parsemé d’une multitude d’aigrettes de pissenlits imposant un double sentiment : celui de l’enracinement d’une part et celui de l’essaimage d’autre part.

Bien inspirée, Maître Colombine ESCARMELLE, prononcerait le discours au titre énigmatique «Souvenons-nous, osons l’avenir ».

Ancrés dans le passé, nos regards sont portés vers l’avenir.

Le sourire coutumier de la Présidente et de l’oratrice sont le symbole de l’accueil chaleureux et, comme il se doit, un peu protocolaire.

Le traditionnel portrait de l’Oratrice ne révèle rien et chacun sait toute la bonne humeur, le positivisme et l’amour de la vie qui caractérisent Maître ESCARMELLE.

Reprenant pour l’exemple les petites aigrettes des pissenlits à la fois humbles et pugnaces jusqu’à s’épanouir dans des contrées difficiles, elle souhaite que d’un souffle, le vrai, le fort, l’oratrice sème au vent ses idées…

Maître ESCARMELLE, portée par le souvenir d’une maman et désireuse de transmettre à ses filles, nous invite à la réflexion en parcourant le destin d’exception de Simone VEIL.

Le ton est tantôt grave et sombre à l’évocation de la déportation du convoi 71 de Drancy, des wagons à bestiaux, des cris des SS, des aboiements des chiens, de la fumée âcre d’Auschiwtz Birkenau, des corps dénudés, des têtes rasées, de la déshumanisation de la Shoah, laissant pour seule identité un numéro tatoué sur l’avant-bras.

Mais Simone VEIL, c’est aussi une vie toute en contraste marquée par l’horreur, mais animée par un optimisme et une volonté de survivre inébranlables, portée par Yvonne sa mère, qui comme son époux et son fils, ne reviendra pas de Bergen-Belsen.

L’Oratrice pose alors une de ses idées fortes.

« Les souvenirs ne sont pas un simple retour du passé. Ils constituent notre identité et pendant  toute notre existence, nous dialoguons avec eux. »

C’est enfin une biographie précise qui est égrenée de celle qui se rêvait avocate et qui laissera son nom à une loi dont elle était le porte-étendard.

Du Parquet à l’administration pénitentiaire puis à divers postes ministériels, drapée d’un tailleur bleu clair et classique et coiffée d’un chignon serré, elle ne trahira jamais ses idéaux d’indépendance, de dignité, d’humanité et de protection des plus faibles dans ses combats pour un monde meilleur.

Elle qui a subi l’histoire décide de l’écrire.

Chacun a, en mémoire, ces images vieillissantes de novembre 1974, où à la tribune de l’assemblée nationale, son propos fort engagé et courageux s’allie à une large majorité pour conquérir la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse.

Confiante en l’avenir, ses combats la mèneront alors à la présidence du Parlement européen en 1979.

Première femme élue à ce poste au suffrage universel, elle incarne les valeurs de paix, de liberté, de progrès social et de réconciliation des peuples.

Son message, sans haine, porte haut et fort la voix des disparus et sonne comme un véritable appel à la vigilance et au respect de la dignité humaine.

Elue à l’Académie française le 20.11.2008, elle fait graver sur son épée, comme le résumé d’une vie, son matricule d’Auschiwtz, le numéro 78651, la devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité » et celle de l’Union européenne « In Varietate Concordia ».

Inhumée au Panthéon le 1er juillet 2018, elle est saluée par notre confrère, son fils Maître Jean VEIL, par ces mots « Tes yeux pers dans un visage éclairé reflétaient le vécu d’une tragédie indélébile. Il y avait en toi déjà cet ineffable miracle de charme qui n’a jamais disparu ».

Maître ESCARMELLE peut alors conclure dans une réelle unanimité en constatant que nos souvenirs sont nos balises et qu’ils forment les individus que nous sommes renforçant l’exemple donné par Simone VEIL, citant notamment le Docteur MUKWEGE, récent prix Nobel de la paix, elle exhorte chacun à une confiance absolue en l’avenir et à transformer chaque souffrance en pouvoir et audace.

Citant Robert BADINTER, ancien Garde des Sceaux, elle ponctue par le propos par « telle est la victoire morale de Simone VEIL sur les nazis. Elle a refusé la tentation de la désespérance dans l’être humain et choisit de toutes ses forces la vie. »

C’est alors à l’homme du jour, Monsieur le Bâtonnier Luc OGER, de prendre la parole après ces véritables tourbillons de féminité.

Peut-être pense-t-il que «Derrière chaque grande femme, se cache un homme» ?

Qui se souvient en effet que Simone VEIL était née sous le patronyme JACOB et qu’en épousant Antoine, c’est son nom qu’elle a finalement rendu célébre.

Monsieur le Bâtonnier commence en présentant comme étant un ravissement, un enchantement ou un privilège la possibilité de donner la réplique.

Il ne s’épargne pas un petit clin d’œil au discours qu’il avait lui-même prononcé il y a peu de   temps : « La vérité sur l’affaire Koen GEENS… »

Le ton léger du début laisse très vite la place au ton grave de la déportation, le positivisme n’est maintenu qu’à l’évocation du père merveilleux et imaginatif joué par Roberto BENIGNI dans « La Vita e bella ».

Le sujet du discours apparaît toutefois comme un prétexte, la véritable trame est que l’homme se construit sur son histoire.

Il est riche de son passé et son avenir s’écrit en puisant dans ses souvenirs.

La transition est toute trouvée pour Monsieur le Bâtonnier de se souvenir des valeurs anciennes qui constituent l’ADN  de  notre  profession  dans  un  souci  de  justice  moderne,  humaine,  efficace  et répondant aux attentes des justiciables.

L’avenir doit être marqué d’audace, de remise en question et de démarche collective.

Maître OGER, voulant absolument conclure que l’avenir doit être ambitieux, réaliste et bâti sur nos valeurs, fait volontairement l’impasse sur l’égrenage traditionnel des réformes qui nous guettent et de l’incertitude qui y est liée.

Écrivons l’avenir, soyons fiers de ce que nous accomplissons dans un environnement hostile… La suite est l’image de ce qui se fait (très) bien à NAMUR.

L’aspect festif permet à nouveau de beaux moments de confraternité et d’amitié. Comme à l’habitude toujours, la soirée fut entamée par la traditionnelle Revue.

Cette année, celle-ci laissait la part belle à la vidéo à quelques chorégraphies des jeunes et moins jeunes et à un désormais incontournable Damien PHILIPPOT en régisseur tentant de pallier à un prétendu manque de préparation en assumant la transition, comme un véritable Monsieur Loyal, des différents tableaux.

Au petit matin, chacun était plus riche des nouveaux souvenirs glanés, et armé d’une furieuse envie d’écrire l’avenir…

 

Karl STEINIER
Avocat au barreau de Namur

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