Nouvelles conditions générales des avocats pour leurs clients consommateurs

Petit rappel introductif

En janvier 2018, AVOCATS.BE vous présentait des conditions générales type qui avaient été élaborées par un groupe de travail composé d’une quinzaine d’avocats issus des 12 barreaux membres d’AVOCATS.BE (La Tribune n°.129 du 22 février 2018).

L’objectif de ce groupe de travail était de mettre à la disposition des avocats un texte intégrant l’ensemble des nouveaux paramètres qui s’imposent aux avocats en raison de lois récentes (l’ensemble des lois intégrées dans le Code de droit économique, la loi du 18 septembre 2017 en matière de prévention du blanchiment, etc.).

Ces conditions générales étaient le fruit de l’expérience cumulée de tous les membres du groupe de travail en vue notamment de protéger l’avocat lorsqu’il est confronté à un client chicanier, voire de mauvaise foi.

Le passage par la Commission des Clauses abusives

Lorsque le travail de mise au point de ces conditions fut terminé, AVOCATS.BE l’a soumis à la Commission spéciale consultative des clauses abusives (instituée auprès du SPF Economie). Le Code de droit économique donne en effet aux organismes professionnels le droit de consulter cette Commission et de lui soumettre des documents type destinés à leurs membres. Cette Commission est présidée par un magistrat d’une Cour d’appel, de fonctionnaires du SPF Economie (dont M. Paul Cambie, spécialiste reconnu en matière de clauses abusives) et de représentants de l’ensemble du monde économique, patronal, syndical, des indépendants et diverses unions de consommateurs.

L’avis de cette Commission se faisant attendre, AVOCATS.BE a, dans un premier temps, diffusé le texte des conditions générales dans l'attente de l’avis. AVOCATS.BE vous présente à présent les conditions générales qui ont été revues à la suite des remarques et réunions avec la Commission des clauses abusives.

Le résultat du travail – que vous trouverez en annexe – est sensiblement différent du texte originel que le groupe de travail d’AVOCATS.BE avait préparé.

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Examinons sans plus attendre les principales modifications qui sont intervenues.

Des conditions générales spécifiques pour les clients consommateurs

Le texte d’origine d’AVOCATS.BE prévoyait un modèle unique de conditions générales applicables à tous les clients (consommateurs et non consommateurs). Il en résultait des articles qui prévoyaient que telle disposition était applicable au client consommateur (le Code de droit économique en son article 1.1.,2° définit le client consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale »), alors que telle autre disposition s’appliquait au client non- consommateur. Notez ceci : Quand un service est rendu à un client pour partie à titre privé et pour partie à titre professionnel, le client n’est pas un consommateur pour l'ensemble de la prestation.

La Commission des clauses abusives a jugé qu'un document comportant des clauses applicables aux clients consommateurs et aux clients non-consommateurs n’était pas clair. Le client consommateur risquait, semble-t-il, de ne pas comprendre quelle clause s’appliquait à lui. De ce fait, l’ensemble des conditions générales aurait pu être critiqué.

Il en résulte que le texte des conditions générales en annexe n’est recommandé aux avocats que lorsque leur client est un consommateur.

Les dispositions légales en matière de clauses abusives sont protectrices des intérêts des seuls consommateurs et ne peuvent être revendiquées par un client non-consommateur. Le conseil d’administration d’AVOCATS.BE estime que les avocats ne sont pas tenus d’adopter à l’égard de l’ensemble de leur clientèle (c’est-à-dire également les clients non-consommateurs) des clauses contractuelles prévues spécifiquement pour les clients consommateurs. Cela alourdirait leurs obligations à l’égard des clients non-consommateurs. Cela étant, chaque avocat est bien entendu libre d’adopter les conditions générales « consommateurs » à l’égard de l’ensemble de ses clients, si tel est son choix.

De même, aucun avocat n’est tenu d’adopter des conditions générales. L’avocat peut décider de ne pas en adopter ou de n’adopter qu’une partie des conditions générales qui figurent en annexe. En ce cas, c’est le droit commun qui s’applique.

Toutefois, certaines informations résultent d’obligations légales à l’égard de tous les clients (ce sont les obligations qui découlent du livre III du Code de droit économique -articles 3.74 à 3.79-). Pour bien identifier ce qui constitue l’information minimale obligatoire à l’égard des clients, AVOCATS.BE vous propose un document distinct dans lequel sont regroupées ces informations minimales obligatoires à l’égard de tous les clients.

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Abordons à présent les remarques article par article qui ont été faites par la Commission consultative spéciale des clauses abusives.

Article 1 : objet du contrat

La Commission des clauses abusives aurait voulu que dans cet article, l’avocat indique l’objet précis de sa mission « et la manière dont il va l’exécuter ». Il a été répondu par AVOCATS.BE que des conditions générales n’ont pas pour objectif d’indiquer l’objet particulier du contrat. Cela peut figurer dans un document distinct conditions particulières, lettres de mission ou tout autre document de ce type.

L’attention des avocats est toutefois attirée sur cette remarque de la Commission des clauses abusives. Il est prudent à l’égard d’un client consommateur (mais également à l’égard de tout autre client) d’indiquer l’objet précis de la mission et quelles sont les principales diligences que l’avocat se propose de faire pour accomplir celle-ci.

Le respect de cette exigence d’information du client peut se faire par mail, par lettre ou tout autre mode de communication analogue. L’important est de se réserver la preuve écrite de ce qui a été convenu au début de la relation contractuelle entre le client et l’avocat.

La Commission des clauses abusives recommande que le client soit en possession d’un seul document « afin que le consommateur ait une idée claire de la mission et des conditions dans lesquelles la mission est remplie ». L’avocat appréciera s’il souhaite communiquer dans un seul document les informations légales obligatoires découlant du Livre III du Code de droit économique, la description de sa mission précise et enfin les conditions générales qui s’appliquent à l’exécution de sa mission.

AVOCATS.BE rappelle toutefois à l’attention des avocats que les documents prescrits par des dispositions légales (comme le Livre III du Code de droit économique) sont susceptibles d’être contrôlés par des fonctionnaires du SPF Economie et qu’il ne se conçoit pas que des tiers accèdent à l’information confidentielle que constitue la description de la mission précise de l’avocat ainsi que les diligences que l’avocat va accomplir pour remplir celle-ci. Le client de l’avocat a droit à un strict respect du secret professionnel et par conséquent AVOCATS.BE ne s'associe pas à cette recommandation de la Commission des clauses abusives de voir rassembler dans un seul document l’ensemble des informations fournies au client au début de la mission de l’avocat, en ce compris la description précise de la mission de l'avocat.

Article 2 : début de la mission

AVOCATS.BE a pu faire accepter par la Commission des clauses abusives le fait que dans de nombreux cas, l’avocat est consulté par un client consommateur à la toute dernière minute, c’est-à-dire avant que le consentement exprès du client ait pu être obtenu au sujet des conditions de l’intervention de l’avocat. L’article 2 des Conditions générales a donc été quelque peu modifié pour satisfaire aux exigences de la Commission des clauses abusives, mais l’objectif de cet article est heureusement maintenu.

Article 3 : Echange d’informations au début et en cours de dossier

Ici encore, l’essentiel de la portée de cet article est maintenu. C’est le client qui a l’obligation d’informer de manière complète son conseil et cette obligation d’information se poursuit en cours d’exécution de la mission d’avocat. Les modifications qui ont dû être apportées à cet article 3 résultent de l’exigence de la Commission des clauses abusives de donner davantage un caractère bilatéral à cette obligation d’information. L’avocat a une obligation d’information à l’égard de son client. AVOCATS.BE rappelle aux avocats qu’il est prudent de se réserver des preuves écrites, dans la mesure du possible, des informations données par l’avocat à son client.

Article 4 : confidentialité

Cet article n’a pas dû être amendé à la suite de l'analyse de la Commission des clauses abusives. Article 5 : recours à des tiers

Ici encore, l’essentiel de ce qui était stipulé dans le texte d’origine a pu être maintenu. AVOCATS.BE a ajouté, à la demande de la Commission des Clauses abusives, un alinéa qui dispose que le client est informé de ce que l’avocat en charge de son dossier est susceptible de partager le travail avec les associés ou collaborateurs, mais toujours sous la responsabilité de l’avocat qui a été consulté par les clients.

Article 6 : honoraires et frais

Cet article est sans doute celui qui a subi la modification la plus importante, en raison des suggestions émanant de la Commission des clauses abusives.

L'aide juridique légale

Chacun sait que l’avocat doit informer le client de ses droits à l’aide juridique gratuite, lorsque le client est dans les conditions pour en bénéficier. Le texte initial prévoyait que le client reconnaissait avoir reçu cette information de son avocat et qu’il avait renoncé à bénéficier à l’aide juridique légale, en sorte qu’il acceptait de rémunérer son avocat.

Les discussions entre AVOCATS.BE et la Commission des clauses abusives ont été nourries sur ce point. En définitive, AVOCATS.BE a accepté de retirer cette présomption d’information (qui aurait pu être qualifiée de clause abusive, selon la Commission en question) et de fournir une information spécifique dans un document distinct. Vous trouverez en annexe une fiche d’information en matière d’aide juridique légale comportant la renonciation expresse du client à bénéficier de l’aide juridictionnelle légale.

Est-il besoin de rappeler que les seuils d’éligibilité à l’aide juridictionnelle légale sont indexés chaque année à la date du 1er septembre ? Les montants de revenus qui figurent donc dans le document en annexe sont applicables en juin 2019, mais sont susceptibles d’être modifiés à partir de septembre 2019 pour toute l’année judiciaire à venir et ainsi de suite chaque année.

L’importance de cette annexe est soulignée à l’attention des avocats dont les clients sont susceptibles de bénéficier de l’aide juridictionnelle légale. Il est recommandé d’utiliser ces documents chaque fois que le client renonce au bénéfice de l’aide juridictionnelle légale (même si l'avocat n'utilise pas de conditions générales). Ce document, signé par le client de l’avocat évitera à ce dernier bien des déboires. Signalons à toutes fins qu'il a malheureusement déjà été constaté que des clients en fin de dossier contestent avoir reçu l’information relative à l’aide juridique légale et de ce fait ils contestent avoir renoncé à celle-ci, avec la conséquence que l’avocat se voit contraint de rembourser les provisions et honoraires reçus. Le document en annexe permet d’éviter ce genre de mésaventure.

Justification des demandes de provisions

Pour le surplus, l’article 6 des conditions générales a subi plusieurs adaptations pour satisfaire les recommandations de la Commission des clauses abusives. Il s’agit essentiellement de l’information à donner au client au niveau de la justification des demandes de provision successives en cours de dossier, par rapport aux prestations accomplies ou à accomplir (art. 6.2. des conditions générales).

Article 7 : tiers payant

Les quelques modifications suggérées par la Commission des clauses abusives n’appellent pas de commentaires.

Article 8 : exceptions d’inexécution

Deux modifications suggérées par la Commission des clauses abusives doivent être soulignées à l’attention des avocats :

  • tout d’abord l’exigence d’une mise en demeure préalable avant que l’avocat ne suspende ou n'interrompe son intervention ;
  • ensuite, la Commission des clauses abusives a très fortement suggéré l’insertion d’un alinéa précisant que l’avocat ne suspend pas son intervention lorsqu’un délai pour exercer une voie de recours court. Il s’agit d’une règle déontologique, mais la Commission des clauses abusives a voulu voir insérer cette précision dans les conditions générales, chaque fois que l’avocat entend se réserver de mettre fin à son intervention s’il n’est pas payé ou s’il ne reçoit pas les informations nécessaires à la poursuite du dossier.

Article 9 : prélèvement des honoraires sur fond de tiers

L’ajout d’un alinéa 9.3. à la demande de la Commission des clauses abusives n’appelle pas de commentaire particulier.

Article 10 : prévention du blanchiment

Cet article avait été rédigé en 2016 par la cellule de contrôle de blanchiment de l’OBFG.

La Commission des clauses abusives a estimé devoir faire des commentaires sur « l’exigence de transparence » concernant les informations des avocats relatives à leurs obligations légales. La modification demandée par la cellule concerne principalement une information du client de l’avocat au sujet du champ d’application de la loi en matière de prévention du blanchiment.

Article 11 : limitation de responsabilité

L’objectif de cette disposition est de limiter la responsabilité financière de l’avocat à la couverture d’assurance de responsabilité civile professionnelle dont il bénéficie.

Faute lourde

La Commission des clauses abusives a demandé qu’il soit précisé que cette limitation ne s’applique pas en cas de faute lourde de l’avocat ou de dol de celui-ci. Cela a été ajouté. La dangerosité de cet ajout doit être soulignée : Quand une faute professionnelle qu’elle est lourde ?

Quels risques couverts ? Quelles exclusions de la couverture d'assurance ?

S’agissant de la limitation de responsabilité, la Commission des clauses abusives écrit que « si l’avocat limite sa responsabilité à son assurance de responsabilité professionnelle, les éléments essentiels de cette police d’assurance doivent être communiqués clairement au consommateur. C’est-à-dire : les risques assurés, le montant maximum de la réparation et les principales exceptions. L’avocat doit également signaler les risques et exceptions qui sont spécifiquement importants pour l’affaire à traiter. Les limitations de responsabilité telles qu’elles proviennent de l’assurance de responsabilité professionnelles doivent également être conformes aux dispositions en matière de clause abusive en particulier l’article VI, 83, 30° du CDE, ainsi que la norme générale inscrite à l’article I.8, 22° du CDE. (…) si l’avocat veut opposer au client des limitations qui en découlent, ce client doit pouvoir prendre préalablement connaissance de cette police et avoir son attention expressément attirée sur ce point ». Il avait été suggéré que les conditions générales de l’avocat renvoient via un hyperlien au site d'AVOCATS.BE sur lequel le texte intégral des conditions de l’assurance professionnelle des avocats pourrait être consulté. La Commission des clauses abusives estime que « un renvoi passif au lien du site d'AVOCATS.BE n’est pas suffisant, si le contrat est conclu par exemple au cabinet  de l’avocat ».

La Commission des clauses abusives écrit également que la responsabilité de l’avocat ne doit jamais dépendre de l’approbation d’un sinistre par l’assureur. C’est bien entendu exact. Si l’avocat engage sa responsabilité à l’occasion d’une activité qui est expressément exclue de la couverture d’assurance, l’avocat reste responsable à l’égard du client, alors même qu’il n’est pas assuré pour l’activité qui a donné lieu à la mise en cause de sa responsabilité.

Proportionnalité de la couverture d'assurance par rapport aux risques du dossier

Enfin, la Commission des clauses abusives souligne qu’une limitation de responsabilité doit être légitime (et donc proportionnelle conformément à l’article VI.83, 13° et 30° CDE). En d’autres termes, une limitation de responsabilité au plafond de couverture (2.500.000 € actuellement) alors que le dossier porte sur (par hypothèse), des dizaines de millions d’euros, pourrait être considérée comme abusive parce que non proportionnelle. L’attention des avocats est donc attirée sur la nécessité de solliciter des couvertures d’assurance complémentaires, chaque fois que le dossier porte sur des intérêts matériels dépassant largement le plafond d’intervention de l’assureur.

Article 12 : fin du contrat et archivage

La petite précision demandée par la Commission des clauses abusives n’appelle pas de commentaire particulier.

Article 13 : droit applicable et juridiction compétente

La Commission des clauses abusives estime inopportun de prévoir dans des conditions générales que le droit belge est d’application (!?). AVOCATS.BE maintient que pour un avocat établi en Belgique, il est tout à fait légitime de prévoir que le droit belge régira les relations avec son client, quel que soit le pays dans lequel ce client est établi.

S’agissant de la compétence territoriale, les conditions générales stipulent, conformément à la jurisprudence en la matière, que le juge du lieu d’établissement de l’avocat est le juge naturel des litiges éventuels puisque c’est le lieu d’exécution de la prestation de l’avocat. La Commission des clauses abusives y voit un risque d’atteinte à l’exigence d’un accès effectif à la justice pour le consommateur et donc le risque que cette clause attributive de compétence soit considérée comme abusive.

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Conclusion : du positif avec un bémol quand même

L’avis de la Commission des clauses abusives comporte un aspect positif : les conditions générales établies par AVOCATS.BE sont à présent conformes à toutes les exigences en matière de clauses abusives. Certes, en cas de litige, un juge n’est pas lié par l’avis de la Commission des clauses abusives, mais l’autorité dont bénéficient les avis de cette Commission est un fait.

Un bémol sans doute : les avis de la Commission des clauses abusives sont publics. Ils sont consultables sur le site internet du SPF Economie. Tous les tiers peuvent donc en prendre connaissance. L’avocat dont les conditions générales ne respecterait pas les recommandations de la Commission des clauses abusives s’exposerait au risque de voir ces clauses écartées par un tribunal.

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Maurice Krings
Ancien administrateur
 

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