Retrouvez dans cette rubrique l’expression, l’injure, le mot et la curiosité grâce auxquels vous pourrez tenter de paraître intelligent et cultivé en société !
L’expression : L’affaire est dans le sac[1]
Cette expression signifie donc que l’affaire doit ou va réussir.
Une courte analyse cette semaine, mais qui a le mérite d’être liée à notre profession.
Aux alentours du XVIIe siècle, à une époque où, au cours des procès, nombre de documents étaient écrits sur les rouleaux de papier (je reviendrai sur les expressions être au bout du rouleau, avoir plus d’un tour dans son sac ou vider son sac), les avocats et magistrats transportaient ces pièces dans des sacs et non pas dans des attachés-cases[2].
Une première explication de l’apparition de notre métaphore vient des avocats.
A la fin du procès, l’avocat certain d’avoir bien défendu son client rangeait ses documents dans son sac en attendant le verdict, en pensant que l’affaire était dans le sac, puisqu’il n’aurait plus besoin de les ressortir.
La seconde explication vient tout simplement de l’archivage : toutes les pièces du procès étaient également rangées dans un ou plusieurs sacs pour être archivées. A partir de ce moment, l’affaire (terminée) était « dans le sac ».
L’insulte : Polacre
Minable. Le mot vient de « pol », qui désignait une mare, et par extension tout « ce qui venait de la tourbe » au sens propre comme au sens figuré. Le mot servait, par exemple, à exprimer l’idée de corruption.
D’autres vous diront avec raison qu’il s’agit d’un ancien voilier méditerranéen, généralement à voiles carrées, dont certains étaient gréés en chébec, tandis que d’autres portaient des voiles auriques. Ou qu’il s’agit d’une voile latine gréée à l’avant du bâtiment, et qui tient lieu de trinquette sans draille. C’est vrai, mais c’est moins drôle.
Le mot : Sac, n.m. Agric.
Quantité de marc qui reste après un pressurage de vin ou de cidre.
La curiosité : La famille Œuvre, officine, opéra et usine
Apparu en français durant la première moitié du XIIe siècle, le nom œuvre signifie alors « objet créé par l’activité humaine » ; dans les décennies qui suivront, il prendra entre autres sens celui de « production artistique ou littéraire ».
Le nom opéra est un mot italien qui signifie « œuvre » et qui est attesté comme terme de musique depuis 1639. Il arrive en France en 1659 avec la première signification de « chose excellente » puis, en 1669, il désigne l’art musical chanté.
Le nom de l’officine est très ancien ; il apparaît aux environs de 1170 avec le sens de « dépendances ». Bien plus tard, en 1532, il signifiera « atelier », puis en 1812 « boutique de pharmacien, de droguiste ou d’herboriste ».
L’histoire du nom usine est intéressante. Le latin médiéval connaissait le nom usina, attesté en 922 en Franche-Comté, qui désignait un moulin. Au XIIIe siècle, on rencontre dans le nord de la France le nom occhevine, « bâtiment destiné à l’exercice d’une activité artisanale », mais ce nom est surtout attesté sous les formes picardes oechine, oeuchine et euchine. En 1274, c’est la forme uisine qui est attestée. Enfin, en 1749, le mot usine que nous connaissons est présent dans les textes. Avec la révolution industrielle, usine, à l’origine mot dialectal du Nord et de l’Est, se répandra dans toute la France.
Or il se trouve qu’officine et usine sont frères, puisque officine a été emprunté au latin officina, « atelier, fabrique » et qu’usine vient d’officina par le latin vulgaire.
Cela étant, ces quatre noms ont un ancêtre commun : il s’agit du nom opus, « ouvrage, acte, travail ». Œuvre provient de la forme latine opera, qui est le pluriel du nom opus ; officina, qui a donné officine et usine, est dérivé du nom latin opifex, « ouvrier, artisan », lui aussi dérivé de opus, et opéra représente l’italien opera, descendant direct du mot latin opera, pluriel de opus. On peut donc donner des opéras dans des usines, cela n’aurait rien de scandaleux !
Jean-Joris Schmidt,
Ancien administrateur
[1]Si tu réussis à leur parler de principes avec le ton que tu viens d’avoir, n’importe quelle affaire est dans le sac. — (Jean Giono, Le hussard sur le toit, 1951, réédition Folio Plus, page 269)
[2] Ces sacs étant fermés par des cordes, certaines personnes malicieuses ont appelé les avocats véreux des hommes de sac et de corde, expression qui désigne normalement des personnes condamnables ou des truands.