« Vous devriez écrire un livre, maître » … Si j’ai très souvent entendu cette suggestion, je n’ai jamais eu l’intention de le faire. Qui suis-je pour consacrer à mon parcours de vie un livre ? Je trouvais l’idée aussi prétentieuse que déplacée. Il y a tant d’existences infiniment plus remarquables que la mienne qui mériteraient d’être relatées ».
La réponse à cette interrogation fondamentale doit certainement être trouvée dans la liste des personnes que l’on croise au détour des pages de cette biographie. Il y a des criminels fameux : Marcel Habran, Geneviève Lhermitte, Richard Remes, Albert la Scoumoune, l’Araignée ou le bel Helmut, … Et puis, et peut-être surtout, des grandes figures du sport : Constant et Roger Vanden Stock, Albert Roosens, Eddy Merckx, Paul Van Himst, Gilles De Bilde, Raymond Goethals, Bernard Tapie ou Björn Borg.
Et tout cela fait des histoires, dont nous avons tous entendu parler et que nous avons plaisir à redécouvrir, par un autre bout de la lorgnette.
Ce n’est guère Daniel (« Dany ») Spreutels qui parle. C’est Denis Goeman, ancien porte-parole du parquet de Bruxelles, mais surtout ancien collaborateur du maître, qui est à la plume et qui raconte, avec, il faut bien le dire, une certaine complaisance. On n’est quand même pas loin du panégyrique.
Les interventions de Daniel Spreutels sont limitées à quelques discussions reproduites à la fin de certains chapitres. Nous y découvrons un homme sympathique, qui ne répugne pas à exposer ce que fut sa vie, sans cacher un certain don d’émerveillement. Quelle excitation il a dû ressentir quand il a été invité par le légendaire président de son club favori, le Sporting d’Anderlecht, à en devenir le conseil. Ou quand il dû défendre Albert Roosens dans le drame du Heysel ou intenter un procès à Michaël Schumacher, qui refusait d’honorer le contrat qui le liait à un manufacturier de casques belges !
Il raconte aussi son bonheur simple lorsque, à la demande de Stéphane Boonen qui souhaitait faire un cadeau à son prédécesseur, Michel Vlies, que l’on sait grand amateur de vélo, il demanda à Eddy Merckx de venir le lui remettre en personne.
C’est donc plus un livre people qu’un livre d’avocat. Mais ne boudons pas notre plaisir. On n’y rencontre d’ailleurs pas que des VIP ou des PEP. En parcourant l’histoire de ces « plus beaux procès », ce sont aussi des figures d’avocats que l’on retrouve. Celles de ceux qui ont croisé le parcours de Daniel Spreutels. Ils sont nombreux, de Xavier Magnée à Dimitri de Beco ou Laurent Kennes, de Paul Lombard à Éric Dupont-Moretti. Mais vous permettrez au liégeois que je suis de retenir d’abord l’évocation de Frédéric Leidgens, qu’il rencontra à Marseille, à l’occasion du Grand prix d’éloquence de la francophonie et avec lequel il plaidera pas moins de huit procès d’assises à Liège.
Lors de la proclamation des résultats, une partie de la salle se leva pour lui faire une standing ovation tant sa prestation avait été impressionnante et sans doute insuffisamment récompensée (Il avait été classé quatrième, juste derrière Daniel Spreutels, le prix étant remporté par Jean-Louis Renchon. C’est dire que la Belgique ne s’était pas mal comportée…). L’année suivante, il tenta à nouveau sa chance et l’emporta, cette fois sans la moindre discussion tant son talent avait éclaboussé les débats…
Quarante ans de petites histoires. Quarante ans de rencontres. Quarante ans de plaidoiries. Quarante ans de succès et de défaites. Une vraie vie d’avocat.
Pourtant, chaque matin connaît le même rite : repartir au combat pour gagner. Que de similitudes entre les deux domaines dans lesquels j’évolue : le barreau et le sport. L’avocat encensé par le succès d’une affaire n’a qu’une obligation, celle de se remettre en cause pour aborder le prochain défi avec efficacité…
Patrick Henry,
Ancien Président