Dans les coulisses du parlement belge - octobre 2022

La réduction du nombre de bâtiments de justice n’est pas une idée neuve. Depuis plusieurs années, les projets du gouvernement s’enchaînent. AVOCATS.BE a rendu plusieurs avis sur les modifications envisagées de l’article 186 du code judiciaire. La multiplication des possibilités de concentrer les litiges au sein de certains tribunaux ne convainc pas AVOCATS.BE qui estime que ces projets portent une atteinte grave à l’accès à la justice, aux garanties du procès équitable, à la protection de l’environnement (par une mobilité raisonnée) ainsi qu’à la présence symbolique d’une justice efficiente à travers notamment ses lieux de justice.


I. Déclaration gouvernementale – diminution des bâtiments de justice

a. Texte

b. Développements

Dans son discours de politique générale prononcé le 11 octobre 2022 à la Chambre, le premier ministre Alexander De Croo a annoncé des mesures concernant la justice.

Extrait : « Si la menace évolue, la police et la justice doivent s'adapter.

Dans cette optique, le gouvernement lance une nouvelle trajectoire de réforme.

Pour que les moyens supplémentaires injectés soient encore plus rentables, qu’ils améliorent la protection du citoyen et le service.

Je ne prendrai qu’un exemple : notre pays compte 225 bâtiments judiciaires, les Pays-Bas en compte 25, soit 200 de moins ! Si nous voulons que les nouveaux investissements soient rentables, nous devons oser rationaliser.

(…) Ce gouvernement va continuer à miser sur ce volontarisme, mais les fusions doivent être plus nombreuses.

Selon des normes et des critères objectifs, avec les incitants nécessaires.

C'est un processus qui doit se poursuivre dans les années à venir, au-delà même de cette législature.
Nous ne voulons pas imposer d’en haut des économies d'échelle et une spécialisation.

(…)  Ainsi, étape par étape, le gouvernement, en collaboration avec le pouvoir judiciaire, veut parvenir à une rationalisation des 27 sous-divisions ; une concentration des personnes et des ressources dans 14 divisions.

Pour rendre cela possible, le gouvernement réformera l'article 186 du Code judiciaire.

Et la police judiciaire fédérale sera également centralisée au sein de ces 14 divisions.

Mais comme nous l'avons dit, nous ne mettrons pas en œuvre cette mise à l'échelle aveuglément.

La police et la justice doivent toujours être proches et disponibles.

Contacté par un journaliste de la Libre (cf. supra), le cabinet du ministre de la Justice a donné davantage d’explication : " (…) Nous n'avons pas d'objectif chiffré. Le but est de rationaliser de manière intelligente et faire en sorte que les lieux de justice actuellement inoccupés servent à d'autres fins tout en nous permettant, à nous ministère de la justice, de regrouper les acteurs de justice de façon pertinente au sein d'infrastructures communes. Comment ? Chaque cas est différent. Par exemple à Namur, la construction du nouveau palais de justice doit aboutir fin 2023. Nous verrons ce qu'il sera possible de concentrer sous ce même lieu. Autre exemple, dans le Hainaut, il y a six sous-divisions du tribunal du travail, mais deux des six bâtiments sont peu occupés. Par souci d'efficacité, il faut donc rassembler les forces vives dans les quatre bâtiments encore opérationnels. Ce qui sera fait des bâtiments vides n'est pas de notre ressort, c'est à la Régie des Bâtiments de décider. Mais si cela concerne la Justice, nous travaillerons ensemble."

A noter que, selon le ministre de la justice, les justices de paix et les tribunaux de police ne seront pas concernés par cette réforme.

A plusieurs reprises, AVOCATS.BE a rendu des avis très critiques sur des propositions de modification de l’article 186 du Code judiciaire en vue d’élargir les possibilités de règlements de répartition. Jusqu’à présent, ces propositions n’ont pas abouti. AVOCATS.BE continuera à défendre sa position.


II. Registre central pour les décisions de l’ordre judiciaire

a. Textes

  • Projet de loi visant la création du Registre central pour les décisions de l'ordre judiciaire et relative à la publication des jugements et modifiant la procédure d'assises relative à la récusation des jurés (nouvel intitulé) - texte adopté en séance plénière (DOC2754/011).
  • Carte blanche publiée dans le journal l’Echo.

b. Développements

Le projet de loi visant la création du Registre central pour les décisions de l'ordre judiciaire et relative à la publication des jugements et modifiant la procédure d'assises relative à la récusation des jurés (nouvel intitulé) a été adopté en séance plénière de la Chambre ce jeudi 6 octobre 2022.

Pour rappel, le point important qui restait en suspens concernait la possibilité pour les avocats d’exploiter le registre des décisions via l’intelligence artificielle.

Une carte blanche co-signée par Pierre Sculier et Peter Callens a été publiée dans le quotidien l’Echo du 5 octobre 2022 et dans le quotidien De Tijd (uniquement en ligne).

Lors de la séance plénière du 6 octobre 2022, Vanessa Matz (les Engagés), Sophie Rohonyi (Défi) et Nabil Boukili (PTB) ont à nouveau défendu avec conviction notre position (voir les discussions p. 44 à 52. du rapport de la séance plénière) et redéposé leurs amendements qui ont, malheureusement mais sans surprise, été rejetés par la majorité.

Le lendemain de l’adoption du texte, AVOCATS.BE a été invité par le cabinet du ministre à désigner son représentant pour le comité de gestion.

Olivier Haenecour, administrateur en charge de l’informatique, a été désigné comme représentant d’AVOCATS.BE au sein du comité de gestion. 


III. Recours contre l’immobilisation d’un véhicule  

a. Textes

  • Proposition de loi CD&V modifiant la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière en ce qui concerne l'institution d'une possibilité de recours contre l'immobilisation d'un véhicule (DOC 55 2750/001)
  • Avis d’AVOCATS.BE 

b. Développements

La commission de la mobilité, des entreprises publiques et des institutions fédérales a demandé l’avis d’AVOCATS.BE au sujet de la proposition de loi modifiant la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière en ce qui concerne l'institution d'une possibilité de recours contre l'immobilisation d'un véhicule. 

Actuellement, la loi sur la circulation routière ne prévoit pour le propriétaire aucune possibilité de recours auprès d’un juge contre une décision de refus de lever l’immobilisation de son véhicule. Dans un arrêt du 10 mars 2022, la Cour constitutionnelle a considéré que cette situation était contraire au principe constitutionnel d’égalité. La proposition de loi vise dès lors à créer la possibilité de former un recours contre le refus du ministère public de lever l’immobilisation du véhicule. 

L’avis, préparé par Bernard Ceulemans, ancien bâtonnier de Liège, salue la proposition de loi, sous réserve de quelques modifications et suggestions. A la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 10 mars 2022, une modification législative s’imposait immanquablement et la proposition de loi répond à cette attente. 

 

IV. Réforme du Code pénal, Livre I 

a. Textes

b. Développements

La commission « droit pénal » a rédigé un avis très fouillé au sujet de l’avant-projet de loi modifiant le Code pénal, I.

Rappelons qu’il ne s’agit pas du premier projet en la matière. Un comité de réforme du droit pénal composé notamment des Professeurs Vandermeersch et Joëlle Rozie avait rédigé un premier projet qui a été remanié par la suite, provoquant la démission des deux experts.

 

V. Dettes du consommateur 

a. Textes

  • Avant-projet de loi concernant l’insertion dans le Code de droit économique d’un nouveau livre relatif aux dettes des consommateurs (non disponible).
  • Avis d’AVOCATS.BE  

b. Développements

Les ministres Dermagne, Van Quickenborne et la secrétaire d’Etat De Bleeker ont préparé un avant-projet de loi concernant l’insertion dans le Code de droit économique d’un nouveau livre relatif aux dettes des consommateurs. 

L’avant-projet vise à déplacer dans le Code de droit économique la loi de 2002 sur le recouvrement amiable des dettes en prévoyant quelques aménagements. 

Le texte maintient fort heureusement l’exemption d’inscription préalable au SPF Economie pour les avocats (ainsi que pour les officiers ministériels ou mandataires de justice) pour ce qui concerne l’activité de recouvrement amiable de dettes.

Pour les avocats, seule existe l’obligation de préciser dans la mise en demeure la mention déjà prévue actuellement « « Cette lettre ne concerne PAS une assignation au tribunal ou une saisie. Il ne s’agit pas d’une procédure de recouvrement judiciaire ».

AVOCATS.BE regrette en revanche que les avocats soient soumis au contrôle de l’inspection économique. 

Certes, les avocats (à l’exception de ceux qui pratiquent l’aide juridique), en tant que prestataires de services, sont déjà soumis aux devoirs notamment d’information des articles III.73 et suivants du CDE, et à ce titre également aux inspecteurs et contrôleurs du SPF Economie chargés de veiller au respect de la loi. 

Toutefois, ce nouveau coup porté à l’indépendance de l’avocat et cette défiance par rapport à l’auto-régulation de la profession ne nous semble aucunement justifié.

L’avant-projet contient une série d’éléments positifs qui sont soulignés dans l’avis.

Quelques suggestions d’amélioration sont formulées. Ainsi, il est proposé d’inverser l’imputation des paiements.

Laurence Evrard, 
Responsable des actualités législatives

Crédit photo : Oakenchips, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

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Laurence
Evrard
Responsable des actualités législatives

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