Le discours de rentrée est un cadeau qu’offre le barreau à l’un des siens. Celui-ci reçoit ce qui nous fait le plus défaut dans nos pratiques quotidiennes, du temps pour lire, réfléchir et écrire. Durant un an et demi, voire deux cette année en raison du report de la rentrée de janvier à juin, l’orateur nourrit sa réflexion et livre finalement, à une assemblée composée des plus hauts magistrats, d’avocats du monde entier et de ses proches, le résultat de ce cheminement. Il peut être éloquent mais le talent ne rivalise jamais avec le travail.
Sous le titre « les Talibans », Guillaume Lys a choisi de nous entretenir des régimes autoritaires, de leur arrivée au pouvoir, notamment par l’usage des médias et des données personnelles abandonnées volontairement par les citoyens sur internet, des formes concrètes de la dictature mise en place et de ses conséquences pour les minorités visées initialement, avant que celles-ci n’impactent l’ensemble de la société.
Au-delà du constat, l’orateur a proposé deux pistes de solution, destinées au monde juridique, à savoir, d’une part, le développement d’un ordre juridique international véritable par la création de juridictions internationales fonctionnelles et, d’autre part, la réaffirmation du principe d’égalité afin d’éviter que la déception des laissés-pour-compte ne nourrisse les discours des extrêmes.
Dans sa réplique, Céline Wiard, présidente de la Conférence du Jeune barreau de Bruxelles a salué, à juste titre et en premier lieu, les qualités oratoires de son prédécesseur. Mais selon elle, un bon interprète ne constitue pas nécessairement un compositeur de premier plan. Tout au long de son intervention, de manière chirurgicale et sévère, la présidente a relevé, nous citons, les absences de nuances, les amalgames et approximations, le manichéisme, les contradictions, les raccourcis et le simplisme du propos de l’orateur. Des développements d’ordre juridique documentées, absents de celui-ci, ont terminé de convaincre l’auditoire.
Les conclusions appartiennent au bâtonnier : celui-ci s’est appuyé, avec prudence, sur le thème du discours pour évoquer la place du barreau dans notre environnement juridictionnel, la situation préoccupante de la justice en Pologne, mais aussi la force du barreau belge qui résulte notamment de ses pouvoirs d’auto-régulation consacrés par le Code judiciaire. L’avocat doit être un acteur responsable, à l’écoute des cris de ceux qui souffrent et le principe d’humanité doit être son socle d’éthique. Personne davantage que notre bâtonnier ne pouvait incarner ce message fort.
Le bâtonnier de Rivne, en Ukraine, a ensuite pris la parole pour décrire la situation vécue par les avocats à la suite de l’agression russe, tout comme le bâtonnier de Cracovie, en Pologne, qui a confirmé les menaces actuelles contre l’état de droit constatées dans son pays. Ceux-ci ont salué les efforts accomplis par le barreau de Bruxelles afin d’acheminer, ces dernières semaines, une cargaison humanitaire en Ukraine.
Même si la salle des audiences solennelles de la Cour d’appel aurait pu accueillir davantage de spectateurs, chacun s’est félicité, à l’issue de cette longue séance, de pouvoir enfin renouer avec cette tradition qui nous avait tant manqué depuis deux ans et demi.
Antoine LEROY,
Avocat au barreau de Bruxelles