"On m’a parfois chargé de missions absurdes, que j’ai acceptées sans enthousiasme. Je ne suis plus fonctionnaire. Lorsque la fin du mois est loin, comme tout le monde, je fais des compromis. Les principes ? Vous me connaissez. J’y suis farouchement attaché. Je veille à ce que les causes que l’on me propose ne heurtent pas mes convictions. Quand c’est le cas, je me sens mal. Je ferme les yeux, je respire un bon coup. Mais mon estomac qui crie famine a toujours le dernier mot. Je reporte au moment où je serai devenu un détective célèbre, à la tête d’une redoutable équipe d’enquêteurs, la satisfaction de pouvoir dire non à un client et de repousser son dossier d’une mine dégoutée."
Allons Michel, un peu de déontologie, que diable ! Où est ton sens de la juste cause ?
D’autant que celle-ci ne semble pas si inacceptable. Traquer de mystérieux fantômes qui terrorisent le château qu’un étrange commerçant, ayant fait fortune dans l’import-export pendant la guerre alors qu’il s’était exilé au Canada, est venu racheter après qu’il eut été confisqué à son rexiste de propriétaire, cela ne serait-il pas une cause noble ?
Voici donc notre cher détective parti dans le fin fond du Hainaut pour se muer en chasseur de spectres. Quelle imprudence ! Un fantôme en mouvement, c’est plus difficile à saisir qu’une gueuze framboise à l’arrêt.
Et tandis que ses adversaires ont tôt fait de vider le sinistre manoir de ses occupants, l’enquête fait surgir d’autres ectoplasmes. Il y en a des souvenirs cachés, des silences complices, dans ces villages ruraux du début des années 50. Il est certains secrets qu’il est dangereux d’exhumer.
Alain Berenboom a l’art d’inscrire ses récits, fantaisistes ou fantastiques, dans l’histoire réelle. L’autre bout de la lorgnette met toujours en lumière des dessous plus ou moins oubliés. Et pas toujours nets.
Toujours est-il que Van Loo disparaît subitement. A tel point qu’à partir de la moitié de l’ouvrage, c’est son éternelle fiancée, la délicieuse Anne qui, avec le concours des complices de toujours, le pharmacien Hubert, le coiffeur Federico et les frères syndicalistes Motta, reprend le rôle de narrateur.
Anne retrouvera-t-elle son amoureux ? Je ne vais pas vous raconter la fin tout de même !
Mais permettez-moi de lever un coin du voile. A mesure que l’ouvrage plongeait dans le surréalisme, je me suis demandé si je ne lisais pas la dernière enquête de Michel Van Loo. Est-ce son personnage fétiche qu’Alain Berenboom aurait fait disparaitre ?
"Je ne vous dis pas mon état quand j’ai vu mon corps s’effacer peu à peu sous mes yeux. Sans aucun moyen pour le rattraper !"
A suivre, donc. Ou pas …
Patrick Henry,
Ancien Président