Chaque année à cette époque j’ai le sentiment de revivre. Je me réjouis d’à nouveau me lever alors que le jour commence à poindre et que les oiseaux, même en pleine ville où j’habite, poussent leurs premiers gazouillis.
Ranger gants et écharpes et enfiler une veste plus légère, sentir le soleil sur ma peau, ressortir casquette ou lunettes fumées pour voir devant moi lorsque j’enfourche mon vélo, … tout cela me procure de petites joies.
Ce n’est pas du luxe en ces temps troublés et, pour préserver ces effets anxiolytiques du printemps, j’en viendrais presque à me prescrire une cure d’abstinence de consultation des médias dont l’écoute, la vision ou la lecture peut être fort anxiogène.
Prenons seulement deux exemples.
Les conflits armés se multiplient et s’étendent, certains à nos portes, au point que l’Union européenne recommande de constituer des « kits de survie ». Le temps n’est plus loin où, à l’instar de nos (arrière-)grands-parents, nous ferons des provisions de farine, café et autre papier de toilette (souvenez-vous des premiers temps du confinement).
Quant au nouveau président des États-Unis d’Amérique, il prend chaque jour des décrets attentatoires à l’état de droit, allant même jusqu’à s’attaquer aux plus puissants des cabinets d’avocats d’outre-Atlantique au motif notamment qu’ils ont assisté ses adversaires politiques ou que, dans leur activité pro bono,ils s’opposent à certains de ses décrets, en matière d’immigration par exemple, pourtant totalement contraires aux droits fondamentaux. Au train où vont les choses, des articles de la rubrique « avocat en danger » de notre Tribune devront bientôt être consacrés à des confrères américains.
Comme dirait l’autre, « le monde tourne carré » !
Mais le site de Libérationcomporte une rubrique dont je me permets de vous recommander la lecture et qui est intitulée « Ça va mieux en le lisant ». J’y ai découvert l’interview d’Elise Rousseau, naturaliste et co-auteure, avec Philippe J. Dubois, ornithologue, d’un ouvrage intitulé « Ornithérapie » [1] dont les paroles suivantes m’ont impressionné : « Un merle a l’air pleinement satisfait d’être un merle. Il est dans son temps présent, dans ses petites activités. Il faut trouver un vermisseau dans l’herbe, lisser son plumage. Prenez aussi les moineaux qui prennent des bains de poussière, ils ont l’air heureux d’être là, d’être eux-mêmes. Dans toute philosophie, on en revient toujours à ça : comment s’extraire des ruminations du passé et de l’anxiété du futur. Mon prof de philo disait que le bonheur, c’est d’être bien là où on est, sans vouloir être ailleurs. Un oiseau content nous remémore ça . … Nous nous posons toujours comme Homo sapiens qui serait au-dessus des autres animaux, mais ces derniers sont en fait bien plus sages que nous. »
À méditer, et la lecture d’un quotidien peut, elle aussi, être anxiolytique finalement !
[1] Ed. Albin Michel, 272 p., 18,00 euros.