La qualité du compte de qualité…

A chaque livraison de la Tribune, nous tenterons de vous rappeler certains principes de déontologie par des exemples pratiques.

Il ne s’agira pas de faire le tour du sujet mais de porter à votre attention un point particulier de nos règles.

Aujourd’hui, un compte de tiers peut-il perdre ses avantages ?

1. Le cas

La fin d’année approche il est temps de faire le bilan de l’année écoulée.

Ainsi, les avocats commencent à vérifier si leur chiffre d’affaires a été bon, correct ou mauvais.

Pour certains d’entre nous, heureusement, l’année a été profitable.

Cependant, sport national oblige, ils ne souhaitent pas devoir payer trop d’impôts.

L’idée a donc germé dans ces esprits retors de placer une partie des sommes encaissées sur le compte de tiers de manière à les faire échapper au calcul de l’impôt sur les revenus 2022 pour les reporter dès le premier janvier sur les revenus 2023.

Mauvaise idée !

Non seulement, ce mécanisme est interdit mais en outre nous allons voir qu’il aura des conséquences sur la protection conférée au compte de tiers.

 

2. Les éléments de réponse

Notre Code de déontologie précise que « L’avocat est titulaire d’un ou plusieurs comptes de qualité ouvert à son nom ou à celui de sa structure d’exercice au sens de l’article 4.17, § 1er, exclusivement destiné au maniement de fonds de clients ou de tiers. » (art. 4.72, § 1)

Il existe deux sortes de compte de qualité. Il peut s’agir :

  • soit d’un compte de tiers, qui est un compte global, « un compte, tel que visé par l’article 4446quater du Code judiciaire, ouvert auprès d’une institution financière agréée, dont le titulaire est un ou plusieurs avocats, sur lequel des fonds appartenant à des clients ou des tiers sont perçus ou gérés » (art. 4.71, §1, du Code de déontologie de l’avocat)
  • soit d’un compte rubriqué, qui est un compte individualisé, « un compte de tiers ouvert dans un dossier spécifique ou pour un certain client, tel que visé par l’article 446quater § 2 du Code judiciaire » (art. 4.71, §1, du Code de déontologie de l’avocat).

Pour être clair et éviter toute méprise, les comptes rubriqués évoqués ici ne sont pas ceux qui sont ouverts notamment par les curateurs de faillite.

Mais revenons à ces comptes de tiers.

L’article 446 quater du Code Judiciaire et l’article 3.37 du code civil confirment que ces comptes sont distincts des comptes propres de l’avocat et ne font donc pas partie du gage commun des créanciers de celui-ci.

Mais dans le cas où l’avocat méconnait la destination de son compte de tiers, et ne respecte pas les dispositions légales relatives à son utilisation, son compte de tiers perd sa qualité et devient un compte normal et par là, saisissable.

Vous pouvez imaginer les conséquences si des sommes de tiers venaient à être saisies.

Vous lirez donc avec attention les articles 4.71 et suivants du code de déontologie qui précisent les modalités d’utilisation de ces comptes.

Par exemple, il peut arriver que vous décidiez d’ouvrir un autre compte de tiers que celui que vous utilisez habituellement.

Et bien, n’oubliez pas que le compte ne sera pas protégé s’il n’était pas communiqué au Bâtonnier. (art. 4.72, §3 du code de déontologie)

Il va sans dire que du point de vue déontologique, et sans tenir compte de l’aspect civil ou pénal de conséquences de tout manquement des obligations à l’égard du compte de tiers, la situation est très claire depuis longtemps : une « rigueur absolue » de l’avocat, est exigée par le devoir de probité, pilier de la profession. (P. LAMBERT, Règles et usages de la profession d’avocat du barreau de Bruxelles, éd. Jeune barreau, 1980, p. 281.). 

Toute méconnaissance des règles prescrites pour manier les comptes de tiers, pourrait mettre en péril aussi bien la réputation de l’Ordre auquel l’avocat appartient que son honneur personnel. L’avocat doit être loyal et ne doit poser aucun acte susceptible de rompre la confiance établie dans sa relation avec son client. Ce devoir de probité impose également à l’avocat de « scrupuleusement veiller à ne pas confondre son patrimoine et les fonds des tiers » lors du maniement de fonds. (A. BRAUN et F. MOREAU, La profession d’avocat, Bruylant, 1985, no 650.)

Enfin, n’oubliez pas que des contrôles des comptes de tiers sont prévus et qu’il vous incombe d’adresser à votre Ordre le rapport prévu à l’article 4.78 bis du code de déontologie pour le 28 février 2023.

Sur ce, bonne année quand même ! 

Jean-Noël BASTENIERE
Avocat au barreau du Brabant Wallon
Membre de la commission déontologie

A propos de l'auteur

Jean-Noël
Bastenière
Avocat au barreau de Brabant wallon

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