Etes-vous dans votre assiette ?

Après cette période de fêtes et de festins pour certains, retrouvez dans cette rubrique l’expression, l’injure, le mot et la curiosité grâce auxquels vous pourrez tenter de paraître intelligent et cultivé en société !

L’expression : Ne pas être dans son assiette

D’aucuns penseront que cette expression apparemment culinaire vient du fait que l’on s’intéresse peu à ce qu’il y a dans son assiette ou que l’on perd son appétit lorsque l’on ne se sent pas bien.

Mais Assiette vient du latin assedita, de adsedere, « asseoir ». L’idée d’assurer quelque chose en son séant induit au XIIIe siècle un sens figuré fiscal, la base de répartition des impôts. Définition de l’époque (1260) : « fait d’assigner une rente sur un fonds de terre ». C’est encore le cas aujourd’hui.

Parallèlement, le mot assiette renvoie aussi à la position géographique d’une ville et de là, à l’installation ferme de quelque chose.

L’« assiette » est néanmoins depuis 1580 chez Montaigne, la manière dont on est assis. On dit d’ailleurs d’un cavalier qu’il a “une bonne assiette”, quand il se tient bien sur son cheval.

Sortir de son assiette, manquer d’assiette passent alors au figuré : assiette exprime l’équilibre physique et moral d’une personne, son état d’esprit considéré comme normal. Du temps de Molière, on parle ainsi de l’assiette naturelle ou ordinaire de quelqu’un. Qui n’est pas dans son assiette se trouve en dehors de ce degré zéro de l’humeur. Au figuré, toujours chez Montaigne, on retrouve alors le sens de « état de l’esprit » ou de « façon d’être »1.

Du sens physique d’« être assis », on est passé au sens plus large d’ « être posé ». « Ne pas être dans son assiette » est donc « ne pas être dans son état normal », avoir le sentiment d’avoir perdu son équilibre, sa stabilité, ne pas être assis dans sa position habituelle.

Aucun lien donc avec l’assiette dans laquelle on mange.

Enfin presque, car le mot « assiette », toujours avec le sens de « position », a dès la fin du XIVe siècle aussi désigné la manière dont on disposait les convives à table, la façon dont on les invitait à s’asseoir. Par extension, le service posé à chaque place a également été appelé « assiette », avant que ce mot ne serve ensuite plus que pour le petit plat destiné à chacun, quand nos ancêtres ont cessé de se servir avec les mains dans un plat commun placé au centre de la table (la fourchette n’apparaîtra en France qu’au XIVe siècle, à la Cour ; elle sera progressivement utilisée chez les riches et ne se généralisera dans le peuple que beaucoup plus tard). 

Encore aujourd’hui, les marins vous confirmeront de même que l’assiette d’un navire est la position longitudinale du dit navire (c’est à dire la différence entre le tirant d’eau de l’arrière et le tirant d’eau de l’avant divisé par la longueur entre les perpendiculaires avant et arrière…bien entendu). Si l’assiette du navire est négative, c’est qu’il pique du nez et si elle est positive c’est qu’il a le cul bien bas. Il est donc normal que lorsqu’on a le mal de mer, on ne soit pas dans son assiette. Tout comme on parlera de l’assiette d’un avion. 

lls sont à table.
Ils ne mangent pas.
Ils ne sont pas dans leur assiette.
Et leur assiette se tient toute droite
Verticalement derrière leur tête.2 

L’injure : Ecornifleur

Le mot vient d’« écorner » qui désignait le fait de retirer les cornes des taureaux pour éviter qu’ils ne se blessent entre eux. Par extension, l’expression évoquait une personne qui se procurait ce dont elle avait besoin au détriment des autres. Le terme écorniflerie était, quant à lui, employé pour parler d’une escroquerie, d’une arnaque, ou d’une chose obtenue de manière illicite.

Le Trésor de la langue française précise qu’il s’agit d’une personne qui se procure à bon compte, par ruse, en volant, en parasitant, ce qui est nécessaire à son existence.

Le terme est attesté dès 1537 et dérive du radical « écornifler ». À savoir : « se procurer à bon compte, par ruse, en volant » ou encore, « manger sans payer ». Ce verbe est composé d’écorner, pris probablement au sens d’« amputer », précise le TLFI, et du moyen français nifler (« renifler ») peut-être influencé du moyen français rifler, « piller ».

Le mot : Papouille, n.f.

Nom donné à de petits navires qui font le cabotage entre l’Amazone et la Guyane.

La curiosité : La famille de « chèvre et crevette »

Qui eut cru qu’une chèvre et une crevette sont de la même famille ?

Le nom chèvre est attesté en 1119 et vient du latin capra, féminin de caper, « bouc ». Tout le monde sait ça. Mais chèvre eut un diminutif, chevrette, qui prit en normanno-picard la forme « crevette », attestée en 1532. Tout le monde sait ça. 

Mais pourquoi ce crustacé emblématique de notre Côte belge s’est-il vu attribuer ce nom de crevette

Les petits sauts de la crevette rappelant ceux de la chèvre, il sembla bien normal à nos ancêtres de l’appeler ainsi… tout simplement !

Jean-Joris Schmidt,
Administrateur

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1 Essais – Livre III, Chapitre 2 « Du Repentir », où « Etre dans sa naïve assiette » désigne un état idéal, dont on peut tout au plus s’approcher selon Michel Baraz, Le sentiment de l’unité cosmique chez Montaigne, in Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1962, vol.14, n°14, PP.211-224.

2 Jacques Prévert "La Cène", extrait de Paroles

A propos de l'auteur

Jean-Joris
Schmidt
Ancien administrateur

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