A chaque livraison de la Tribune, nous tenterons de vous rappeler certains principes de déontologie par des exemples pratiques.
Il ne s’agira pas de faire le tour du sujet mais de porter à votre attention un point particulier de nos règles.
Aujourd’hui, est-ce que des tiers non-avocats peuvent faire partie du capital d’un cabinet d’avocat ?
Fort des éléments repris dans les rubriques précédentes, vous décidez de créer une société destinée à abriter votre activité d’avocat.
Se pose la question du capital de cette société et donc de savoir si des tiers non-avocats, des parents dans le cas d’espèce, pourraient faire partie de ce capital.
La réponse se trouve aux articles 4.43 et suivants du Code de déontologie.
Oui, les personnes physiques reprises ci-dessous peuvent participer au capital d’une société d’avocats, en plus des avocats exerçant leur profession au sein de cette société.
Il s’agit :
- des avocats qui ont exercé leur activité en tant qu’associé de la société et qui ne l’exercent plus ;
- du conjoint ou du cohabitant légal d’un associé ;
- des ascendants d’un associé ;
- des descendants d’un associé ;
- des ayants-droits d’un associé décédé et
- des membres du personnel exerçant des fonctions administratives au sein de la société, tant qu’ils exercent ces fonctions et pour autant que la confidentialité des informations auxquelles ils ont accès soit garantie.
Attention, cette participation est conditionnée.
Ainsi, pour les catégories de personnes visées en 1 et 5, cette participation n’est toutefois permise que pour une période ne pouvant excéder 5 ans.
De plus, les conditions suivantes leur sont imposées :
- les personnes qui détiennent cette participation soit n’ont pas ou plus d’activité professionnelle, soit exercent une activité qui n’est pas visée par l’article 437, 1° et 2° du code judiciaire (incompatibilité avec la profession de magistrat effectif, de greffier, d’agent de l’Etat, de notaire et d’huissier) et qui ne met pas en péril la dignité du barreau ;
- l’ensemble de ces personnes ne détiennent globalement, ni la moitié ou plus du capital de la société et des parts de celle-ci ni la moitié ou plus des droits de vote au sein de celle-ci et ne disposent pas de droits contractuels ou statutaires aboutissant à un résultat équivalent ;
- les participations que ces personnes détiennent dans le capital de la société ne leur permettent pas, individuellement ou globalement, de s’opposer à des décisions soutenues par une majorité des votes exprimés par les avocats associés, sauf s’il s’agit de modifications au contrat de société ou aux statuts de la société qui affectent leurs droits en qualité de participant au capital de la société
- ces personnes ne font pas partie de l’organe de gestion de la société et ne coopèrent pas avec les avocats pratiquant au sein de la société, sauf pour y exercer des fonctions administratives.
De plus, les avocats membres d’une société d’avocats comportant des personnes extérieures à la profession qui participent à son capital veillent à ce que celles-ci n’aient aucun accès aux informations couvertes par le secret professionnel des avocats qui pratiquent au sein de la société et respectent la confidentialité des informations relatives à celle-ci dont ils ont connaissance.
Cette restriction ne s’applique toutefois pas aux membres du personnel administratif de la société qui participent à son capital, pour autant que ceux-ci se soient engagés envers les avocats associés à respecter le caractère confidentiel des informations couvertes par le secret professionnel auxquelles ils ont accès et que ces avocats veillent à ce que cet accès soit limité à ce qui est strictement
En tous les cas, les avocats associés de la société informent au préalable le bâtonnier de l’Ordre ou des Ordres auprès duquel ou desquels ils sont inscrits de la participation d’une personne non-avocat au capital de la société et des modalités de cette participation et lui fournissent toutes les informations nécessaires pour lui permettre de vérifier le respect des conditions auxquelles cette participation au capital est soumise.
Ils veillent également à ce que le bâtonnier soit informé sans délai de toute modification à cette participation et du retrait de cette personne de la société lorsque cette participation prend fin
Les sociétés ainsi constituées doivent prendre une forme visée par le code de déontologie à l’article 4.17.
Elles font l'objet d'une convention écrite qui, outre les conditions habituelles,
- précise les moyens mis en commun par chaque participant au capital de la société ;
- indique la quote-part de participation dans le capital et le résultat de chacun des associés et des détenteurs de capital et la méthode de détermination de cette quote-part ;
- prévoit l’obligation pour les non-avocats visés par ces articles de respecter les devoirs auxquels les avocats pratiquant au sein de la société sont tenus et à ne rien entreprendre qui pourrait mettre ce respect en péril ;
- reprend le texte précisant que les avocats membres d’une société d’avocats de ce type veillent à ce que les tiers n’aient aucun accès aux informations couvertes par le secret professionnel des avocats qui pratiquent au sein de la société et respectent la confidentialité des informations relatives à celle-ci;
- prévoit la responsabilité solidaire des avocats associés pour les conséquences résultant du non- respect par les associés non-avocats des obligations résultant du présent code ;
- stipule, que les associés non-avocats s’interdisent de procéder à l’examen ou à la révision des actes des avocats de la société ou d’éléments couverts par le secret professionnel auquel ces avocats sont tenus et
- prévoit l’arbitrage pour la résolution de tout litige du fait de la société.
Par ailleurs, en cas de litige entre la société ou un de ses avocats et une personne extérieure à la profession qui participe à son capital, les avocats concernés en informent le bâtonnier et veillent à recourir à la médiation ou à l’arbitrage.
Ensuite, les avocats associés s’abstiennent d’intervenir en qualité d’avocat pour les personnes extérieures à la profession qui participent au capital de celle-ci, ni pour les proches de ces personnes.
Enfin, le non-respect des obligations qui incombent aux personnes extérieures à la profession qui détiennent une participation dans le capital d’une société d’avocats peut entraîner l’interdiction par le conseil de l’Ordre aux avocats de cette société de maintenir leurs relations avec ces personnes. Le conseil de l’Ordre entend ces avocats avant de prendre sa décision.
Bref, comme vous le constatez, l’intervention de tiers est bien possible mais elle est extrêmement encadrée.
Jean-Noël BASTENIERE,
Administrateur