Dans les coulisses du parlement belge - juin 2024

La nouvelle liste des députés au parlement fédéral est connue. La composition de la nouvelle commission de la justice devrait l’être prochainement. La commission de la justice pourra entamer ses travaux sans attendre la formation du nouveau gouvernement et la désignation du nouveau ministre de la Justice.


1. OVB – analyse des programmes politiques sous l’angle de l’Etat de droit

L'OVB a analysé les programmes électoraux des sept partis politiques flamands (Vlaams Belang, Open VLD, PVDA, Vooruit, N-VA, Groen, CD&V) représentés au Parlement fédéral au cours de la dernière période de coalition sous l’angle de l’Etat de droit. 

L’analyse est disponible sur leur site

Voir aussi communiqué Belga du 31 mai 2024 :

Elections 2024 - Les programmes des partis flamands égratignent l'état de droit, à des degrés divers

Plusieurs programmes électoraux contiennent des propositions qui violent l'état de droit, conclut Advocaat.be après avoir analysé ceux des 7 partis flamands qui étaient représentés lors de la dernière législature au parlement fédéral. N-VA et Vlaams Belang sont les plus mauvais élèves, dans cette évaluation de l'organisation représentative des avocats flamands.

Le bulletin est cependant étonnant pour l'ensemble des 7 partis: aucun d'entre eux n'a un programme qui respecte à 100% l'Etat de droit, estiment les experts mandatés par l'organisation. Parmi ces experts: des professeurs d'université dont Patricia Popelier (UAntwerpen), ou encore le juge de! paix hon oraire Frederik Evers.  

De manière globale, les partis de gauche s'en tirent mieux que la droite. L'extrême droite (le Vlaams Belang) est, de loin, le moins bien noté. "Le parti veut par exemple annuler la reconnaissance du culte islamique", note le président d'Advocaat.be, Peter Callens. Hors de toute considération de faisabilité, "cette proposition est contraire à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme".  

D'autres propositions sont problématiques, comme le fait de considérer comme légitime défense la protection de biens, ou de mettre sur pause le respect des règles européennes en matière de climat. "On retrouve dans plusieurs programmes des propositions de ne pas respecter des traités européens. Mais si vous n'êtes pas d'accord avec un traité, vous devez contribuer à le changer. Vous ne pouvez pas simplement l'ignorer", rappelle Peter Callens.  

La N-VA ne sort pas non plus grandie de l'analyse. Le projet du parti d'instaurer un "appel populaire" ("volksberoep") ne passe pas. Ce système permettrait à un parlement de décider à la majorité des deux tiers de s'asseoir sur un arrêt de la Cour constitutionnelle. Un sérieux coup dans la Constitution et la séparation des pouvoirs, tranchent les spécialistes.  

Les autres partis s'en sortent mieux mais n'évitent pas les remarques. Aussi bien la N-VA que le CD&V et l'Open Vld sont partisans d'un élargissement d'un système des amendes "SAC" (sanctions administratives communales). Sanctionner via l'administration est un problème, estime les experts. Ces trois mêmes partis souhaitent davantage de caméras dans l'espace public, ce qui fait également tiquer le panel.  

Vooruit veut quant à lui restreindre la possibilité de recours dans des procédures civiles. Le PTB souhaite interdire toute mesure qui limite le droit de grève, un risque pour les droits fondamentaux des non-grévistes.  

Groen ne récolte aucun "feu rouge", mais bien un feu "orange", pour une proposition de disposition anti-abus dans la sécurité sociale. 

 

2. Rapport annuel 2023 de l’IFDH : fragilisation de l’État de droit

L'Institut fédéral des droits humains (IFDH) a publié le 23 mai son rapport annuel 2023 dans lequel il alerte sur la régression du respect de l’État de droit en Belgique.

Trois problématiques sont mises en évidence : l’affaiblissement croissant du pouvoir judiciaire, les menaces à l’encontre des défenseurs des droits humains et les faiblesses du droit à l’information.

Concernant le pouvoir judiciaire, le rapport pointe d’abord le manque de moyens humains et financiers de la justice qui « a non seulement un impact négatif sur sa capacité à recruter des magistrats et à consacrer un temps suffisant pour chaque affaire, mais qui nuit également à la confiance que le citoyen accorde à la justice » (p. 9).

En outre, le refus du gouvernement de publier des offres d’emploi de magistrats et de greffiers à moins d’y être contraint pose « de graves questions sur le fonctionnement indépendant de la justice et suscite l’inquiétude quant au respect de l’État de droit » (p. 9).

L’IFDH insiste également sur l’ampleur de l’arriéré judiciaire en Belgique. Selon le rapport, l’incapacité des autorités à résorber cet arriéré démontre leur manque d’intérêt pour une justice fonctionnelle et soulève une question au regard du droit à un procès équitable.

Selon l’institut, la violation la plus grave de l’État de droit en Belgique concerne la non-exécution des décisions de justice par les autorités belges (conditions d’accueil des demandeurs d’asile, surpopulation carcérale ou refus de paiement d’astreintes) : « Cette problématique constitue une véritable crise de l’État de droit : que vaut une décision de justice si elle ne peut pas être mise en œuvre ? » (Martien Schotsmans, directrice de l’IFDH).

Le rapport conclut que : « Cette érosion n’est pourtant pas une fatalité : elle n’est pas le résultat d’une stratégie concertée, mais plutôt celui de centaines de petites et grandes décisions prises par les autorités publiques belges qui, cumulées, conduisent à un affaiblissement durable de l’État de droit. Cette érosion de l’État de droit n’en est pas moins risquée pour les droits humains et la démocratie en Belgique. Si un gouvernement décide, sans conséquence, qu’il peut ignorer des décisions de justice en matière de conditions d’accueil des demandeurs d’asile, il normalise aussi de cette façon le fait de ne pas exécuter certaines décisions jugées contraires à ses intérêts politiques. Cette pratique ouvre la porte à un respect du pouvoir judiciaire à la carte, ce qui renverse la hiérarchie des normes et affaiblit la séparation des pouvoirs. Il est indispensable que les autorités prennent le respect de l’État de droit davantage au sérieux » (p. 16).

 

3. Mémorandum du Collège des Cours et Tribunaux pour le nouveau gouvernement fédéral

Le Collège des cours et tribunaux présente dans un mémorandum publié le 28 mai 2024 les mesures à prendre par le futur Gouvernement Fédéral pour assurer au citoyen une justice indépendante, accessible, efficace et rendue dans des délais raisonnables. 

Ces mesures et revendications concernent notamment la gestion autonome des tribunaux, la charge de travail des magistrats et des greffiers, la poursuite de la transformation digitale de la Justice, l’accompagnement du justiciable, une meilleure attractivité des métiers de la Justice ainsi que le renforcement de la bonne gestion des entités judiciaires. 

Pour mettre en œuvre ces revendications, le Collège estime, dans son mémorandum, que le prochain gouvernement devra injecter environ 100.000.000 € dans le budget des cours et tribunaux au bénéfice du justiciable et du personnel des juridictions.

 

4. Livre blanc du Ministère public

Le ministère public a publié le 29 mai 2024 son livre blanc « En route pour 2030 »

Le livre blanc présente les objectifs du ministère public, ainsi que les moyens nécessaires à leur réalisation. Il est précédé d’une série de considérations communes du ministère public, du Siège et de l’Entité Cassation, qui constituent les lignes directrices indispensables au maintien d’une justice de qualité. 

Laurence Evrard, 
Responsable des actualités législatives

Crédit photo : Oakenchips, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

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Laurence
Evrard
Responsable des actualités législatives

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