Compte-rendu de la Rentrée solennelle du Jeune Barreau de Verviers du 17 février 2024
Craignez, pauvres mortels, ceux qui ont assisté à la dernière Rentrée solennelle du Jeune Barreau de Verviers. Eux, en effet, sont désormais des initiés ; initiés aux secrets de vos failles, fragiles humains ! Et vous ne serez plus, face à leurs ruses et à leur verve, que de frêles pantins qu’ils dirigeront là où, suivant les augures de Gaston la Licorne, bon leur semblera !
Évidemment, tout le monde n’avait pas eu la chance d’y être invité. Plus rare que les anciennes assemblées de druides dans la forêt des Carnutes, puisque seulement bisannuelle, cette cérémonie verviétoise impose, comme à ces anciens mages, pour assister à ses mystères, de rejoindre les sources et pouhons, en toges noires, au fond de la forêt des Fagnes.
Beaucoup – comme jamais précédemment on en avait compté – avaient fait le voyage, pour boire ce que leur promettaient les sommités barbues qui présidaient à la réunion. Et on les comprend !
Bien sûr, d’abord, parce que la Rentrée et la Revue s’y sont taillées une belle réputation, simplement parce que ceux du Barreau de Verviers cherchent plus la convivialité vivifiante que les vaines gloires, raisons pour lesquelles – en toute modestie et humilité –, on y a la prétention de faire mieux, avec moins, on a le goût de faire autrement, mais ensemble, on a la liberté chevillée au corps, et l’indépendance dans les gènes, suivant les mots de la déclaration d’amour inaugurale de Maître Gauthier MULLER, Président du Jeune Barreau.
Ensuite, certainement, parce que l’Orateur, Maître Raphaël LEBRUN, avait alléché tout le monde par la promesse de nous livrer un Manuel de manipulation à l’usage des avocats…
Et avec quelle délectation nous pûmes d’emblée apprendre que les juges, pas moins que les autres humains, sont manipulables. Préjugés, idée initiale, halo, ancrage, persévération, fringale hostile… sont autant de sorts que l’on peut leur jeter. Et les preuves sont irréfutables : quand ils prononcent leurs jugements, les juges ne prennent pas seulement en compte les faits et indices objectifs. Vous ne le croyez pas ? Eh bien, il a suffi de quelques questions de l’orateur pour que tous ou presque nous songions à un éléphant qui cueille une tulipe avec sa trompe.
Vous êtes embrouillés ? C’est normal. C’est voulu. Vous êtes comme le juge, perdu face à un déferlement d’informations ambiguës, touffues et contradictoires dont l’esprit, pour s’en sortir, pour rendre le verdict qu’on attend de lui, devra, sans le réaliser, recourir à des raccourcis. C’est le ressort de ces nombreux biais cognitifs qui pourront être exploités par l’habile manipulateur.
Et l’orateur de nous fournir ensuite une carte quadricolore, pour catégoriser les proies, et les mener par le bout du nez qu’elles soient rouges, bleues, jaunes ou vertes. Ou jaune-rouge, au Tribunal de Police ; ou jaune-verte, voire bleue-verte en surtension au Tribunal de première instance…
C’est encore tout ébloui par ce feu d’artifice de couleurs que surgit alors, pour l’éteindre brutalement avec sa réplique, la figure sombre et sévère du Vice-Bâtonnier, Maître Yves WYNANTS. Un lapidaire syllogisme déontologique lui a suffi pour rappeler à l’Orateur que les avocats ne sont pas des sophistes, qu’ils doivent être dignes, probes, délicats, loyaux envers le client, l’adversaire, les tribunaux et les autres. Ceci étant rappelé, maintenant que le public y est initié, Monsieur le Bâtonnier ff, suggéra aux magistrats d’afficher désormais la roulette de Gaston la Licorne sur la porte de leur salle d’audience, pour que chacun puisse savoir si l’humeur du jour est plutôt au « Jaune, soleil, je suis joyeux ! » ou au « Rouge, je suis tout fou-fou ! ». Mais tant d’art, d’artifices, de persuasions et d’habiles délicatesses – on peut le regretter –, ne prémuniront jamais le beau château de cartes du plaideur contre le souffle parfois pourtant seulement bref et court, mais combien destructeur de quelques paroles maladroites de… son propre client.
Plus sérieusement et sincèrement Maître WYNANTS souligna le mérite de Maître LEBRUN de dévoiler les écueils accentués par la charge de travail, par le manque de temps et de moyens donnés à la Justice, sur lesquels ce thème de discours captivant nous a éclairés. Ainsi, les connaissant mieux et nous connaissant mieux aussi, nous aurons la chance de les éviter car, tout autant les avocats que les magistrats, nous sommes soumis aux mêmes biais et aux mêmes influences, lesquelles ne servent pas toujours les intérêts de nos clients.
Encore tout étourdis par la faconde des orateurs, l’assemblée quitta ensuite les ors du Théâtre du Casino pour rejoindre ceux des Salons où le champagne coula à flots.
La Revue « Home Sweet Home » nous empêcha de prendre trop au sérieux le grand projet immobilier de Maison de l’Avocat et tourna en dérision et en musique les sympathiques travers de ce microcosme.
La Soirée se poursuivit dans la même flamboyance, grâce à l’équipe magnifique de la Commission qui nous a donné une nuit somptueuse, égayée de surprises et qui restera inscrite longtemps dans nos mémoires.
Tout aurait été parfait si Monsieur le Bâtonnier Serge MARCY avait pu être des nôtres, mais nous savons que son cœur était comme toujours avec ses confrères et qu’il le soigne pour revenir nous crier plus fort : vive le Barreau de Verviers !
Geoffrey Deliége,
Avocat au barreau de Verviers
