La Cour européenne des droits de l’homme a adopté une nouvelle version de son règlement en séance plénière.
L’Union européenne a adhéré à la Convention d’Istanbul.
Règlement de la Cour européenne des droits de l’homme : nouvelles règles sur les documents hautement sensibles
Le 25 septembre 2023, la Cour européenne des droits de l’homme a adopté une nouvelle version de son règlement en séance plénière. Elle est entrée en vigueur le 30 octobre 2023.
Les modifications qu’elle apporte poursuivent les objectifs de dissiper les préoccupations qui feraient obstacle à ce qu’une partie communique des documents hautement sensibles à la Cour et de permettre à celle-ci de trouver des mesures de compensation appropriées ou de tirer des conclusions lorsque ces documents ne peuvent être divulgués à une autre partie ou au public, au cas où les informations qu’ils contiennent seraient nécessaires au règlement de l’affaire.
Nouvel article 44F
Le nouvel article 44F s’inspire de l’article 72 du Statut de Rome et d’enseignements tirés de la pratique de la Cour pénale internationale.
Il est cependant à souligner que le Statut de Rome est exclusivement destiné à la détermination du droit pénal international. La Cour, pour sa part, exerce un mandat plus large que celui prévu par ce dernier.
Cette nouvelle disposition établit un régime spécifique du traitement des documents hautement sensibles qui, de l’avis d’un Etat partie, appellent un traitement spécial pour des raisons de sécurité nationale ou qui, de l’avis d’un requérant, appellent un traitement spécial pour d’autres raisons impérieuses.
En vertu de ses paragraphes 2 et 4, le comité de juges qui, en amont de la procédure, examine le caractère « hautement sensible » des documents, est composé de juges non-membres de la chambre chargée d’examiner la recevabilité ou le fond de l’affaire. Dans la pratique, les compétences de cette formation judiciaire lui confèrent une grande marge de manœuvre. À titre d’exemple, elle pourrait expurger le document en question avec la partie concernée et en soumettre la seule version expurgée à la chambre.
L’introduction d’un nouveau groupe de juges, déterminant uniquement les questions de gestion desdits documents dans une affaire dans laquelle ils ne sont pas autrement concernés, soulève des questionnements de la part du CCBE. La pratique nous dira si ces craintes sont fondées ou si, au contraire, cette dissociation entre analyse du caractère trop sensible de documents et le fait qu’ils pourraient ne pas être transmis aux juges décideurs permet de garantir leur objectivité.
Modification de l’article 33 § 1er
L’article 33 paragraphe 1er, consacré à la publicité des documents, a été modifié en conséquence.
Adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul
Le 1er octobre 2023, l’Union européenne est devenue la 38ème Partie à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
Alors que l’UE n’a toujours pas ratifié la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales, sa ratification de la Convention d’Istanbul semble témoigner d’un engagement prononcé pour la protection des femmes.
La protection des femmes contre la violence fondée sur le genre n’est ni inscrite dans les traités de l’UE, ni dans la charte des droits fondamentaux. Si cette absence n’a pas empêché l’UE de prendre des mesures pour lutter contre cette violence, la Convention d’Istanbul poursuit, par le biais de politiques coordonnées, les objectifs spécifiques de prévenir les violences fondées sur le genre, de protéger les victimes de violences et de sanctionner les auteurs. Elle prévoit un vaste éventail de mesures, comprenant des obligations allant de campagnes de sensibilisation et de collectes de données à des initiatives légales visant à sanctionner diverses manifestations de violences.
Pour assurer sa mise en œuvre efficace, un système de suivi à deux volets a été instauré. Le GREVIO, composé d'experts indépendants, produit des rapports sur des thèmes étroitement liés à la Convention. Sur la base de ces rapports, un comité des parties émet des recommandations.
Depuis septembre 2020, l’ensemble des Etats membres de l’UE ont signé la Convention d’Istanbul et 21 d’entre eux, dont la Belgique, l’ont ratifiée. L’adhésion de l’UE à la convention d’Istanbul présente cependant des plus-values. Elle devrait permettre une meilleure collecte des données, fournir un cadre juridique plus cohérent et améliorer le soutien apporté aux victimes. À titre prospectif, elle pourrait – éventuellement – donner lieu à l’adoption d’une directive européenne relative à des crimes spécifiques de violence à l’égard des femmes, à l’adoption d’un code de conduite visant à coordonner les actions de l’UE et de ses Etats membres et à la mise en œuvre de meilleures pratiques relatives à la santé des femmes.
Comme le soulignait Anne Jonlet dans sa note d’actualités dans la Tribune d’octobre, alors qu’elle évoquait l’adhésion de l’UE à la Convention d’Istanbul, un cours en ligne explore de manière interactive les principaux concepts, le cadre juridique international et européen, ainsi que la jurisprudence européenne qui régissent la prévention et la protection des femmes et des filles contre la violence, en se concentrant notamment sur la Convention d’Istanbul.
Céline Verbrouck,
Avocate au barreau de Bruxelles