Rentrée de la Conférence du Jeune Barreau de Mons des 6, 7 et 8 décembre 2024

« Les rites sont dans le temps ce que la demeure est dans l’espace »

Antoine de Saint-Exupéry

(Citadelle)

  1. L’hommage à Paul Cavenaile (1906 – 1943) le vendredi 6 décembre 2024

Le premier acte des rituels montois se déroule dans le Palais de Justice, devant la stèle à la mémoire de Maître Paul Cavenaile, avocat de notre barreau dès 1930, père de notre ancien Bâtonnier, feu Maître Jean-Claude CAVENAILE.

En 1940 il s’engage dans la Résistance.

Il est arrêté le 20 mars 1943 et est déporté.

Il ne reviendra pas.

Il mourut dans le camp de Mauthausen en février 1945.

Madame le Bâtonnier Valérie DEHON rappelle son engagement pour la liberté et l’humanisme contre l’oppression, la tyrannie, les extrémismes, le fascisme et l’intolérance.

Elle rappelle qu’aujourd’hui, des guerres violentes et fratricides ont toujours lieu aux portes de l’Europe.

Des peuples se déchirent, des civils, des otages sont exécutés.

La barbarie est toujours bien là.

Proche de nous, des partis populistes et extrémises ont pignon sur rue.

Un dépôt de fleurs par le Jeune Barreau et le Barreau, suivi d’une minute de silence clôturent cet hommage plus actuel que jamais.

  1. Le vendredi soir les anciens(nes) Président(e)s de la Conférence organisent une réception aux Cours de Justice.

A cette occasion furent projetées des cassettes VHS des rentrées et revues passées (notamment de l’année 1989).

Les membres présents du Comité du Jeune Barreau apprécient et purent comparer … l’évolution des styles au fil du temps …

  1. Le samedi 7 décembre 2024 à midi

Un grand classique se découle à la Table du Boucher, rue d’Havré, dirigée par Luc BROUTARD à qui le guide Gault et Millau décerna, voici quelques années, la reconnaissance du « Meilleur bistrot de Belgique ».

Ces retrouvailles sont un moment délicieux qui réunit dans une ambiance de joie, d’amitié et de complicité le Jeune Barreau, les anciens Bâtonniers du Barreau de Mons, les Bâtonniers (ères) et Président des jeunes barreaux invités ainsi que les administrateurs d’avocats.be.

Les traditionnels plateaux d’huîtres firent merveille …

Les conversations sont animées et, les souvenirs ravivés au vin blanc…

Il s’agit peut-être d’un des rituels les plus agréables de la rentrée.

Mais il est l’heure de terminer son café pour se rendre à pied dans la salle académique de l’UMons.

  1. La séance solennelle de rentrée

Maître Thomas CROMBEZ, président de la Conférence, ouvre la séance, et cède la parole à Madame le Bâtonnier qui va prononcer l’éloge de Maître Christine DELBART, décédée le 28 septembre 2024 à l’âge de … 61 ans, et au terme de 37 ans de barreau.

Elle rappelle son engagement au sein du Conseil de l’Ordre, afin d’adopter un statut du stagiaire et sa persévérance à faire aboutir son combat.

Nous lui en sommes reconnaissants.

Dès son arrivée au Barreau, elle s’investit dans les activités de la Conférence du Jeune Barreau.

Sa joie de vivre, son sourire, son enthousiasme étaient communicatifs et faisaient du bien.

Christine était d’une grande élégance à tous points de vue.

Elle est devenue curateur et s’acquittait de cette tâche souvent ingrate avec beaucoup de conscience professionnelle.

La dégradation de son état de santé fut pour elle très pénible à vivre durant ces dernières années qui l’éloignèrent de son cher barreau.

Mais elle conservait l’espoir d’un avenir meilleur ainsi qu’elle m’en avait fait part dernièrement, avec beaucoup de sérénité.

Son corps, très affaibli, en décida autrement …

Ses funérailles dans l’église de Wanze furent simples et apaisantes.

Notre barreau y fut bien représenté.

Elle repose dans le cimetière de sa région d’adoption.

Elle avait en effet épousé notre confrère et ancien bâtonnier du Barreau de Huy Jean-Luc DESSY.

Ils s’étaient rencontrés lors de la rentrée de la Conférence du Jeune Barreau de Mons en décembre …1988 à l’Hôtel le Maisières.

J’étais Président de la Conférence.

Je me souviens.

Nous ne l’oublierons pas.

Le moment était venu de donner la parole à l’orateur de rentrée Maître Geoffroy DEPLUS qui fut présenté comme il se doit par le Président.

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Le titre de son discours annoncé sur le carton d’invitation est : « Est-ce que je n’ai pas raison ? ».

Nous pouvions nous attendre, avec une bonne dose de probabilité, soit :

  • à une brillante démonstration consacrée au droit de la preuve
  • à une envolée lyrique sur ses prédictions sur l’avenir du monde ou encore à l’effet d’une plaidoirie fulgurante sur les juges …

Eh bien non, l’orateur nous entretiendra de sa passion : Le football qu’il qualifie « d’objet artistique ».

Il reflète la société. Ni le sexisme, ni la corruption ne lui échappent.

La télévision et ses droits de diffusion ont modifié son évolution, depuis la première retransmission en Allemagne à l’occasion des jeux olympiques de 1936 au service de la propagande nazie …

L’argent impose ses règles et ses dérives hallucinantes notamment quant aux montants des transferts des joueurs et les droits de ces derniers reconnus par la Justice.

L’orateur se souvient :

« Nous nous retrouvons à Luxembourg Ville, le 15 Décembre 1995.

Suite à plusieurs questions préjudicielles de la Cour d’appel de Liège, la Cour de justice des Communautés européenne prononce son arrêt numéro C-415/93.

Le demandeur, bien connu des amateurs de football, joueur du Standard de Liège, nul n’est parfait, se nomme Jean-Marc Bosman.

La Cour de Justice doit se prononcer sur deux points :

  • D’une part, la possibilité pour un club de réclamer une indemnité de transfert pour un joueur dont le contrat est arrivé à son terme. Autrement dit, même si le contrat d’un joueur expire, son nouveau club doit verser une compensation financière à l’ancien club pour pouvoir l’engager.
  • D’autre part, la possibilité d’imposer des quotas limitant à 3 le nombre de joueurs ressortissants de l'Union européenne. Une équipe ne pouvait aligner, banc compris, plus de 3 joueurs « étranger » lors d’un match.

La Cour va donner raison à Jean Marc Bosman et estimer que ces deux règles violent le droit européen et, notamment, la libre circulation des travailleurs garantie par le Traité de Rome. »

L’orateur déplore cette jurisprudence qui a dérégulé le marché des transferts.

« Les clubs se métamorphosent en des produits financiers.

Les fonds souverains émergent : des placements financiers, actions ou obligations, qui sont détenus par un État. Le Paris Saint Germain, propriété du Qatar, en est l’exemple le plus emblématique. »

Les clubs de foot sont devenus des entreprises comme les autres. 

En 1965, le salaire moyen d’un joueur professionnel est comparable à celui d’un cadre moyen.

En 1975, il dépasse légèrement celui d’un cadre supérieur.

La libéralisation va révolutionner la situation et le montant des rémunérations va exploser pour atteindre, aujourd’hui, des sommes folles.

Les droits de diffusion explosent.

Les clubs les plus riches, qui disposent déjà de la manne financière la plus importante, bénéficient de l’aide financière la plus grande issue des droits de diffusion.

Concrètement, plus un club est riche, plus le montant versé est important.

Une redistribution plus équitable serait la bienvenue.

Cette inégalité atteint également la ligue des champions qui favorise les clubs les plus prestigieux et … les plus riches …

Entre 2003 et 2012, dix clubs ont perçus 45% des revenus de la ligue des champions tandis que 85 clubs se partageaient les 55% restants.

Il ne s’agit là que deux mécanismes de renforcement des inégalités.

L’auteur et journalise Jérôme Latta, dont les écrits ont fortement inspiré ce discours, expose à ce sujet :

« La doctrine de l’élitisme martelée sans opposition, a remporté une étonnante victoire idéologique et culturelle. (…) .

Elle consiste en effet à récompenser les investissements comme s’ils étaient vertueux en soi, ne devaient plus comporter de part de risque, et n’être pas gratifiés seulement par leur pertinence sportive, c’est-à-dire par leur traduction en résultats. Ce déni de solidarité s’appuie sur la conviction selon laquelle ce sont les clubs du gotha qui produisent la richesse collective, et non le système compétitif dans son ensemble ; que ce sont eux qui produisent leur propre richesse, et non les mécanismes mis en oeuvre pour l’accroitre au détriment des autres ».

Le 18 avril 2021, la création d’une super ligue est annoncée par 12 clubs, 6 anglais, 3 espagnols et 3 italiens.

Le contrat de la super ligue se compose de 167 pages.

Il est prévu que les 12 clubs fondateurs touchent 700 millions par an. Ils s’engagent à rester membres de la super ligue pour une durée minimale de 23 ans.

Le financement est avancé par la banque d’affaires JP Morgan. Il est question de 4 à 6 milliards d’euros.

L’entreprise Amazone et l’Arabie Saoudite sont citées comme sources du financement.

Mais, de manière peut être inattendue, la machine se grippe.

Un mouvement de contestation surgit immédiatement.

La « glorieuse incertitude du sport » est réduite à sa plus simple expression.

Cette incertitude est incompatible avec la logique économique mise en avant par le système actuel.

La richesse circule vers le haut ce qui a pour effet de diminuer l’incertitude des résultats sportifs.

Avant toute autre chose, la jurisprudence européenne continue de jouer un rôle important dans ce domaine et ce dans la lignée de l’arrêt Bosman.

Deux décisions récentes de la Cour de justice sont particulièrement révélatrices.

Un premier arrêt, concerne le projet de super league.

Je m’étais arrêté au recul de sa mise en place.

La FIFA et l’UEFA se sont opposées à ce projet. Les deux institutions détiennent le monopole de l’organisation des compétitions.

Elles ont menacé de sanction les clubs et les joueurs qui décideraient de participer à cette super league.

Le tribunal de commerce de Madrid va être saisi d’une action des initiateurs de la superleague contre la FIFA et l’UEFA.

La question du monopole va être posée.

La Cour de Justice va reconnaître que l’activité économique du sport est caractérisée par certaines spécificités.

Malgré cela, elle estime que le monopole entraine un abus de position dominante.

Même si cet arrêt n’entérine pas la possibilité d’organiser la Superleague, la Cour ne devant pas se prononcer directement sur ce point, il est une victoire pour ses partisans.

Une deuxième décision du 4 octobre 2024 mérite que l’on s’y attarde.

Un ancien footballeur international Français, Lassana Diarra, conteste devant les juridictions certaines règles adoptées par la FIFA.

La situation est la suivante :

Un club estime que l’un de ses joueurs a rompu son contrat de travail sans « juste cause » avant le terme normal de ce contrat.

Le joueur et tout club souhaitant l’engager, sont solidairement responsables du paiement d’une indemnité, souvent très élevée, envers l’ancien club.

De plus, l’association nationale dont dépend l’ancien club du joueur doit refuser de délivrer un certificat international de transfert. Le joueur se retrouve empêché de participer aux compétitions.

Dans le cas tranché par la Cour, Lassana Diarra a quitté son club du Lokomotiv Moscou avant le terme de son contrat.

Par le passé, Il avait joué pour de prestigieux clubs internationaux : Chelsea, Arsenal et le Real Madrid.

En toute logique, il souhaite maintenant s’engager au …. Sporting de Charleroi.

Après les liégeois, voilà donc les carolos… .

Au regard des règles applicables et du risque financier, le contrat ne pourra pas être signé.

La Cour d’appel de Mons, après les liégeois et les carolos, enfin un peu de sagesse, va interroger la Cour de Justice sur la compatibilité de ces règles avec le droit européen.

La Cour tranche et estime qu’elles sont contraires au droit de l’Union et qu’elles sont de nature à entraver la liberté de circulation des footballeurs professionnels.

La Cour précise cependant que des restrictions à la libre circulation des joueurs peuvent être justifiées par l’objectif d’intérêt général consistant à assurer la régularité des compétitions de football.

L’évolution juridique récente précisée, il est essentiel de souligner que la responsabilité des différentes dérives qui marquent le monde du football incombe en grande partie aux pouvoirs publics.

En 2022, la coupe du Monde se déroule au Qatar.

De nombreuses controverses et critiques surgissent suite à ce choix : conditions de vie des travailleurs locaux, impact sur l’environnement, place des femmes, droits des minorités, .

Interrogé à ce sujet, le Président Français, Emmanuel Macron, répond : « politiser le sport c’est une très mauvaise idée ».

Ce combat, en grande partie perdu, mais pas totalement, a abouti à l’article 165 du Traité de Lisbonne qui prévoit :

« L'Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative ».

L’existence même de cet article démontre l’absurdité de la phrase du président français.

La FIFA et l’UEFA n’ont nullement tenté d’entraver l’évolution inégalitaire du football. Bien au contraire, elles l’ont accompagnée et encouragée en raison notamment de l’enrichissement dont elles ont pu bénéficier.

Elles n’ont pas défendu l’intérêt général du football mais bien les intérêts particuliers des grands clubs.

L’orateur examine ensuite la responsabilité des médias en regrettant l’absence de réflexion sérieuse sur l’évolution du football et sa dérive capitaliste, allant jusqu’aux restrictions d’accès aux stades pour éviter les « banderoles » contestataires du système.

Le sport est donc politique, quoi qu’on en dise.

Des états font l’acquisition de clubs prestigieux.

Les coupes du Monde organisée en Russie et au Qatar, constituent d’autres exemples frappants.

Les dirigeants du football mondial ne se contentent pas de s'accommoder de cette prise de pouvoir par ces régimes autoritaires.

Ils y trouvent un intérêt et l’encouragent.

L’évolution dans laquelle le monde du football est plongée n’est pas inéluctable.

Des règlementations existent et d’autres pourraient voir le jour.

Comme le fair-play financier qui interdirait aux clubs de dépenser plus qu’ils ne gagnent.

D’autres propositions existent.

En 2021, Mme Tracy Crouch , ancienne ministre des sports britannique et députée conservatrice, qui ne peut elle non plus être qualifiée de dangereuse bolchévique, rédige un rapport parlementaire dans lequel elle préconise différentes mesures :

  • Vérification de la compétence des candidats dirigeants et de la durabilité de leur projet.
  • Redistribution partielle des richesses via la mise en place d’une taxe de 10% sur les transferts de joueurs. Le montant serait reversé pour les clubs de divisions inférieurs, les clubs de jeunes et le football féminin.

D’autres idées sont proposées par des intervenants divers :

  • plafonnement des salaires des joueurs.
  • Limitations du nombre de joueurs dans un effectif.
  • Interdiction totale du transfert de mineurs.
  • Interdiction de la multipropriété.
  • Redistribution plus égalitaire des droits TV.
  • Beaucoup de ces mesures peuvent éventuellement poser question au regard du droit européen.

En date du 8 février 2024, les ministres européens du sport, à l’exception de l’Espagne, publient une déclaration commune visant, notamment, à rappeler l'importance de protéger et de renforcer un sport solidaire.

Le message, imparfait, que j’ai tenté de développer est celui-ci : une libéralisation extrême, dans n’importe quel domaine de la société, ne peut mener qu’à la création d’inégalités.

L’orateur conclut en rappelant sa passion pour le football, fondamentale dans sa vie depuis qu’il a … un an. C’est dans son ADN.

Le cœur a ses raisons …

Merci de l’avoir rappelé.

Voici quelques semaines à peine, notre confrère Georges-Louis BOUCHEZ s’envolait pour le Qatar dans l’espoir de quémander quelque argent pour son club d’adoption Les Francs Borains …

Vous avez dit sport et … politique ?

Dans le journal « Le Soir » du 2 janvier 2025, en page 24 « Sport » Lorraine KIHL, journaliste au pôle international, titre son article comme suit : « L’overdose de football va-t-elle tuer la passion ? « La coupe du monde des clubs et ses 63 matchs débarquent cet été. Outre l’enjeu de l’épuisement possible des jours, la surenchère du foot, toute l’année, tout le temps et à toutes les sauces, représente un autre risque : la fatigue des supporters.

Vous avez dit sport et société ?

Oui, Mon Cher Orateur, votre discours reflète bien les enjeux sociétaux actuels que vous épinglez.

Vous êtes dans le coup (franc) et vous avez marqué plusieurs buts, de la tête et des pieds (car vous êtes à la fois droitier et gaucher …).

Goaal …goaaalgoaal !!!

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A Mons, il revient au Président de répliquer à l’orateur.

Ceux-là se connaissent bien pour partager de multiples troisièmes mi-temps …

Puisant naturellement dans le vocabulaire footballistique il lui adresse trois reproches :

1) Comme un bon défenseur, vous auriez dû être plus dur sur l’homme Monsieur l’orateur

Ou comme l’aurait dit Aimé Jacquet : « il faut muscler votre jeu Monsieur l’orateur », car la FIFA et l’UEFA sont des institutions qui n’épargnent pas l’homme.

En effet, à force de vouloir brasser toujours plus d’argents, ces institutions en oublient que la matière première du football, cela reste avant tout le sportif lui-même et s’il est possible de repousser les limites de la technologie il n’en va pas de même avec celle du corps humain.

J’attendais de vous Monsieur L’orateur que vous dénonciez ce système en nous exposant ses limites et en affichant le mépris total dont font preuves ces institutions à l’égard des joueurs de football professionnel, notamment dans le domaine du droit social, votre matière de prédilection.

Andrea Sartori, responsable mondial des sports chez KPMG s’exprimait de la manière suivante : « Les nombreuses données issues de la plateforme PWM de la FIFPRO sur le calendrier des matches confirment que l'augmentation de la charge de travail des joueurs constitue un problème critique non seulement pour la santé des joueurs mais aussi pour le développement durable du jeu. Par conséquent, une approche globale et centrée sur le joueur est nécessaire de la part de tous les participants dans tout débat futur sur les formats de compétition et le calendrier des matches à venir. »

La FIFA et l’UEFA ont délibérément ignoré ces recommandations avec pour preuve, en cette année 2024-2025, le lancement du nouveau format des coupes d'Europe de clubs de l'UEFA qui comprennent deux à quatre matches de plus que lors des saisons précédentes. Tandis que la FIFA a procédé à l'extension à 32 équipes d'une Coupe du monde des clubs organisée de la mi-juin à la mi-juillet. Sans aucune consultation des joueurs.

Tout récemment, à savoir ce 20 novembre 2024, une étude de la KUL Leuven a confirmé que l'industrie du football professionnel manquait à son devoir d'appliquer les normes de sécurité requises et enfreignait les cadres juridiques européens et mondiaux existants.

« Le rapport confirme que les normes de sécurité et de santé au travail (SST), telles qu'elles sont définies dans les cadres européen et international, sont pleinement applicables au secteur du football professionnel. Reconnus comme des travailleurs par le droit du travail national, européen et international, les footballeurs professionnels ont droit aux mêmes principes que les autres travailleurs. Bien que le secteur du football nécessite une approche adaptée, les spécificités de l'emploi ou du revenu d'un travailleur ne peuvent justifier le non-respect des normes de sécurité et de santé au travail ».

On est bien loin du compte.

Ce rapport servira notamment de preuve dans le cadre d’une action en justice menée ici même en Belgique devant le Tribunal de l’entreprise de Bruxelles contre la FIFA par plusieurs associations de joueurs issues de différents pays européens.

Affaire à suivre donc !

2) deuxièmement, je pense qu’il vous a manqué la vista d’un excellent milieu de terrain.

Pep Guardiola a récemment déclaré : « "Peut-être que nous allons disputer la Coupe du monde des clubs et arriver dans les dernières phases de la compétition... et dans ce cas, on jouerait donc presque 70 matchs dans la saison ! 70 matchs, c'est comme en NBA, oui. Mais en NBA, ils ont quatre mois de vacances, et nous seulement trois semaines"

Pour un homme élevé dans un environnement aussi féminin, il m’étonne que votre point de vue se soit borné exclusivement sur le football masculin.

J’aurais aimé vous entendre sur cette question et voir si comme pour le football masculin, les instances étaient en passe de commettre les mêmes erreurs.

Il fait un parallèle avec le système du football américain.

Ce système est meilleur que celui des grandes ligues européennes de football pour 2 raisons :

La première est à chercher dans les 400 millions de dollars que chaque franchise (leur nom pour équipe) de l'équipe numéro un à l'équipe numéro 32 reçoit chaque année de la part de la ligue grâce aux méga-contrats télévisés.

Les petits marchés qui ne sont pas aussi connus et qui n'ont pas de grands contrats de sponsoring locaux reçoivent pratiquement la même chose que les grandes équipes de la ligue, ce qui est très différent de la façon dont le système est mis en place dans les grandes ligues de football européennes qui vous a été présenté plus tôt par Monsieur l’orateur.

La seconde raison essentielle à la solidité financière de la NFL c’est le plafonnement des salaires ce qui permet aux équipes de la ligue de maitriser leurs coûts. Il ressort des calculs du journaliste que chaque équipe a généré en moyenne 140 millions de dollars de bénéfices d'exploitation l'année dernière.

3) Troisièmement, il vous a manqué le jusqu’au boutisme de l’attaquant Monsieur l’orateur ;

Je pense que le moment qui m’a le plus surpris dans votre discours, c’est le manque d’approfondissement de la question de l’explosion potentielle de la bulle financière du football.

Dans un bref passage, vous l’estimez peu probable sans développer le fond de votre pensée.

Pour ma part, et c’est un avis tout à fait personnel, je pense que cet éclatement est à nos portes et l’exemple tout à fait récent de l’attribution des droits TV en France ne fait que confirmer mon sentiment.

Il relate avec précision les accords faramineux négociés avec Mediapro qui finalement jettera l’éponge.

Le sujet est vital pour les « petits poucets » de Ligue 1, qui ne tirent pas de revenus du fait d’une participation à une Coupe d’Europe et assez peu de recettes d’une billetterie ou d’un merchandising populaire aux tarifs modiques. Pour certains clubs de cette catégorie, les droits TV représentent près de 75% ! des recettes sur l’ensemble de la saison.

Après quelques mois de négociations et le retrait de nombreux acteurs de diffusion des discussions, le couperet est tombé et la LFP n’a même pas pu atteindre la barre des 500 millions par saison.

Pire, après quelques mois d’exploitations, l’offre de diffusion peine à trouver son public et seulement 500.000 personnes ont souscrit à l’abonnement permettant d’accéder au contenu de la division 1 de Football français contre les 1,5 million attendu.

Conclusions

En conclusions, c’est donc pour moi la combinaison de ces facteurs, non-respect du matériel humain, absence de mise en place d’une juste répartition des mannes financières, non plafonnement des salaires et dévaluation des marchés qui n’arrivent pas à s’adapter à leur public, qu’à mon estime et contrairement à vous, je pense que la bulle est sur le point d’éclater.

Mais j’en terminerai sur une note plus positive en vous rejoignant sur un dernier point car comme un bon gardien qui préserve ses filets inviolés, vous avez finalement pu préserver l’essentiel en ramenant la passion du sport dans votre dernier point.

L’éclatement de la bulle ne serait finalement pas une mauvaise chose, car une fois que toutes les bulles auront éclaté, il ne restera plus rien d’autre à faire qu’à jouer encore et encore à ce beau sport.

Alors Monsieur l’orateur je termine en vous donnant rendez-vous un prochain samedi après-midi pour débattre à nouveau de ce sport qui nous passionne tant, et je n’ai pas de doute que maintenant armé de ces qualités que je vous ai soufflées à l’oreille, je conclurai notre discussion, et ce peu importe qui soit champion, par ces mots : « Oui Geoffroy, tu as raison ».

A ce stade (pardon …) de ce résumé, j’avoue avoir pensé, avec un certain plaisir, le truffer de nombreuses références au jargon propre au monde du ballon rond.

J’aurais parlé de hors-jeu, d’half-time, de referee, de tacle, de coup de coin, de passe en profondeur, de remontada, de prolongations, de carte rouge, de tirs au but, de tirage au sort, d’accrochage de maillot, de civière, de penalty, de coup franc ciselé, de coup de sifflet final, et j’en passe …

La grande cordialité de votre joute m’en a dissuadé mais surtout je me suis rappelé la phrase d’Albert CAMUS : « L’homme, ça s’empêche » …

Le Président repasse alors, selon l’usage montois, la parole à Madame le Bâtonnier afin qu’elle nous livre quelques propos de circonstance.

Elle rappela que :

« Notre profession est à un tournant de son existence, confrontée à des mutations profondes

Elle conserve cependant une force unique : sa dimension humaine, sa mission de justice et sa capacité à s’adapter aux évolutions tout en restant fidèle à ses valeurs ».

L’intelligence artificielle est davantage une opportunité qu’une menace, même s’il faut rester vigilant car ces outils ne sont pas ni neutres ni inoffensifs.

Au sein de la formation CAPA dispensée à nos jeunes confrères, des heures relatives à ces évolutions technologiques seront ajoutées à la formation de base de la 1ère année, signe de la réflexion de chacun

La mise en place de guides lines quant à leur utilisation nous est également annoncée par la commission déontologie d’Avocats.be

Dans cette ère de transformations, il est essentiel de se recentrer sur ce qui fait la véritable richesse de notre profession : l’humain.

L’écoute et l’empathie sont des qualités essentielles, une machine ne pourra jamais comprendre une hésitation, une larme retenue, ou un silence chargé de sens.

Au-delà des compétences techniques, les valeurs d’éthique, d’intégrité et de solidarité sont au cœur de notre profession.

Il n’est pas étonnant que se développent au sein de plusieurs barreaux des commissions égalités ou genre ;

Une telle commission a d’ailleurs vu le jour au sein de notre barreau, il y a quelques mois, elle regroupe notamment plusieurs jeunes confrères, soucieux du respect des différences, de l’égalité et de la lutte contre les discriminations en tout genre.

Le respect du principe d’égalité et de non-discrimination a été intégré dans notre code de déontologie il y a peu.

Une commission genres a vu le jour en ce début d’année judiciaire au sein de notre ordre communautaire.

C’est d’ailleurs soucieux du respect des droits humains, des conditions de vie et de détention dignes, que ce 10 décembre, jour de célébration de la déclaration universelle des droits de l’homme, tous les bâtonniers du royaume se rendront chacun au sein des prisons de leur ressort.

Nous y avons été autorisés par la loi du 15 mai 2024, (portant dispositions en matière de digitalisation de la justice et dispositions diverses, modifiant l’article 33 de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus), ajoutant à la liste des parlementaires qui, par l’exercice de leur fonction, ont accès à la prison , « dans les limites de son ressort, le bâtonnier ou le membre du conseil de l’Ordre désigné par le bâtonnier à cet effet » ;

Nous effectuerons tous ensemble cette démarche.

Nos politiques doivent à nouveau être sensibilisés aux conditions de détention difficiles et parfois indignes dans lesquels se trouvent une partie importante des détenus, parfois en détention préventive seulement.

Les annonces parfois populistes de certains et les contestations quant à la réelle surpopulation carcérale ne sont pas admissibles.

Les moyens politiques ne sont à nouveau pas mis là où il le faudrait, la justice reste toujours le parent pauvre.

La crise migratoire et l’accueil de millier de personnes, dans des conditions indignes en sont aussi des exemples criants.

Pour nos jeunes confrères et consœurs, pour nous tous, ces mutations sont une chance de réinventer la profession, de marier la technologie et l’humanité, tout en portant haut nos valeurs d’éthique, de justice et de solidarité dans un monde en plein changement.

Allons vers l’avenir avec ambition, cultivons nos qualités humaines et travaillons ensemble pour bâtir une profession plus forte, plus juste et plus humaine.

Il restait à notre Bâtonnier de sacrifier à un autre rituel montois : fêter nos confrères ayant atteint cinquante ans de barreau, en la personne de Maître Bernard Pinchart, entré à notre Barreau en septembre 1974.

Madame le Bâtonnier Valérie Dehon rappela sa carrière en ces termes :

« Vous avez prêté serment en septembre 1974, avez été inscrit à la liste des avocats stagiaires du Barreau de Mons dès le 5 septembre 1974 et au Tableau de l’Ordre le 1er octobre 1977.

Vous êtes originaire d’Hyon, et dès lors pleinement investi dans la région de Mons depuis de très nombreuses années.

Après avoir effectué vos études à Liège, sauf erreur de ma part, vous entamez donc votre stage au Barreau de Mons en ayant comme maître de stage Maître Jean DE TAYE.

Vous vous êtes très vite investi au sein de notre Barreau et avez été orateur de Rentrée durant l’année judiciaire 86-87. Le titre de votre discours était « Charlotte CORDAY ».

Vous avez été Président de la Conférence du Jeune Barreau durant 2 années consécutives, à défaut de candidat, durant les années 1993-1994.

Vous avez été membre du conseil de l’Ordre du Barreau de Mons durant 8 ans jusqu’à 2015, et je ne cache rien en indiquant que vous aviez même pensé à vous investir au niveau du Bâtonnat.

Votre carrière professionnelle a été extrêmement riche et l’est toujours d’ailleurs.

Vous avez créé plusieurs associations très tôt, avec des confrères brillants.

Vous avez été précurseur dans de nombreux domaines, notamment en informatique.

Vous vous êtes très tôt formé à la médiation.

Vous m’avez confié que vous aviez été interpellé lorsque, Président du Jeune Barreau en 93 et 94, Maître Catherine DUFRASNE avait prononcé le discours de Rentrée sur le thème « Ecoutons, les enfants parlent ».

Vous vous êtes, suite à cela, très vite formé à la médiation familiale et avez sollicité l’autorisation d’ouvrir un cabinet pour pratiquer la médiation familiale dès 1999.

Vous avez été Président de la Commission nationale de médiation durant 4 ans, et au sein de notre Barreau, Président de la Commission de médiation civile et commerciale.

Vous avez par ailleurs formé de nombreux stagiaires et collaborateurs, devenu patron de stage dès 1999.

Vos matières de prédilection restent toujours la responsabilité civile et professionnelle., l’indemnisation du dommage corporel et le droit commercial.

Vous avez toujours été très investi dans la vie politique montoise et dans la réalité de notre région.

Vous avez aujourd’hui 50 ans de Barreau, et vous n’êtes pas prêt d’arrêter.

Votre force de travail et votre esprit d’analyse juridique sont incontestables.

Je vous invite à me rejoindre à cette tribune pour adresser quelques mots à notre assemblée et vous remets, au nom du Barreau de Mons, ce présent ».

Le jubilaire prit alors la parole, non sans émotion.

Il le fit à son image, c’est-à-dire avec sobriété et concision.

Il me confia que, vu l’heure avancée, il ne souhaitait pas abuser de ses auditeurs.

Il remercia celles et ceux qui, au sein de son cabinet, partagea cette belle aventure, sans oublier son dernier stagiaire, « Georges-Louis » dont il n’estima pas nécessaire de rappeler le nom.

Il était malheureusement absent pour partager la joie de son Maître de stage.

Madame le Bâtonnier céda alors une dernière fois la parole au Président qui clôtura cette belle séance de rentrée.

La réception dans le hall de l’UMons fut à la hauteur du renom de notre barreau.

Ce bâtiment qui abrite la faculté des sciences économiques fut construit par Arthur Waroqué en 1899.

Il est surmonté de la statue de Mercure, dieu du Commerce, réalisée par le sculpteur Idel Ianchelevici.

La soirée de gala avait investi les installations du Chant d’Eole, à quelques kilomètres de la ville en direction de … Maubeuge.

Tous les échos que j’en ai recueillis (je ne pouvais malheureusement pas y assister) furent élogieux : repas soigné par le chef Benoît Neusy (une étoile au Michelin pour « L’impératif d’Eole », récompensé par le Gault et Millau), revue bien ficelée, ambiance assurée jusqu’aux petites heures …

Mais ce n’était pas fini …

Le dimanche à 11 heures notre bâtonnier, en forme olympique, nous attendait au Musée des Beaux-Arts pour la visite guidée de l’exposition consacrée au surréalisme en Belgique, de très haute tenue tant par les œuvres exposées que par la qualité de l’accrochage et de l’éclairage …

Nous nous dirigeâmes alors vers l’ultime rendez-vous de la rentrée : le déjeuner du Bâtonnier en empruntant la rue d’Havré dans le sens de la descente.

Valérie avait réussi l’exploit de convaincre (son métier …) le restaurant les Gribaumonts d’ouvrir le dimanche et de le privatiser en son honneur et celui de ses invitées et invités, bâtonniers et présidents extérieurs et locaux, administrateurs d’avocats.be, Jeune Barreau, jubilaire …

La boucle était bouclée depuis les retrouvailles de la « Table du Boucher » de Luc Broutard et « Les Gribaumonts » qui a vu son Maître des chaix … Nicolas Campus recevoir la consécration de meilleur sommelier de Belgique décerné par le guide Gault et Millau.

Un délice à tous points de vue !

L’ambiance de ce déjeuner rituel, après les fatigues accumulées des festivités, est tout simplement exceptionnelle.

On souffle, on se lâche et … on déguste …

L’amitié est bien plus que la cerise sur le gâteau.

Elle dégouline sans réserve …

Notre bâtonnier, épanouie, recueille les sourires complices et la douce gentillesse de ses collègues bâtonniers et du Jeune Barreau …

On peut parler d’apothéose.

Cela fait du bien …

Merci Madame le Bâtonnier.

Merci à toi Valérie (je n’oublie pas que tu entras au Conseil de l’Ordre sous mon bâtonnat en … 2003).

Le soir était tombé et nous regagnâmes (en remontant cette fois la rue d’Havré) vers la Grand Place et … son marché de Noël scintillant de mille feux au son des airs de circonstance …

Il y avait de la Chartreuse jaune au chalet …

Je dois m’arrêter ici car il fait nuit et … « il n’est de bonne compagnie qui ne se quitte ».

Chacune et chacun rentra chez soi, parfois bien loin …

La rentrée du Jeune Barreau de Mons 2024 avait, une fois de plus, déroulé ses fastes, ses sourires, sa chaleur et son amitié.

Jean SAINT-GHISLAIN
Ancien Bâtonnier

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