Les quatre vérités du procès pénal par Bruno Dayez

Le jugement est donc, du point de vue de la vérité, sa propre fin. Il se suffit à lui-même. Quel qu’il soit, il fera autorité. Après avoir clôturé les débats, le tribunal s’en est allé délibérer seul. L’effet utile de sa décision n’est pas à chercher du côté de la vérité ; il consiste essentiellement en ce que le procès s’est tenu. Il est achevé une bonne fois pour toutes. Son bénéfice principal est d’avoir mis un terme à ce qui l’avait suscité. En d’autres termes, que le jugement soit – ou non – conforme à la vérité est relativement anecdotique puisqu’il n’y a aucun lieu où se tenir pour en juger. Beaucoup plus essentiel est le fait que tout jugement quelconque, assimilé d’office à la vérité par l’effet d’une fiction juridique, ne puisse jamais être remis en question et force le respect.

Peut-être touchons-nous là deux des causes majeures de la crise que connaît aujourd’hui notre société. 

Tout d’abord, faute de moyens, les procès se font rares. Et lorsqu’un conflit reste ainsi sans solution, parce que le ministère public a, bon gré, mal gré, classé sans suite, c’est une plaie qui reste ouverte, qui continue de saigner, de s’infecter, de contaminer.

Ensuite, parce que même nos gouvernants – et ils portent en ce une très lourde responsabilité – n’hésitent plus à critiquer les jugements et, pire, à ne pas les exécuter. La fonction pacificatrice du jugement s’émousse donc jusqu’à disparaître. Et c’est l’un des trois piliers de nos démocraties qui se lézarde.

Bruno Dayez poursuit ses réflexions sur la justice pénale. Ou plutôt, il les synthétise. En quatre propositions. 

Primo, le procès pénal est joué d’avance. En tout cas sur la culpabilité. Car le ministère public n’amène à l’audience que des dossiers complètement ficelés, où il n’y a plus place pour le doute. Enfin, très majoritairement. Et, lorsque tel n’est pas le cas, c’est qu’il a mal travaillé.

Deusio, s’il reste un enjeu au procès, c’est sur le taux de la peine. Sur ce point la liberté du juge est grande et il reste donc une marge de manœuvre aux parties. Mais, celle-ci reste limitée par le fait que, tant qu’il reste dans les limites légales, le juge peut se fixer librement dans les larges fourchettes qui lui sont offertes.

Point n‘est besoin de punir plus que ce que mérite le condamné. Là où le bât blesse, c’est que l’idéologie sécuritaire a nettement pris le pas aujourd’hui sur la conception rétributive : à partir du moment où les juges graduent la peine, non plus en fonction de la culpabilité du condamné, mais bien en fonction de sa dangerosité, c’est la porte ouverte à tous les abus.

Tertio, la structure du procès en détermine largement l’issue. Il a été voulu comme un jeu de rôles, où chacun doit tenir sa place. Et celle réservée au juge est déterminante.

Où l’on voit l’intérêt pour l’image de la justice de préférer un juge trônant au-dessus des humains, sorte d’oracle infaillible, à un juge dans la mêlée, partie prenante à une vérité négociée plutôt que révélée.

Et, enfin, quarto, le procès pourrait être sa propre fin. Sa fin, pourrait-on dire, c’est la fin. Ce qui nous renvoie à notre première réflexion. A quoi sert un procès s’il n’est pas une fin ? Est-ce à dire, comme le fait Bruno Dayez, que le procès pénal est donc un jeu de dupes, que c’est parce que ses acteurs n’y voient que du feu qu’il peut continuer à prospérer ?

Et vous, comme nous le dirait Amid Faljaoui, vous en pensez quoi ?

Patrick Henry,
Ancien Président

A propos de l'auteur

Henry
Patrick
Ancien Président d'AVOCATS.BE

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