Mes chers confrères,
Le 23 octobre 2020, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une résolution sur la liberté d’exercice de la profession d’avocat. Les principes généraux qui y sont repris nous sont largement connus, à nous avocats belges, qui avons la chance de vivre dans un pays qui reconnait et protège nos libertés fondamentales.
Mais au sein de notre Europe, ce n’est pas le cas partout.
Anne Jonlet a ainsi communiqué au Conseil d’administration d’AVOCATS.BE une lettre du barreau bulgare évoquant la situation des avocats de ce pays, membre de l’Union européenne depuis le 1er janvier 2007. Le Procureur général Geshev y assimile les avocats aux personnes qu’ils défendent, ce qui en fait des complices aux yeux du public et conduit à des détentions abusives sans enquête préalable.
Le procureur général a également déclaré publiquement que les avocats ne font que s’en prendre à l’argent de leurs clients sans tenir compte de la vérité, ce qui démontre dans le chef du magistrat un mépris des droits des justiciables, du rôle des avocats et de l’État de droit. Les citoyens ont exigé la démission immédiate du gouvernement et du procureur général mais sans résultat.
Le barreau bulgare est inquiet car il n’existe aucun mécanisme pour contraindre le procureur général à respecter la loi et à s’abstenir d’abuser de son énorme pouvoir, ce qui constitue autant de menaces pour l’État de droit et la séparation des pouvoirs en Bulgarie. La profession d’avocat est également menacée par les suggestions du procureur général visant son immoralité et son avilissement face à l’argent.
Une telle politique est évidemment en totale contradiction avec l’article 4 des principes généraux de la résolution qui précise que les avocats ne devraient pas subir ou être menacés de subir des sanctions ou faire l‘objet de pression d’aucune sorte lorsqu’ils agissent en conformité avec la déontologie de leur profession.
Si l’on s’en réfère à l’article très bien documenté de Jean-Marc Picard sur le nouveau pacte européen sur la migration et l’asile, il semble que même ce texte ait oublié les principes de la résolution.
Le pacte est en effet muet sur l’assistance juridique à apporter aux migrants : « Peut-on imaginer d’imposer durablement l’organisation de tels services à des cabinets d’avocats situés près des frontières de l’Union, soit souvent dans des petites villes où les cabinets d’avocats ne sont pas légion….et sans que rien ne soit dit au niveau européen pour le financement solidaire de telles prestations ? »
Comment accorder ce constat avec le texte de la résolution qui prévoit explicitement que « Toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour veiller à ce que toute personne ait un accès à des services juridiques fournis pas des avocats indépendants. » ?
Certes nous avançons dans le bon sens et le rôle même de l’avocat – dont la profession a été reconnue comme service essentiel durant la crise sanitaire en Belgique – est de plus en plus consacré par les textes.
Mais dans leur mise en œuvre et leur respect, du travail reste à faire.
Votre dévoué.
Stéphane Boonen,
Administrateur