De l’art de bien déclarer

Le Fil blanc : le Classique

Pour rappel, la version classique du Fil blanc aborde chaque mois (en principe une Tribune sur deux), par le biais d’un article qui se veut court et lisible, un thème spécifique relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, pour vous informer et vous rappeler que l’assujettissement est plus rapide que beaucoup ne l’imaginent. 

Sa Spin-off examine chaque mois (l’autre Tribune sur deux) une branche spécifique du droit à la loupe, afin de déterminer où sa pratique pourrait donner lieu à un assujettissement et quels y seraient les indices d’un éventuel blanchiment. 

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De l’art de bien déclarer

L’un des rares reproches qu’a pu faire la CTIF aux déclarations de soupçons provenant d’avocats concerne l’absence de certaines informations types. Elle reçoit en effet parfois de simples courriers manquant de structure et omettant certains éléments essentiels. Comprenez : la CTIF souhaite que l’avocat, comme toute entité assujettie, utilise le formulaire qu’elle a mis au point. 

 

Le formulaire

Ce formulaire est disponible sur le site de la CTIF en trois versions : un formulaire à remplir en ligne (que l’avocat ne pourra jamais utiliser puisqu’il doit passer par son Bâtonnier), un formulaire à remplir électroniquement et à transmettre par e-mail (via le Bâtonnier) et un formulaire à remplir manuellement (https://www.ctif-cfi.be/index.php/fr/formulaire-de-declaration).

Les mêmes informations y sont requises qui concernent :

  • l’identité du déclarant et ses coordonnées ;
  • l’identité du client et, le cas échéant, de son ou ses mandataires et bénéficiaires effectifs. La CTIF attend bien sûr que lui soient fournies toutes les informations requises par la Loi BC/FT ;
  • les données d’identification des autres personnes intervenant dans l’opération ou dans les faits. On pense ici avant tout à la contrepartie d’une opération mais d’autres personnes pourraient être visées telles qu’un garant, un tiers procédant à un paiement en lieu et place du client, un conseiller, … Le niveau d’exigence sera moindre lorsque la Loi BC/FT n’impose pas d’obligation d’identification et de vérification de l’identité ;
  • la description des caractéristiques du client et de l’objet et de la nature de la relation d’affaires ou de l’opération. On rappellera que ces éléments doivent également être identifiés par les entités assujetties ;
  • une description des fonds, des opérations ou des faits. La CTIF pose la même question pour les tentatives, on rappellera toutefois que les tentatives ne doivent pas, en principe, faire l’objet d’une déclaration de soupçons de la part des avocats1 ;
  • le délai dans lequel l’opération va être exécutée par le déclarant ou, si l’opération a été exécutée avant que la CTIF ne soit informée, les raisons pour lesquelles la CTIF n’a pas été informée préalablement. Cette information est surtout pertinente pour les établissements de crédit mais pourrait avoir utilité lorsque le déclarant est un avocat également ;
  • les indices de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

 

Jamais en défense

La CTIF pose ensuite la question de savoir si une enquête pénale est déjà en cours ou s’il y a déjà eu des contacts entre le déclarant et une autorité judiciaire ou un service de police. L’occasion de rappeler que l’avocat ne doit pas procéder à une déclaration de soupçons lorsque les informations et renseignements qui auraient dû être transmis « ont été reçus d'un de leurs clients ou obtenus sur un de leurs clients lors de l'évaluation de la situation juridique de ce client ou dans l'exercice de leur mission de défense ou de représentation de ce client dans une procédure judiciaire ou concernant une telle procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d'engager ou d'éviter une procédure, que ces informations ou renseignements soient reçus ou obtenus avant, pendant ou après cette procédure, sauf si les entités assujetties visées ont pris part à des activités de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, ont fourni un conseil juridique à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ou savent que le client a sollicité un conseil juridique à de telles fins. » Il s’agit de la fameuse exception à l’obligation de déclaration de soupçons (et de l’exception à l’exception) reprise à l’article 53 de la Loi BC/FT (in fine).

La CTIF permet ensuite de fournir d’autres commentaires éventuels ; et enfin d’ajouter des annexes : on pense aux copies des documents d’identité, mais aussi, et surtout, aux éléments de preuves relatifs aux éléments ayant mené l’avocat à avoir un soupçon.

On rappellera que l’avocat ne doit pas avoir déterminé quelle serait l’infraction sous-jacente au blanchiment. 

On rappellera également qu’il s’agit de dénoncer un blanchiment de capitaux ou un financement du terrorisme et pas une infraction, même si elle est reprise dans la liste des infractions sous-jacentes, dont le produit n’a pas été blanchi ou n’a pas servi à financer le terrorisme.

 

Et le filtre du bâtonnier ?

Il est dès lors vivement conseillé de faire usage du formulaire de la CTIF et de faire parvenir ce document déjà dûment rempli à son Bâtonnier. Celui-ci n’a pas pour fonction de modifier la déclaration de soupçons, mais doit vérifier que l’on se trouve bien dans le champ d’application de la loi (article 5, 28°), que l’exception précitée ne s’applique pas ou, si elle s’applique, que l’exception à l’exception ne vient pas raviver l’obligation de déclaration. Idéalement, le courrier au Bâtonnier reprendra ainsi les raisons qui ont mené l’avocat déclarant à estimer que la loi s’applique, mais pas l’exception… sauf exception.

Et ensuite ?

La CTIF est susceptible de demander des informations complémentaires. On rappellera utilement que toute communication ultérieure avec la Cellule devra également se faire en passant par le Bâtonnier. Il n’est pas question pour la CTIF d’interroger l’avocat directement, ni pour l’avocat de compléter sa déclaration sans passer par son Bâtonnier, comme l’indique l’article 4.87 in fine du Code de déontologie.

Rappelons également que le même article impose à l’avocat de mettre fin à son intervention dès que son Bâtonnier l’a informé, le cas échéant, que la déclaration a été transmise à la CTIF. 

Le même article rappelle l’interdiction, figurant déjà dans la Loi BC/FT, d’informer le client qu’une déclaration de soupçons a été faite.

La Commission anti-blanchiment

 

1 https://latribune.avocats.be/fr/le-blanchiment-la-tentative-de-blanchiment-et-l-anti-blanchiment

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Vous pouvez toujours adresser vos questions à blanchiment@avocats.be. Nous ferons le maximum pour y apporter une réponse claire dans les meilleurs délais.
Rappelons que tous les documents proposés par la Commission anti-blanchiment pour vous faciliter la lutte anti-blanchiment se trouvent sur l’extranet d’AVOCATS.BE

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