DAC 6 : une ingérence non justifiée dans le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients

Après la belle décision de notre Cour constitutionnelle du 15 septembre dernier, c’est au tour de la Cour de justice de l’Union européenne d’entendre les griefs des avocats contre la Directive relative aux dispositifs fiscaux transfrontières dits « agressifs » (DAC 6). 

La CJUE vient en effet d’invalider l’article 8 bis ter (sic) § 5 de la Directive 2011/16/UE (« DAC 1 ») telle que modifiée par la Directive (UE) 2018/822 (« DAC 6 »). 

Cette décision intervient dans le cadre de la demande en suspension et du recours en annulation contre le décret flamand transposant la DAC 6 de l’Orde van Vlaamse Balies et de la Belgian Association of Tax Lawyers, suite auxquels la Cour constitutionnelle avait soumis une question préjudicielle à la CJUE.

L’article 8 bis ter § 5 précité prévoit la possibilité, pour les Etats membres, de prendre les mesures nécessaires pour accorder aux intermédiaires soumis au secret professionnel le droit d’être dispensé de l’obligation de déclarer les dispositifs transfrontières lorsque cette déclaration aurait pour effet de violer le secret professionnel. En pareil cas, la DAC 6 prévoit que chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les intermédiaires soient tenus de notifier sans retard à tout autre intermédiaire, ou, en l'absence d'un tel intermédiaire, au contribuable concerné, les obligations de déclaration qui leur incombent. 

En substance, la Cour invalide l’article en question en ce que son application par les États membres a pour effet d’imposer à l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire, lorsque celui-ci est dispensé de l’obligation de déclaration en raison du secret professionnel auquel il est tenu, de notifier sans retard à tout autre intermédiaire qui n’est pas son client les obligations de déclaration qui lui incombent.

La Cour relève notamment que « cette obligation de notification induit, indirectement, une (…) ingérence dans (le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients), résultant de la divulgation, par les tiers intermédiaires ainsi notifiés, à l’administration fiscale de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire ». Elle confirme ainsi, pour autant que de besoin, que le secret professionnel couvre, outre le contenu de l’avis juridique, le simple fait de consulter un avocat et l’identité de ce dernier. 

La Cour examine ensuite si cette ingérence est justifiée et répond par la négative.

Il s’agit dès lors d’une bonne nouvelle pour la protection du secret professionnel des avocats (et des autres intermédiaires) qui, pour pouvoir bénéficier de la dispense de déclaration d’un dispositif, ne devraient donc plus être obligés de communiquer les informations relatives au dispositif, à des personnes qui ne sont pas leur client. 

Nul doute que cette décision est de bon augure pour les autres recours relatifs à la DAC 6 introduits notamment par AVOCATS.BE. En effet, la Cour constitutionnelle avait provisoirement suspendu les effets des dispositions équivalentes (à savoir (i.) l’obligation d’information envers un autre intermédiaire qui n’est pas son client et (ii.) l’impossibilité de se prévaloir du secret professionnel en ce qui concerne l’obligation de déclaration périodique de dispositifs transfrontières commercialisables). La décision de la CJUE devrait donc permettre à la Cour constitutionnelle d’annuler ces dispositions en droit belge, lorsqu’elle se prononcera sur les recours en annulation.

Voici le lien vers le communiqué de presse de la Cour, lequel renvoi à l’arrêt complet : https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2022-12/cp220198fr.pdf

Pierre Sculier,
Président

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