Compte-rendu de la Rentrée de la conférence du Jeune Barreau de Charleroi des 26 et 27 janvier 2024

Dernier week-end de janvier, ça y est ! C’est la rentrée de la Conférence du Jeune Barreau de Charleroi.

Après l’hommage aux morts et le premier apéro d’accueil de nos hôtes, nous revoilà installés dans la salle de l’hôtel de Ville de Charleroi, lieu choisi par l’oratrice, Me Sarah Stoupy, consœur arborant fièrement ses diverses casquettes. Et, elles lui vont à ravir. Elle est membre du Conseil de l’Ordre, Présidente du BAJ, membre du comité du Jeune Barreau et enfin oratrice.

Son discours, très engagé, porte sur l’accès à la Justice et l’aide légale. Ou plutôt sur une Justice éloignée du justiciable à la suite des différentes décisions prises en matière d’aide légale. En faisant supporter l’aide de première ligne et celle de deuxième ligne par des niveaux de pouvoir différents et en interdisant le droit de suite à l’avocat intervenu en première ligne, les décideurs politiques ont créé une fracture entre ces deux composantes de l’aide légale. Le moment débute par la chanson « Ô Fortuna », tirée de la cantate Carmina Burana de Carl Orff. 

Avec ces notes puissantes, nous entrons immédiatement dans le vif du sujet. Nous sommes conditionnés en « mode guerrier». 

Le discours est articulé autour de cette complainte datant du XIIIème siècle issue du codex Carmina Burana rédigé par les clercs goliards, « des étudiants en droit désabusés  par le fait que leurs études, si elles avaient nourri leur esprit et leur intellect, avaient mis en lumière toute la misère de condition humaine les rendant finalement incapables de s’intégrer dans la société de l’époque, les conduisant inexorablement à s’en affranchir. ». Me Stoupy nous apprend que ce chant a en réalité constitué « un important moyen de protestation à l’égard des abus commis par le pouvoir de l’époque, qu’il fût étatique ou ecclésiastique ».  

Nous avons compris, il sera question de résistance contre les décisions du pouvoir public, parfois prises de manière totalement déconnectée du terrain. « Aujourd’hui, à l’instar des clercs goliards à leur époque, je veux faire de mon intervention une mise en garde. (…). L’accès à la justice, ce droit fondamental que nous devrions pouvoir considérer aujourd’hui comme solidement ancré dans notre système juridique, de manière presque immuable et intouchable, est en danger. »

Il sera question d’une mise en garde, les avocats devant « demeurer les derniers gardiens de l’accès à la justice. ». Debout, fière et de manière assurée, Madame l’oratrice nous apprend qu’elle est et restera une avocate BAJ-iste. Elle veut rendre à ces avocats leurs lettres de noblesse. Il n’est pas normal qu’ils soient déconsidérés au profit des avocats de pratique libérale. Il n’est pas normal qu’ils soient qualifiés d’avocat du pauvre. Il convient de reconstruire la confiance du justiciable en l’aide juridique de seconde ligne. Car, «  être avocat BAJ-iste, c’est non seulement exercer un métier noble mais en outre lui rendre ses lettres de vertu ».

Le discours est soutenu et charpenté. Et nous comprenons tous, la raison de ses multiples casquettes. Me Stoupy veut s’assurer du respect du principe fondamental qu’est l’accès à la justice grâce à ses interventions à tous les niveaux possibles de décision et d’influence.

Le choix de la salle de l’Hôtel de Ville n’est dès lors sans doute pas dû au hasard. En effet, quoi de plus beau que de critiquer les décisions des pouvoirs publics chez eux, dans leurs lieux. Quoi de plus fort que de les mettre en garde chez eux, dans leurs lieux.

Quel beau combat !

Au Barreau de Charleroi, la coutume veut que la Présidente du Jeune Barreau réplique à l’oratrice en critiquant son discours et en développant une thèse contraire. 

Ses liens d’amitié avec notre oratrice rendent la tâche difficile, mais Me Cinzia Bertolin a relevé le défi. Pour elle, il n’est pas question de dévaloriser les avocats de pratique libérale pour redorer le blason des avocats BAJ-iste. Et notre Présidente du Jeune Barreau de conclure « Nous devons porter la voix de notre profession dans ce qu’elle a de plus global. Le travail fourni EST de qualité et il a pour but de défendre au mieux les intérêts du justiciable que ce soit sous le couvert de l’aide légale ou pas. (…) Nous devons faire front ensemble face à cet oubli de la part du politique. Remettre de l’ordre, donner des moyens à cette autre déesse qu’est Thémis, déesse de la Justice, et rendre à notre système toutes ses lettres de noblesse. (…) … C’est la justice, elle-même qui doit être sauvegardée. »

Autre tradition dans notre beau Barreau, le Bâtonnier synthétise les deux propos.  Dans son discours, Me Emmanuelle Attout a donc remis « l’église au milieu du Village » : «  les avocats qui garantissent la noblesse de notre métier, sont ceux qui travaillent bien, qui ont à cœur de défendre leurs clients en les écoutant, en les conseillant, en leur proposant si cela semble adéquat les modes alternatifs de règlement des conflits, en les assistant devant le magistrat, en leur expliquant tout au long de la procédure ce qu’il va, ou risque de se passer. C’est cela être avocat avec un grand A, et peu me chaut s’il est payé sur base de points ou d’heures prestées. »

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Mais, il est acquis que la Justice et notre état de droits ne vont pas bien. Madame le Bâtonnier Attout conclut dès lors les discours en nous rappelant que : « L’Avocat a parfois la réputation de contester pour contester. Cette fois, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. L’Avocat, comme toute personne soucieuse du respect de chacun se doit de contester, se doit de réagir, et peut-être de se transformer en guerrier pour que notre démocratie soit sauvée car elle est en danger. »

Pourvu que ces mots raisonnent fortement et longtemps dans ce lieu de démocratie qu’est l’Hôtel de Ville de Charleroi ! Et comme il était encore nécessaire de faire comprendre à nos décideurs que « nous étions dans la place », nous avons pris l’apéritif dans le hall.

La journée s’est poursuivie par la soirée de gala et sa traditionnelle revue.

Encore un grand cru cette année. La revue nous a fait danser et chanter. Les textes étaient parfaits, les chansons parodiées bien choisies. 

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Lorsque le Barreau de Charleroi est lancé, il fait de son mieux pour faire belle figure. Nous avons donc veillé à maintenir notre réputation jusqu’aux petites heures de la nuit.

Le réveil fût inévitablement difficile pour ceux qui avaient rendez-vous le lendemain matin au Bois du Cazier pour la visite culturelle et le brunch de Madame le Bâtonnier. Mais nous avons fait face et tenu bon jusqu’au soir. Le passage traditionnel (nous sommes très portés sur la tradition …) au café des sports n’a pas entamé notre détermination. Que du contraire.

Ce dur week-end s’est clôturé le samedi soir par la soirée de Mme La Présidente du Jeune Barreau. Les yeux fatigués, nous avons remis le couvert et avons, une année encore, fêté dignement notre Conférence du Jeune Barreau de Charleroi. 

Elle est faite ! 

Bisou m’chou, à l’année prochaine !

Odile Deladriere,
Avocate au barreau de Charleroi

 

A propos de l'auteur

Odile
Deladriere
Avocate au barreau de Charleroi

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