Attention, pour comprendre le cas, n’hésitez pas à vous munir d’un calepin et d’un crayon pour y tracer un schéma !
Il s’agit en l’espèce de l’intervention de Me X, qui, selon le confrère, Me Y, qu’il rencontre dans le cadre d’une procédure, suscite des difficultés au regard du secret professionnel, des devoirs d’indépendance et de loyauté, ainsi qu’en matière de conflits d’intérêts dans le chef du premier nommé.
Il y a une dizaine d’années, Me X avait été consulté par Madame B et Messieurs C et D, tous trois enfants légitimes issus du premier mariage de feu Monsieur A.
Les trois enfants légitimes ont perçu leurs parts dans la succession de leur père.
S’est ensuite posée la question de la vocation des enfants du premier lit, Madame B ainsi que Messieurs C et D, à hériter de la seconde épouse de leur père : c’est à ce propos que Me X fut consulté.
Monsieur « C » est décédé dans le cours du litige, laissant deux enfants légitimes, Madame C1 et Monsieur C2.
Me X a, dans ce cadre, notamment tenu une réunion avec Madame C1.
Les clients ont par la suite décidé de ne pas diligenter ce litige lié à la succession de la seconde épouse de leur père et grand-père (Monsieur A).
Il est ensuite apparu que Monsieur C avait eu, dans les années 70, un enfant illégitime, Monsieur C3, lequel avait été reconnu par Monsieur C.
Récemment, Me X a lancé, au nom de Monsieur C3 une citation contre Madame C1 et Monsieur C2.
Me Y, actuel conseil de Madame B et Monsieur D, estime que Me X ne peut intervenir contre ses anciens clients B et/ou D, d’autant que Me X a produit une créance d’honoraires et frais à la succession de Monsieur C (dans le cadre du dossier lié à la succession de Monsieur A) et qu’au nom de son nouveau client, Monsieur C3, il reproche aux enfants (Madame C1 et Monsieur C2) de son ancien client Monsieur C, d’avoir caché l’existence de Monsieur C3 en tant qu’héritier de leur père.
Alors, que faire ?
Il a déjà été décidé que la règle selon laquelle il est interdit à l’avocat de consulter ou de plaider pour une partie, s’il a déjà été consulté ou a plaidé, dans le même litige, pour une autre partie ayant un intérêt opposé, ne souffre aucune exception, le secret professionnel et le principe de loyauté devant rester entiers (in Recueil des règles professionnelles de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, 2023, n° 830).
L’article 5.40, 2e tiret du CODEON prévoit quant à lui que l’avocat ne peut intervenir lorsqu’il devrait à cette occasion « faire usage d’informations propres à un autre client ou ancien client, à moins qu’elles ne soient dans le domaine public ».
Le simple risque d’un tel conflit d’intérêts suffit à empêcher l’avocat d’intervenir contre un ancien client.
Me X a confirmé qu’il avait, en son temps, reçu certains de ses anciens clients en consultation (notamment Madame C1) et qu’il détenait un dossier relatif à cette affaire.
A cela s’ajoute le fait qu’il s’estime personnellement créancier de la succession de Monsieur C...
Dès lors, le colloque singulier qui s’est créé entre Me X d’une part, et Madame C1 et Monsieur C2 d’autre part, interdit à Me X d’intervenir pour Monsieur C3, sous peine de violer le secret professionnel auquel il reste tenu vis-à-vis de Madame C1 et Monsieur C2.
Le fait que le litige qu’il mène pour Monsieur C3 porte sur la succession de leur père, Monsieur C, met en outre en péril l’indépendance de Me X puisqu’il s’estime créancier de frais et honoraires à l’égard de la succession de Monsieur C.
Vous avez tout suivi ?
Jean-Noël Bastenière
Administrateur