« Derrière la robe, nos biais inconscients »[1]
On parle souvent de « stéréotypes » et de « préjugés » (ou biais inconscients), mais de quoi s’agit-il vraiment ?
Les stéréotypes sont des croyances généralisées, souvent simplifiées et rigides, sur un groupe de personnes, qu'elles soient positives ou négatives. Par exemple, penser qu’un·e stagiaire issu·e du même milieu social que soi sera forcément un·e excellent·e avocat·e.
Les préjugés, eux, sont des jugements ou attitudes émotionnelles, souvent négatives, basées sur ces stéréotypes. C’est le cas, par exemple, lorsqu’on refuse d’engager une femme en pensant (peut-être inconsciemment) qu’elle privilégiera sa vie familiale au détriment de sa carrière.
Ces biais s’expliquent par notre tendance naturelle à classer et simplifier l’information, pour mieux comprendre et appréhender la complexité du monde. Face à une surcharge d’informations, notre cerveau crée des catégories mentales qui influencent nos actions, nos comportements et nos décisions vis-à-vis des autres. En tant qu’êtres humains, et avocat·es de surcroît, nous portons toutes et tous des stéréotypes et des préjugés, souvent de manière inconsciente. Il ne s’agit pas d’en avoir honte, mais d’en prendre conscience.
La difficulté, cependant, réside dans le fait que ces biais peuvent mener à des discriminations ou à des malentendus, tant dans la sphère personnelle que dans la vie professionnelle et sociale. Le racisme, le sexisme, la xénophobie, l’homophobie ou la transphobie ne sont que quelques exemples – non exhaustifs – d’idéologies ou de systèmes sociaux qui nourrissent ces stéréotypes et préjugés à l’égard de certains groupes.
Cet enjeu est particulièrement tangible dans notre quotidien d’avocat·e :
- Certains profils de clients ou de dossiers sont-ils inconsciemment privilégiés en fonction de leur origine, de leur genre ou de leur parcours ?
- Certaines tâches ou responsabilités spécifiques sont-elles attribuées à des collaborateurs ou collaboratrices en raison de leur origine sociale ou de leur genre ?
- L’évaluation de la crédibilité d’un témoin ou la stratégie de défense adoptée est-elle influencée par le biais de préjugés inconscients ?
Probablement. Comment y remédier ?
La première étape consiste à prendre conscience des réalités sociales qui nous entourent : le racisme et le sexisme, pour ne citer qu’eux, sont des réalités ancrées dans notre société.
Ensuite, il s’agit d’identifier nos propres biais inconscients, afin d’en limiter l’impact sur nos décisions et nos actions. Cela peut passer par la participation à des formations dédiées ou la mise en place de guides pour objectiver nos décisions. Surtout, nous devons pouvoir nous auto-interroger : avant de prendre une décision ou d’émettre une remarque à l’intention d’un·e collègue ou d’un·e client·e, posons-nous la question : « Suis-je en train d’agir de manière biaisée ? »
Ces démarches, certes non aisées, permettent de progresser vers une « meilleure version » de soi-même et de contribuer, à son échelle, à davantage de diversité et d’inclusion. Il ne s’agit pas seulement de tolérer les différences, mais aussi d’accepter de remettre en question ses propres stéréotypes et préjugés.
Juliette Detrixhe
Avocate au barreau de Bruxelles
[1] La théorie reprise dans cet article s’inspire du site https://biais-cognitif.com/biais/stereotypes-et-prejuges/ que l’auteure vous invite à consulter pour davantage d’informations.
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