Contrairement à certaines entités fédérées, le gouvernement fédéral n’a pas demandé les pouvoirs spéciaux pour cette deuxième vague de la crise du coronavirus. Ce ne sont donc plus des arrêtés royaux pris en vertu des pouvoirs spéciaux qui sont attendus mais bien une loi coronavirus. Il est vrai qu’il y en avait déjà eu deux du temps du précédent gouvernement : des lois pots-pourris corona !
Il est incontestable que l’avantage d’une loi est le respect du débat démocratique par les élus. L’inconvénient est sans doute de vouloir reprendre, dans une seule et même disposition législative, des règles dans des matières très diverses.
L’avant-projet de loi qui nous a été transmis évoque des choses aussi diverses que la prestation de serment par écrit, la gratuité des procurations notariées, l’instauration de la liquidation immédiate de sociétés, etc. Il y a donc des choses qui concernent directement les avocats et d’autres moins. La plupart des mesures sont prévues pour une durée limitée au … 31 mars 2021 avec une possibilité de les prolonger par un arrêté royal.
Tout d’abord, le ministre de la justice nous demande notre avis. Ce n’est pas une obligation en son chef et c’est à souligner. Nous ne pouvons qu’apprécier cette vision démocratique de se tourner vers les professionnels du droit. Comme il demande cet avis, même en urgence, nous le donnons. Il reste à espérer qu’il en tiendra compte.
Parmi les 29 chapitres de cet avant-projet, de manière aléatoire, j’en choisis trois que j’évoque ici :
- en matière d’insolvabilité des entreprises, le ministre veut privilégier la dissolution judiciaire immédiate à la procédure de faillite. Les constats de l’exposé des motifs sont erronés et les effets d’une telle mesure sont pervers. Une telle loi serait contraire à l’ordre public économique en permettant à des personnes qui devraient être poursuivies devant les juridictions d’échapper à tout jugement qu’il soit à caractère pénal ou civil. AVOCATS.BE n’en veut pas.
- en matière d’exécution des peines, l’avant-projet de loi ne prévoit pas de réintroduire la possibilité du congé pénitentiaire prolongé alors que la formule avait fait ses preuves lors de la première crise sanitaire. Les congés, les permissions de sorties (y compris celles accordées par le tribunal de l’application des peines) et les détentions limitées pour les détenus et pour les internés sont purement et simplement suspendues jusqu’en mars 2021. La seule ouverture de libération anticipée COVID-19 est accordée au condamné qui se trouve 6 mois avant le fond de peine. Cela n’est pas admissible.
- en matière de procédure, l’avant-projet généralise la procédure écrite et la vidéoconférence même en cas de désaccord d’une partie. AVOCATS.BE est totalement opposé à cette mesure que nous estimons contraire à la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Sur le principe, nous considérons que dans le contexte sanitaire actuel, il est raisonnable d’avoir plus largement recours, mais uniquement lorsque les parties sont d’accord, à la procédure écrite et à la vidéoconférence. Les parties doivent rester maîtres de la procédure.
La grande crainte qu’un tel projet de loi inspire est le caractère manifestement pérenne de certaines dispositions. La crise du coronavirus ne doit pas être l’occasion de modifications de lois, adoptées dans l’urgence, qui perdureront au terme de celle-ci. Nous ne sommes pas naïfs. Certaines modifications ne sont nullement justifiées par la crise elle-même mais sont proposées en profitant de la crise. Cela n’est pas admissible.
A titre d’exemple, comment justifier la proposition de favoriser la dissolution immédiate par la crise ? Rien ne permet de le faire. La seule volonté semble bien être de faire passer en urgence une réforme mûrement réfléchie mais dont les praticiens de l’insolvabilité ne veulent pas.
Ce ne sont là que trois exemples. Il me faut cependant aussi souligner que, dans cet avant-projet, il y a de bonnes dispositions, légitimes, en cette période de crise : modifications temporaires du Code des Sociétés et Associations en matière d’assemblées générales, prolongation de la légitimation des mesures temporaires concernant le dépôt des requêtes, allongement des délais pour fournir les pièces justificatives dans le cadre de l’aide juridique de deuxième ligne, mesures à l’égard de l’assemblée générale des copropriétaires, …
Bref, comme souvent, de bonnes et de mauvaises choses. Gardons les bonnes et tentons de faire changer les mauvaises.
Votre très dévoué.
Xavier Van Gils,
Président