Relations entre les barreaux et la Cour européenne des droits de l’homme

La Cour européenne des droits de l’homme et le C.C.B.E./les barreaux ont pu tenir une nouvelle réunion d’échanges le 22 octobre 2021. Ces rencontres sont précieuses car elles sont l’occasion pour les avocats de faire part de leurs revendications et, pour la Cour, de communiquer des messages qui ne se trouvent pas sur son site internet ou dans ses communiqués de presse.

Les avocats n’ont pas manqué de faire part de leurs doléances, notamment par rapport au formalisme et aux difficultés techniques liées à l’usage des formulaires de requête devant la Cour. Ont aussi été soulevés le fait que les avocats ne reçoivent pas d’accusé de réception de leurs requêtes et le fait que le filtrage de la recevabilité se fait le plus souvent au niveau du greffe, même si un juge est susceptible d’intervenir. Est également revenu sur la table des discussions, le fait que les décisions d’irrecevabilité de la Cour ne sont pas ou peu motivées. Les avocats s’en plaignent depuis longtemps et la Cour a assuré qu’elle continuait de réfléchir à la question au vu des moyens limités dont elle dispose et du défi que représente son important arriéré. Il reste en effet plus de 60.000 requêtes pendantes devant la Cour, dont la grande majorité concernent la Russie, la Turquie et l’Ukraine. En attendant, les avocats sont vivement invités à consulter le site de la Cour (HUDOC) sur lequel se trouve notamment un relevé des erreurs les plus communes pouvant mener à une décision d’irrecevabilité.

La Cour a rappelé que les avocats et les barreaux ont toujours la possibilité de contester une décision d’irrecevabilité ou d’expliquer par exemple pourquoi une requête n’aurait pas pu répondre aux conditions de forme requises. Tel serait par exemple le cas d’une impossibilité de réunir la signature de l’avocat et du client sur la requête en raison du fait que le client est détenu à l’étranger. 

La Cour fait savoir que des lignes directrices seront bientôt publiées sur son site concernant les tierce-interventions. Pour rappel, le délai pour ces interventions est de 12 semaines à partir du jour où le cas est rendu public sur le site de la Cour (HUDOC). 

Elle demande aux barreaux de rappeler aux avocats l’entrée en vigueur du Protocole 15 et la réduction du délai de 6 à 4 mois pour la saisir. Voyez à ce sujet l’article publié dans la Tribune européenne n° 10.

A l’avenir, la Cour va mettre l’accent sur les cas « IMPACT » dans la logique d’une nouvelle politique de stratégie des cas prioritaires. Dans cette logique, on voit déjà qu’un nombre plus important d’affaires sont portées devant la grande chambre. L’identification de ces dossiers est importante pour la Cour, qui indique par exemple que, parmi ses défis, se trouvent les affaires liées à l’environnement et au changement climatique.

Concernant les autres affaires, la Cour leur accordera un traitement encore plus simplifié. Les arrêts seront rédigés de manière plus concise.

En attendant, le développement et la sécurisation de la plateforme « ecomms » (une sorte de D.P.A. au niveau de la Cour, lancée en 2018) continue. Pour l’instant 4500 avocats y ont déjà un compte et des accès vont être créés pour des tiers intervenants. Cette plateforme devrait permettre de pouvoir remplir un formulaire de requête (article 47) en ligne avec, à terme, la possibilité de signer électroniquement et de télécharger des fichiers multimédias. Il devrait en être de même pour une requête en mesure urgente et provisoire sur base de l’article 39 du règlement de la Cour.

Pour l’instant, seul le réseau d’échange de la Cour avec les Cours supérieures nationales dispose d’un système fonctionnant déjà depuis plusieurs années et qui contient un forum de discussions, un accès à des ressources de jurisprudence et d’actualités et la possibilité de poser une question. Il pourra aussi récolter bientôt des fichiers multimédias.

Quant à la phase non contentieuse, à l’essai depuis 2019 dans le but de tenter de réduire l’arriéré, elle concerne 9% des requêtes. Elle devrait bientôt faire l’objet d’une évaluation.

Si une proposition de règlement amiable est faite par la Cour dans une affaire, c’est qu’il y a une forte probabilité de constat d’une violation de la Convention. Cependant, le greffe ne propose pas de règlement amiable dans des « cas limites », c’est-à-dire des cas complexes ou des cas où il est difficile d’évaluer le préjudice (et donc de proposer un montant d’indemnisation en se basant sur la jurisprudence de la Cour). Dans ces cas, la phase contentieuse débute directement. Attention, faute de commentaire sur une proposition de règlement amiable, un gouvernement peut l’interpréter comme n’impliquant pas d’objection à la proposition. Et si un règlement amiable n’est pas respecté, l’affaire peut être remise sur le rôle, ce qui s’est déjà présenté. 

Les avocats ont demandé que les propositions de règlement amiable avec paiement d’une somme d’argent puissent être assorties d’un délai de paiement et reçoivent une force exécutoire en droit interne. En effet, de nombreux pays ne respectent pas ces règlements. De plus, les avocats ont soulevé la perte de temps que pouvait constituer les propositions de règlement amiables dans les affaires non répétitives vis-à-vis de certains Etats qui les refusent généralement (au contraire des affaires répétitives où elles ont tendance à être acceptées et dans lesquelles les sommes proposées pourraient être plus élevées).

En guise de conclusions retenons que la Cour a identifié les quatre défis suivants pour l’avenir :

  1.  Ne pas permettre l’usage des requêtes massives portées devant elles (comme lorsque récemment un particulier a invité le grand public à inonder la Cour de recours sur la question du pass sanitaire. La Cour a déclaré tous ces recours irrecevables…) 
  2.  L’augmentation des recours inter-étatiques.
  3.  Le nombre croissant de recours importants et urgents identifiés de catégorie IV (17.800 affaires) dont le traitement peut pourtant prendre +/- 6 ans, ce qui n’est pas acceptable.
  4.  L’augmentation des affaires liées aux changements climatiques

Céline Verbrouck
Avocate associée ALTEA
Spécialiste en droit des étrangers et droit international privé de la famille
Membre de la délégation permanente du CCBE près de la Cour européenne des droits de l’homme pour AVOCATS.BE 

A propos de l'auteur

Céline
Verbrouck
Avocate au Barreau de Bruxelles

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