Après plusieurs reports par son prédécesseur depuis 2019, le Ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne a finalement décidé, malgré la vive opposition des avocats, de lancer la plateforme informatique du registre central des personnes protégées (RCPP) ce 1er juin 2021. Cette plateforme est également accessible via DPA (sous l'onglet "Mes applications").
L’idée d’informatiser ce contentieux est évidemment louable. Ce qui l’est moins, c’est la manière.
Depuis près de deux ans, le cabinet a confié l’établissement de cette plateforme à la société AXI. Malgré les très nombreuses demandes de l’O.V.B. et d’AVOCATS.BE, nous n’avons pas été consultés durant tout le processus de développement de celle-ci. Ce n’est qu’il y a deux mois que nous avons enfin pu/dû désigner trois confrères-administrateurs pour tester la plateforme dans deux barreaux (Brabant Wallon et Eupen). La conclusion est sans appel : ce programme est sans doute très bien mais absolument pas prêt !
Nous en avons fait part au Ministre par un courriel circonstancié. Il nous a répondu par un courrier postal du 20 mai, reçu le 31 mai, demandant une réaction pour le 25 mai… On pouvait difficilement faire mieux si on voulait éviter toute réaction de notre part !
Les difficultés sont nombreuses et il faudra sans doute un certain temps pour les résoudre. Parmi celles déjà relevées :
- Difficultés répétées de connexion avec la carte d’identité et/ou avec la carte d’avocat ;
- Instabilité du programme et éjections récurrentes après quelques manipulations ;
- Accès désordonné aux dossiers (absence de dossiers, présence de dossiers de tiers, …) ;
- Encodage fastidieux ;
- Impossibilité de modifier des erreurs d’encodage ;
- Impossibilité de valider le travail finalisé et de le retrouver ensuite sur la plate-forme ;
- Non-réception des envois par les greffes, et ce malgré une confirmation par le programme;
- Impossibilité de joindre des annexes ;
- Les décomptes poste par poste des « rentrées » et des « charges » n’ont pas été supprimés ;
- Problèmes linguistiques (sémantique inexacte et/ou traductions hasardeuses) ;
- Impossibilité pour les collaborateurs de travailler sur la plateforme (!) ;
- Inquiétudes (installation technique, accessibilité, formation, …) quant à la mise à disposition de « kiosques » dans les greffes pour l’accès à l’informatisation des administrateurs non-professionnels (et moins familiarisés avec les procédures numériques) ;
- Conformité du programme avec le RGPD : qui aura accès (magistrats, greffiers, … parquet, SPF Finances, … huissiers de justice, notaires, …) aux données (très) sensibles des personnes protégées que brassera le RCPP ?
- …
Certaines questions pourront être réglées rapidement sans doute. D’autres sont plus fondamentales. Telle était la raison essentielle de notre demande de report mais le Ministre ne l’a pas voulu, ne se rendant manifestement pas compte des dégâts que cela va occasionner pour les administrateurs mais aussi pour les Juges de Paix et les greffiers, et surtout pour les justiciables !
Cette plateforme est devenue, depuis le 1er juin 2021, le seul moyen, pour les professionnels, d’introduire des requêtes ou des rapports dans le cadre des administrations. Nous avons donc demandé aux Juges de Paix d’être particulièrement tolérants en cette période de lancement qui risque de prendre bien du temps compte tenu de la précipitation du Ministre.
Nous serons présents à la « taskforce » mise en place par le cabinet pour relayer les doléances des avocats. Nous vous invitons à transmettre vos observations à vos syndics ou via l’adresse administrations@avocats.be.
Nous ferons tout ce que nous pourrons pour limiter les dégâts de cette précipitation.
Parmi les priorités que nous exigeons, il y a celle de permettre à des collaborateurs de travailler avec ce programme. Ce simple exemple est la démonstration de l’absence de toute prise en compte de la réalité quotidienne de notre profession et il en dit long !
Mais, pour terminer sur une note constructive, nous sommes confiants que, d’ici quelques semaines, la majeure partie des dysfonctionnements seront résolus, notamment grâce aux informations que vous nous relayerez, et que cette informatisation sera au final une plus-value dans la pratique quotidienne des administrateurs de biens et de la personne.
Quentin Rey,
Administrateur