Dans la déclaration gouvernementale, le premier ministre n’a évoqué que de manière très sommaire le sujet de la justice (volonté de poursuivre l’informatisation et exécution des peines de moins de 3 ans). Pour plus détails, il faudra attendre la note de politique générale du ministre de la justice qui sera dévoilée dans les prochaines semaines. Entre-temps, la commission de la justice de la Chambre examine le projet de loi du ministre visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme. Des auditions sont par ailleurs organisées concernant le droit pénal sexuel. AVOCATS.BE sera entendu le 27 octobre prochain.
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1. Dépôt des requêtes – E-deposit
Le 1er octobre dernier a été publié au moniteur belge l’arrêté royal du 29 septembre 2021 modifiant l'arrêté royal du 16 juin 2016 portant création de la communication électronique conformément à l'article 32ter du code judiciaire.
Ce texte vise à pérenniser la disposition introduite par la loi du 20 mai 2020 portant des dispositions diverses en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 concernant la possibilité de déposer au greffe d'une juridiction tout acte introductif d'instance ou de recours et toute requête ou demande quelconque adressée au juge, et leurs annexes, via le système informatique de la Justice e-Deposit.
Auparavant, le dépôt par e-Deposit n'était possible d'un point de vue juridique que pour les affaires déjà en cours. Cette limitation a été supprimée au début de la pandémie de COVID-19.
Il va de soi que le présent arrêté ne s’applique que dans le cadre de l'article 32ter du code judiciaire et ne concerne que les actes qui font l'objet d'un dépôt au greffe. A titre d'exemple, les citations effectuées par exploit d'huissier ne sont pas déposées au greffe mais bien signifiées. Elles ne sont donc pas concernées par l'article 32ter du code judiciaire ni, a fortiori, par le présent arrêté. La signification électronique des citations a lieu conformément à l'article 32quater/1 du code judiciaire.
A noter qu’il sera possible de déposer les requêtes via DPA-Deposit au début de l’année 2022.
2. Audit de l’Office des étrangers
Pour rappel la déclaration de politique générale du Secrétaire d’État à l’asile et à la migration prévoit, conformément à la déclaration gouvernementale, un audit externe de l’Office des étrangers.
Cet audit faisait partie des propositions émises par AVOCATS.BE en 2019 dans son mémorandum sur la politique migratoire, rédigé en vue des élections législatives.
Le Secrétaire d’Etat a lancé un appel d’offres pour désigner l’entreprise qui procédera à l’audit.
En juin 2021, Jean-Marc Picard, président de la commission migrance d’AVOCATS.BE avait sollicité, avec l’O.V.B. et les organisations Vluchtelingenwerk Vlaanderen et le Ciré, qu’un comité d’accompagnement soit mis en place, où AVOCATS.BE, et ces organisations seraient présentes, et précisé qu’à leur avis, l’audit ne pouvait pas se limiter aux aspects purement économiques du fonctionnement de l’Office.
Le Secrétaire d’Etat s’est contenté de répondre qu’ils seraient consultés durant l’audit.
AVOCATS.BE considère que ce n’est pas suffisant. Vu l’absence de réponse sur la demande de création d’un comité d’accompagnement, un courrier a été adressé le 15 octobre 2021 par AVOCATS.BE, l’O.V.B., les organisations Vluchtelingenwerk Vlaanderen et le Ciré aux membres e la commission de l’intérieur de la Chambre afin de leur demander d’appuyer la demande de création d’un comité d’accompagnement de l’audit des instances de la migration et de l’asile et de prévoir que les institutions signataires du courrier puissent y siéger.
3. Internement
AVOCATS.BE a pris connaissance du projet de loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme.
Plusieurs articles de ce projet concernent l’internement et le sort réservés aux personnes internées, qui sont avant tout des personnes souffrant de pathologies mentales.
Rappelons qu’en la matière, la Belgique a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. De manière répétée, la Cour a enjoint à la Belgique d’organiser la matière de l’internement conformément à la dignité des détenus. Le dernier arrêt en date (W.D./Belgique, 6 septembre 2016) est un arrêt pilote. La Belgique doit donc rendre des comptes.
Plutôt que de prendre les mesures appropriées pour se conformer à la jurisprudence de Strasbourg et assurer des conditions de vie dignes à des personnes particulièrement fragilisées, le projet prévoit de « légaliser » le séjour des internés placés ou dont la libération à l’essai a été révoquée dans les annexes psychiatriques des prisons. Les articles 126 et 129 du projet tendent en effet à permettre le placement à l’annexe des personnes internées, ce que le parquet fait déjà actuellement hors de tout cadre légal.
Il s’agit incontestablement d’un retour en arrière, dans la mesure où le législateur avait pris soin de limiter les incarcérations en prison dans sa loi du 5 mai 2014 relative à l’internement.
Dans un avis envoyé au cabinet du ministre et aux membres de la commission intérieur de la chambre, AVOCATS.BE demande que ces articles soient purement et simplement retiré du projet.
4. Lutte contre le vol de vélos
Sur proposition du ministre de la Mobilité Georges Gilkinet, le Conseil des ministres a, le 24 septembre 2021, marqué son accord sur la mise en place, au niveau fédéral, d’un Plan d’action pour la promotion du vélo 2021-2024.
Le Plan d’action est constitué de mesures uniquement basées sur des compétences fédérales, chacune dans les compétences de son ou sa ministre ou secrétaire d’Etat. Chaque ministre et secrétaire d’Etat veillera sur l’approbation nécessaire et la mise en œuvre de ses mesures.
Ce plan prévoyant notamment de lutter contre le vol de vélo, le ministre de la Justice a indiqué que dès le 1er janvier prochain, le voleur de bicyclette se verra sanctionné d’une amende de 250 € qui lui sera directement infligée par le policier qui aura constaté le fait et la percevra par un QR Code ou un Bancontact.
Les présidents d’AVOCATS.BE et de l’OVB ont réagi via une carte blanche publiée dans le Soir et le Standaard le 30 septembre 2021.
5. Avant-projet de loi portant des dispositions diverses en matière d’organisation judiciaire et introduisant le parquet de la sécurité routière
Pour rappel, l’avis d’AVOCATS.BE a été sollicité cet été au sujet d’un avant-projet de loi portant des dispositions diverses en matière d’organisation judiciaire II. Celui-ci concernait principalement les juridictions bruxelloises (voir note d’actualités du mois de septembre).
En réalité, cet avant-projet ne constitue qu’une branche d’un avant-projet de loi plus large comprenant également un autre volet, prévoyant notamment la création du parquet de la sécurité routière.
- Au sujet de la création du parquet de la sécurité routière, Vincent Van Quickenborne a été interrogé en commission justice de la Chambre le 29 septembre 2021 par les députés Philippe Pivin (MR) et Sophie Sophie De Wit (N-VA).
Extraits de la réponse : « La mission principale du nouveau parquet sera de traiter les dossiers d'infraction initiés par une perception immédiate. Une concertation avec les Régions est activée. La création d'un nouveau parquet diminuera les marges de tolérance, ce qui aura un effet positif sur la sécurité routière. Je salue le travail de Mme De Bue en la matière.
Le nouveau parquet reprendra, par ailleurs, une partie substantielle du travail administratif actuellement accompli par les parquets de police. La gestion de gros volumes de perceptions immédiates ou l'exécution des certificats européens requiert aussi une certaine forme de centralisation. Le parquet national prêtera son concours à la concrétisation d'une gestion cohérente et uniforme de ces infractions routières. Nous attendons à présent l'avis du Conseil d'État. Ce projet de loi est du reste partiellement inspiré de l'exemple français ».
Dans sa réplique, Sophie De Wit se réfère à l’avis du C.S.J. qui considère que le projet est insuffisamment motivé.
- A noter que l’avis du C.S.J., qui porte sur l’intégralité de l’avant-projet, évoque également la question de l’examen oral d’évaluation. Cette partie du texte n’a pas été soumise à AVOCATS.BE qui a toutefois d’initiative suggéré dans son avis que le quota de magistrat pouvant être nommés via la troisième voie soit porté de 14 à 30 %°.
Extrait de l’avis du C.S.J. : « Le CSJ n'est pas favorable à ce que le nombre maximum de magistrats recrutés via l'examen oral d'évaluation soit déterminé au niveau national plutôt que par ressort. La faible augmentation du nombre de magistrats ainsi recrutés ne compenserait pas le risque d’une répartition inégale de ceux-ci. Il deviendrait possible, par exemple, de concentrer une grande partie des magistrats recrutés via l'examen oral d'évaluation dans une seule partie du pays, un seul ressort ou une seule entité. Le CSJ préconise donc de conserver le ressort comme base de calcul.
Si le CSJ est suivi dans cette voie - c’est-à-dire le quota de 15% du cadre de la catégorie de magistrats concernée par ressort - il faudrait que ce quota passe à 20% par ressort sous peine de maintenir la paralysie à Bruxelles et à Liège pour les fonctions de juge de paix et de police.
Toutefois, si la base de calcul devait être élargie, celle-ci mériterait de l’être non pas au niveau national mais au regard de la catégorie de magistrats appartenant au même rôle linguistique. Cela permettrait d’éviter une répartition déséquilibrée des magistrats recrutés via l’examen oral d’évaluation entre les rôles linguistiques.
Enfin, Il serait également souhaitable que le législateur consacre le fait que la notion de quota s’applique uniquement aux « primo-nominations » sous peine de porter une atteinte discriminatoire aux possibilités de carrière des personnes qui exercent déjà la fonction de magistrat, conformément à la réponse apportée par la Cour constitutionnelle à la question préjudicielle relative à l’article 187ter du Code judiciaire posée par le Conseil d’État. »
6. Nouveau règlement et composition de la Commission fédérale de médiation
Vincent Van Quickenborne a été interrogé à plusieurs reprises ces dernières semaines au sujet de la Commission fédérale de médiation qui suscite, dans le Nord du pays semble-t-il, des critiques de deux ordres :
- Remise en cause du nouveau règlement de la C.F.M. en ce qui concerne les programmes de formations :
Le ministre a tenu à rappeler qu’il ne jouait aucun rôle dans l’élaboration du règlement mais que son cabinet avait organisé une concertation et qu’il avait été décidé que le règlement sera réexaminé. - Composition de la C.F.M.:
Certains se plaignent de ce que plusieurs catégories professionnelles (cad les juristes) sont surreprésentées au sein du bureau de la Commission fédérale de médiation (C.F.M.), alors même que les médiateurs du troisième groupe – c'est-à-dire des médiateurs qui n'exercent pas la profession d'avocat, de notaire, d’huissier de justice ou de magistrat – sont sous-représentés.
Pour rappel, L'idée de faire appel à des acteurs de médiation pour la composition de la C.F.M. trouve son origine dans la loi du 21 février 2005, qui a prévu que la commission générale et les trois commissions spéciales seraient composées de deux avocats, deux notaires et deux membres tiers. Telle était la composition de la C.F.M. jusqu'à la nouvelle loi sur la médiation de 2018. Depuis 2018, ce système n'a été appliqué que pour la composition du bureau, afin d'éviter tout excès de corporatisme.
Le ministre de la justice considère que la composition globale de la C.F.M. n'est pas disproportionnée, mais reconnait que deux catégories de professions juridiques ont été ajoutées à la composition du bureau lors de la dernière réforme : les magistrats et les huissiers de justice, ce qui augmente la part des juristes. Le ministre de la justice estime qu’à terme il faudra évaluer si le bureau atteint un bon équilibre.
Le ministre a indiqué qu’il souhaitait introduire un projet de loi en vue d'examiner les dispositions relatives à la médiation et de remédier à certains vices de forme. Il ne s’agira pas d’une réforme sur le fond. S'il s'avère nécessaire de modifier l'arrêté royal, notamment après l'évaluation, il s’engage à faire le nécessaire ».
Laurence Evrard,
Responsable des actualités législatives