Dans un arrêt du 3 février 2022, la Cour constitutionnelle a considéré que l’article 4, § 2, alinéa 3[1], de la loi du 19 mars 2017 « instituant un fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne » viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu’il laisse à charge du demandeur ayant obtenu gain de cause la contribution au fonds d’aide juridique dans l’hypothèse où la partie défenderesse succombante bénéficie de l’aide juridique de deuxième ligne.
La Cour estime donc que la règle, selon laquelle la contribution au fonds d’aide juridique est laissée à charge du demandeur qui obtient gain de cause contre un défendeur bénéficiant de l’aide juridique de deuxième ligne, est inconstitutionnelle.
Concrètement, lors de l’introduction d’une action en justice, le demandeur non-bénéficiaire de l’aide juridique doit, en vertu de la loi du 19 mars 2017, payer une contribution, de 22 euros actuellement, au fonds d’aide juridique.
Si le demandeur gagne le procès, le défendeur rembourse en principe la contribution.
Ce n’est toutefois pas le cas si le défendeur bénéficie de l’aide juridique de deuxième ligne ou de l’assistance judiciaire (article 4, § 2, alinéa 3, de la loi du 19 mars 2017).
Le Juge de paix d’Arlon a interpellé la Cour constitutionnelle via une question préjudicielle afin de savoir si cette réglementation n’est pas discriminatoire.
La Cour constate que le Législateur poursuit un double objectif. Premièrement, il veut faire supporter la contribution par la partie succombante. Deuxièmement, il ne veut pas faire supporter la contribution par la partie succombante si celle-ci bénéficie de l’aide juridique de deuxième ligne ou de l’assistance judiciaire.
La Cour considère que la disposition est adéquate à la lumière du second objectif, mais pas au regard du premier.
Le double objectif du Législateur pourrait être pleinement rencontré si le demandeur était remboursé de sa contribution lorsqu’il obtient gain de cause contre un défendeur qui bénéficie de l’aide juridique de deuxième ligne ou de l’assistance judiciaire, ce qui n’est pas le cas dans l’état actuel des choses.
Ne s’agissant que d’une question préjudicielle, et non d’un arrêt d’annulation, il revient à présent au pouvoir législatif de prendre ses responsabilités quant à la problématique.
Si, sur le principe, l’interprétation semble pertinente, elle risque néanmoins d’entraîner des conséquences budgétaires importantes sur le Fonds d’aide juridique, déjà malmené par la crise du coronavirus qui a drastiquement réduit le nombre de procédures introduites et corrélativement de contributions payées au Fonds d’aide juridique (diminution de l’ordre de 29 % en 2021 par rapport à 2020).
Affaire à suivre donc …
Quentin REY
Administrateur
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[1] Sauf si la partie succombante bénéficie de l'aide juridique de deuxième ligne ou de l'assistance judiciaire, ou si le juge estime qu'elle se trouve en ce qui concerne ses moyens de subsistance dans une situation où elle pourrait faire appel à l'aide juridique de deuxième ligne ou à l'assistance judiciaire, la juridiction liquide le montant de la contribution au fonds dans la décision définitive qui prononce la condamnation aux dépens.