Atelier : Droit aux relations personnelles des tiers

Président : Guy Hiernaux

Intervenants : Pascale Ramet et Magali Dufrasne

Rapporteur : Pauline Mailleux


Synthèse des débats

  1. Point de vue de l’avocat (Guy Hiernaux) et interventions

Le principe est énoncé par l’article 8 de la CEDH (consacré par l’arrêt Nevi C. Italie) et par l’article 375bis de l’ancien code civil belge.

Les règles relatives à l’exercice du droit aux relations personnelles ne sont pas identiques pour les grands-parents et pour les tiers. Si dans les deux situations, les demandeurs à l’exercice du droit aux relations personnelles doivent démontrer que celui-ci sera conforme à l’intérêt de l’enfant, il y a une présomption d’existence d’un lien affectif entre l’enfant et les grands-parents : l’action est recevable de ce chef. Par contre, pour que l’action soit recevable, les tiers doivent prouver l’existence d’une relation affective avec l’enfant. En effet, le ou les parents de l’enfant peuvent contester la réalité du lien affectif du tiers à l’égard de l’enfant. Dans les deux situations, le ou les parents peuvent soutenir que l’exercice du droit aux relations personnelles ne serait pas bénéfique pour lui.

Le droit aux relations personnelles des grands-parents est souvent compliqué à mettre en œuvre judiciairement quand les parents de l’enfant sont en conflit avec eux. Parfois, cela met l’enfant au cœur d’un conflit insurmontable. La problématique est difficile à démêler et on se confronte à un mur parce que, malgré le fait que les grands-parents soient généralement soucieux de leur petit-enfant, le parent en conflit avec ceux-ci refuse de présenter l’enfant souvent pour de mauvaises raisons. Le recours à l’audition de l’enfant ou à des formules alternatives comme la médiation sont souvent utiles pour en sortir.

  1. Point de vue de la magistrate (Pascale Ramet) et interventions

Quand des grands-parents introduisent une demande de droit aux relations personnelles, il faut qu’ils le fassent devant le tribunal historique (art. 629bis, §1 C. jud.). S’il y a un tribunal historique, le juge doit lui renvoyer l’affaire (art. 77 de la loi pot-pourri de 2017). S’il n’y en a pas, selon la majorité de la doctrine, le juge de la résidence de l’enfant est compétent. Si le demandeur n’a pas respecté ce principe, c’est le défendeur qui doit le soulever.

Quand un dossier est déjà pendant devant le tribunal de la famille, certains tribunaux acceptent que les grands-parents fassent une requête en intervention volontaire. Ce n’est toutefois pas admis à Namur ni à Bruxelles : il faut déposer une requête en bonne et due forme et l’examen des dossiers se fait séparément.

La demande des grands-parents sera recevable, sauf en cas de défaut d’intérêt. Par exemple, la demande sera irrecevable si elle concerne uniquement la modalisation du droit aux relations personnelles.

Quand la demande émane d’un grand-parent avec son conjoint, le compagnon doit démontrer qu’il a établi un lien affectif avec l’enfant alors que le grand-parent ne doit pas le faire.

  1. Point de vue de la psychologue (Magali Dufrasne) et interventions

Chaque fois que la demande d’expertise émane d’un tiers (souvent les grands-parents), ce sont des situations très complexes pour trois raisons. Premièrement, si un tiers en arrive à faire une demande, c’est qu’il s’agit d’une situation complexe à la base, beaucoup plus que le simple enjeu du maintien du lien. Deuxièmement, l’expertise arrive souvent en bout de course et beaucoup de choses ont été tentées avant (quel est le sens d’aller dire à un enfant qu’il va avoir des contacts avec des gens dont il ne se souvient pas ?). Troisièmement, l’expertise est souvent initiée par les grands-parents, ce qui multiplie les acteurs (deux grands-parents s’opposent aux deux parents). Explications de cas pratiques pour illustrer.

On peut mettre en évidence des processus complexes et intergénérationnels. Il faut veiller à ce que les enfants ne soient pas des victimes collatérales des conflits entre parents et grands-parents et respecter leur intérêt supérieur.

Vu les recompositions familiales de plus en plus fréquentes, les questions complexes liées au droit aux relations personnelles (des beaux-parents notamment) seront de plus en plus nombreuses. La justice et la psychologie ne peuvent pas toujours s’adapter aux changements rapides et on n’a pas encore de recherches sur lesquelles se baser pour voir l’évolution de l’enfant.

Quelques enseignements pour la pratique professionnelle

En cas de conflit entre les parents et les grands-parents, les orienter vers un travail transgénérationnel s’ils l’acceptent. Il faut aussi recentrer les parents/grands-parents sur l’intérêt de l’enfant. Si la situation engendre trop de souffrance pour celui-ci, le juge doit se dire qu’il ne peut pas aller plus loin.

Le tribunal de la famille ne peut pas accorder un droit d’hébergement aux grands-parents de l’enfant ; c’est une prérogative liée à l’autorité parentale et pas au droit aux relations personnelles. Voir arrêt du 3 mai 2023 de la Cour d’appel de Mons (motivations très bien établies).

Parfois, des dossiers sont clôturés par le SAJ ou le SPJ alors qu’ils ne devraient pas l’être (situations où l’enfant est hébergé, en fait, chez un oncle et une tante ou chez ses grands-parents par exemple). Les personnes qui hébergent l’enfant en fait sont alors obligées de saisir le tribunal de la famille pour officialiser la situation. Le protectionnel renvoie la balle au civil. Solution : dans cette situation, si le SAJ considère qu’il n’y a pas d’état de danger, il faut écrire au parquet pour qu’un dossier protectionnel soit ouvert. Si le parquet ne réagit pas, il faut lancer une procédure en urgence contre l’Etat belge sous forme de citation. Exemple de Bruxelles : l’audience d’introduction se fait toujours avec le ministère public (positionnement pour voir s’il est nécessaire qu’il soit présent par la suite) et les avocats peuvent indiquer qu’ils souhaitent que le ministère public soit présent.

La question de la multiplication des formes de parents et du droit à maintenir des relations personnelles avec ceux-ci se pose. Est-ce dans l’intérêt de l’enfant d’être ballotté de famille en famille ? Qui va-t-on sacrifier si on règle ces questions ? Place-t-on le curseur sur l’intensité du lien affectif et sur les besoins de l’enfant ? Il est nécessaire d’avoir un cadre légal en la matière.

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