Chères Consœurs,
Chers Confrères,
La fin de la législature approche. En avril 2024, s’amorce l’entrée en affaires courantes et le gouvernement ne pourra plus déposer de projets de loi.
Nous assistons dès lors à une accélération du processus législatif dont l’impact, tant dans la société que pour l’exercice de notre profession, sera d’importance.
Dans mon dernier éditorial, je vous ai informés de l’avant-projet de loi du Ministre Van Quickenborne sur la modernisation de la profession d’avocat. Lundi matin, les bâtonnières et bâtonniers de l’O.B.F.G. ainsi que le président, le vice-président et l’administrateur en charge Michel Ghislain, se sont réunis avec le président de l’O.V.B. Peter Callens et l’administrateur Jan Meerts afin d’adopter une position commune. Tel a été le cas et celle-ci sera communiquée au cabinet du Ministre cette semaine encore.
De nombreux autres projets de loi sont sur le tapis. Je citerai notamment :
- L’avant-projet de loi relative au statut d’administrateur d’une personne protégée en vue de la modification de l’article 497/5 du Code civil (relatif à la rémunération des administrateurs) pour lequel nous avons pu faire part de nos observations critiques ;
- Le projet de loi dite « anti-casseurs » (projet visant à rendre la justice « plus rapide, plus humaine et plus ferme »), qui a été présenté en commission justice de la Chambre le 7 juin 2023 et, suite à la vive opposition émanant notamment des syndicats, renvoyé au Kern au sein duquel un accord a pu être trouvé ;
- Le projet de loi visant à simplifier la modification du sexe dans l’acte de naissance à l’état civil ;
- Le nouveau projet de loi portant sur la procréation médicalement assistée assouplissant la loi du 6 juillet 2007, présenté le 7 juin 2023 en commission santé de la Chambre ;
- Le 7 juin 2023, la commission santé et égalité de la Chambre a voté le projet de loi sur la prévention et la lutte contre les féminicides, les homicides fondés sur le genre et les violences qui les précèdent ;
- L’avant-projet de loi établi par le cabinet du vice-Premier Ministre Dermagne visant à renforcer la loi Renault suite à la restructuration du groupe Delhaize et des conflits sociaux que celle-ci a générés.
À cette liste non-exhaustive s’ajouteront les textes de loi découlant de la réforme fiscale débattue au sein du gouvernement.
Un avant-projet additionnel doit plus spécialement attirer notre attention. Celui-ci vise à mettre en œuvre la loi de 2014 sur la gestion autonome de l’Ordre judiciaire.
Nous comprenons que les « trois piliers » et le Ministre de la justice ont manifesté leur volonté d’aboutir à une concrétisation de cette loi sous la présente législature. Pour mémoire, les « trois piliers » sont le Collège des cours et tribunaux, le Collège du ministère public et le comité de direction de l’entité cassation (sic).
Un projet sur la mise en œuvre de la loi de 2014 sur la gestion autonome a été établi sous la gouverne du Collège des cours et tribunaux.
Force est de constater que ce projet suscite de nombreuses critiques notamment de la part des associations syndicales de magistrats et de la Conférence des tribunaux de première instance francophones et germanophone.
Ces critiques visent tant la méthodologie (absence de concertation préalable) que le contenu du projet.
La principale critique est que le projet fait des Collèges (les trois piliers) le centre de gravité du dispositif, les entités judiciaires étant placées dans une position subordonnée. En effet, ce sera le Collège des cours et tribunaux qui répartira les moyens entre les juridictions, fixera leurs objectifs, définira les principes généraux d’organisation et contrôle interne ainsi que les règles en matière de bien-être. Par ailleurs, le Collège des cours et tribunaux n’est soumis à aucun contrôle, l’assemblée générale ne pouvant exercer celui-ci que via l’approbation du rapport de fonctionnement.
Il faut donc craindre une perte d’autonomie au niveau de la fonction juridictionnelle alors que celle-ci est essentielle.
Je regrette également l’absence de toute consultation préalable du barreau. À ce jour, le seul contact officiel que j’ai eu sur ce sujet très important est la communication le 1er juin 2023 par la présidente du Collège des cours et tribunaux d’une note de synthèse des informations les plus importantes sur le projet de mise en œuvre de la loi de 2014.
Les avocats constituent des acteurs essentiels dans le fonctionnement de la justice. Il n’y a pas de bonne justice sans avocats. Je ne manquerai pas de le rappeler. L’absence de toute implication du barreau dans l’élaboration du projet témoigne de ce qu’il n’en a pas été tenu compte.
Votre bien dévoué,
Pierre Sculier,
Président