Notre Cour de cassation, section néerlandaise, a rendu ce 14 mars 2023 (P.23.0348.N) un arrêt sur le temps de plaidoiries des avocats qui a déjà fait couler beaucoup d’encre.
Un confrère avait introduit un pourvoi en cassation car il n’avait reçu « que » 10 minutes pour plaider un dossier en chambre des mises en accusation à Gand, sur une question de prolongation de la détention préventive.
Notre cour suprême n’a néanmoins pas été émue par ce moyen et a estimé qu’il n’était pas démontré que les droits de la défense auraient été violés. De plus, la juridiction précise qu’il n’existe aucune loi ou aucun traité qui accorde le droit à un conseil de plaider aussi longtemps qu’il désire.
Dès lors, la juridiction d’instruction peut limiter le temps de plaidoiries en tenant compte de la complexité et de la nature du dossier.
Emotion au sein de notre confrérie bien entendu, le principe des droits de la défense étant un principe central de notre état de droit. D’autant plus dans le cadre d’une question de privation de liberté certes.
Comme le rappelle Sofie Demeyer, porte-parole de l’OVB, ce n’est sans doute pas l’image que la Justice devrait donner d’elle-même.
Certains voudront rassurer en rappelant qu’une balise existe : il est toujours possible à l’audience de contester un temps de plaidoiries trop court sur base des droits de la défense… mais il faut alors conclure sur les bancs ou le faire acter.
Conclure pour avoir le droit de plaider ? D’autres dents grincent déjà.
Notre confrère Philip Daeninck, à la lecture de cet arrêt, nous offre une analyse intéressante de la relation entre magistrature et avocature, rappelant que certes notre Cour de cassation ne juge pas les faits… mais qu’ici l’aspect factuel des « dix « minutes » est évidemment déterminant.
Il précise que la relation entre magistrat et avocat l’est d’autant plus, notamment quant à l’interactivité des débats.
Couper la parole à un avocat brise cette relation privilégiée et offre une image dictatoriale qui ne bénéficie à personne.
Son article résonne positivement quand il rappelle les principes de bonne entente essentiels entre le siège et le plaideur ou encore le contenu des plaidoiries.
Espérons donc que les juridictions de fond continueront malgré tout à accorder un temps raisonnable aux plaideurs, surtout dans des matières si sensibles, ce qui reste heureusement en pratique le cas, mais pas partout malheureusement.
On peut certes regretter la formalisation de cette question de temps de plaidoiries dans un arrêt de la Cour de cassation.
Mais nous continuerons bien entendu à soutenir la Justice pour qu’elle garde un visage définitivement humain.
Jean-Joris Schmidt,
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